Quel rôle jouent les politiques économiques de l’État en matière d’investissement ? Personne ne nie l’importance de celui-ci dans le développement économique et social des nations. Les analystes économiques, ainsi que les décideurs politiques de tous horizons, le considèrent comme un moteur et un levier de développement, compte-tenu de sa contribution à la formation de richesses, à l’emploi et à l’amélioration des conditions des citoyens. De ce point de vue, notre pays a œuvré depuis son indépendance politique à mettre en place un cadre institutionnel et législatif propice à l'investissement. Cette étape a été caractérisée par l'intervention significative de l'État dans le domaine économique à travers un ensemble de mécanismes, comme le développement du secteur public, la promulgation de lois sur les investissements et leur mise en œuvre. Du programme d'ajustement structurel basé principalement sur la politique de stabilisation et d'évaluation, à la privatisation du secteur public et d'ouverture sur l'extérieur, la politique économique est devenue ce que l'on pourrait appeler « redéploiement ».
Ainsi la politique économique s’est concentrée sur l’encouragement à l’initiative privée, la qualification des entreprises, leur capacité à suivre le rythme de la mondialisation et leur intégration. Sur le plan extérieur, l'État a conclu plusieurs accords de partenariat et ouvert des zones de libre-échange dans un contexte international caractérisé par la domination des macro-entreprises et des pays industrialisés, sous l'égide des institutions financières internationales. Or ces dernières imposent des options qui limitent la marge de manœuvre. Les résultats obtenus par l’État en vue de promulguer et mettre en œuvre des projets d’investissement et de développement ne sont pas à la hauteur pour résoudre le problème du retard et les grandes disparités sociales et spatiales qui en résultent : la pauvreté l’emporte encore sur l’investissement.
La faiblesse de l'investissement est un indicateur. Elle est enracinée dans les lacunes des politiques économiques de l'État en ce domaine et son incapacité à animer un climat approprié. Cela entretient plusieurs obstacles. Notamment la présence d'un secteur économique non structuré ; la faiblesse de la gouvernance, la corruption administrative, le système judiciaire limité et l'érosion de la classe moyenne. L'investissement est la preuve concluante que le succès de tout plan de développement nécessite, en plus des mesures économiques, le développement d'une stratégie globale visant à développer les capacités administratives, techniques et éducatives, construisant ainsi un État de droits, pour peu que l'investissement devienne une priorité. En d'autres termes, il existe une interrelation dialectique entre le développement réel et l'investissement. Cette intervention vise à répondre à la question posée autour de trois points : établir un cadre conceptuel des politiques économiques et d'investissement de l'État ; évaluer l’état d’avancement de l’investissement et un pacte d’investissement, à l’instar d’un pacte républicain, afin de relever les défis ; comprendre et assurer le rôle des facteurs non économiques dans le domaine de l'investissement.
Journées de l’Investissement
Le pacte que je propose répond au besoin urgent d’innover et de passer à l’échelle supérieure dans notre manière de faire face aux défis sociaux complexes actuels. Il vise à canaliser les capitaux pour obtenir des rendements sociaux et financiers mesurables. Il tend également à tirer parti de l’investissement et des compétences entrepreneuriales afin de stimuler l’innovation sociale, de la même manière que l’investissement et l’esprit d’entreprise favorisent l’innovation commerciale et technique. L’attraction de nouveaux capitaux pour résoudre les problèmes à grande échelle nécessite l’élaboration d’un système efficace où secteur social et marchés financiers fonctionnent de pair et où de nouveaux instruments financiers permettent aux entrepreneurs sociaux d’avoir un impact social important et des rendements financiers acceptables.
Je crois que nous sommes maintenant à l’aube d’une révolution sociale. Prendre en considération ce pacte permettra d’élever une vague d’entrepreneuriat social et la classe moyenne, avec l’objectif d’améliorer sensiblement la vie des gens. Il provoquera un changement de mentalité et la capacité à voir les choses autrement. La mise en place d’une politique habilitante et d’un milieu de réglementation appropriés, entre le privé et le public, permettra aux entrepreneurs et aux investisseurs sociaux de combler l’écart entre les besoins sociaux et administratifs.
Dans ce contexte, le pacte d’investissement vise à la promotion d’un secteur privé prospère nécessitant une compréhension approfondie des principaux déterminants de la performance des entreprises et des classes moyennes : quels sont les défis auxquels elles sont confrontées ? Comment exploiter au mieux leur potentiel ? Quelles sont les mesures à prendre pour établir un environnement favorable aux affaires ? Quel est le rôle des partenaires au développement ? Pour répondre à ces questions, il faut organiser des Journées de l’Investissement entre tous les acteurs politiques, Société civile, privé et public, afin de déboucher sur le pacte susdit. On peut en attendre un diagnostic pertinent, après plusieurs jours d’échanges et d’efforts de réflexion collective. Cette évaluation commune s’appuiera sur vaste expertise de terrain et s’établira une base analytique plus solide pour notre engagement continu.
Pour conclure, une plus grande diversification économique et financière, une meilleure intégration dans les chaînes de valeur du pacte d’investissement et la participation de plus d’entreprises, grandes et petites, dans tous les secteurs de l’économie privée restent cruciales pour garantir une croissance plus inclusive et résiliente. Les grandes entreprises publiques représentent encore un des principaux moteurs de croissance. Et s’il est essentiel de promouvoir le développement du secteur privé, la réduction des disparités régionales jouera également un rôle déterminant.
Cheikh Ahmed ould Mohamed
Ingénieur
Chef du service « Études et développement »
Établissement portuaire de la baie du Repos (Nouadhibou)