INSAF : Batailler pour survivre

21 August, 2024 - 18:40

L’INSAF, principal parti de la majorité présidentielle, a validé le choix du président de la République qui a désigné, il y a quelques jours, son directeur de campagne Sid’Ahmed ould Mohamed à la tête du parti. C’était une simple formalité. Mais ce positionnement a plus que surpris les observateurs qui s’attendaient plutôt à sa nomination à la tête du gouvernement. Depuis Ould Bilal, Premier ministre sortant, ce poste semblait en effet destiné à la composante haratine, suivant la politique du dosage instituée depuis que les militaires ont, en 1978, mis sous leur joug la Mauritanie. Or le président-marabout a opté pour Ould Diay à la Primature… Du coup, Ould Mohamed vient remplacer Ould Eyih qui avait su gérer l’INSAF, bon an mal an. Très réservé, celui-ci n’a pas fait de vagues. Le parti a même avalé des couleuvres, le Palais en faisant toujours à sa guise, surtout lors du choix des candidats aux élections municipales, régionales et législatives. Mis une nouvelle fois devant le fait accompli, voilà l’INSAF confié à un ex-ministre de l’Urbanisme… une désignation en droite ligne, au final, de la politique du dosage, censée satisfaire la composante haratine.

Dans son discours devant les congressistes, Sid’Ahmed ould Mohamed s’est engagé à poursuivre «la construction d’un parti moderne qui interagit avec son environnement politique, fait l’événement et reste dynamique dans son parcours ; un parti à la hauteur des attentes de la majorité qui l’a choisi comme mode de gouvernance, confiante en sa capacité d’apporter des solutions profondes aux questions de développement. […] Nous pratiquons la politique au sein d’un grand parti couvrant tout le pays et menant une stratégie basée sur l’équité ». L’INSAF mettra en œuvre le programme du Président visant à « construire un État de droit et des institutions fortes, avec une gouvernance efficace et moderne, assurer une économie forte, autonomiser les jeunes, lutter contre la corruption, promouvoir et soutenir l’inclusion sociale. » Un discours plein d’ambitions… sur un chemin pavé d’embûches.

 

Frictions et dissolution ?

L’élection d’un nouveau président de l’INSAF intervient donc en début de second quinquennat de Mohamed Cheikh Ghazouani, au moment où nombre de mauritaniens ont été surpris, pour ne pas dire déçus, des premières mesures prises au lendemain de l’investiture du marabout-président. Comme on le sait, l’INSAF n’a pas réussi à jouer pleinement son rôle ; se contentant de faire passer, comme à la poste, les décisions de l’Exécutif. Il faut aussi et surtout noter que le candidat Ghazouani avait choisi de se présenter en candidat indépendant, alors qu’il disposait d’un parti nanti d’une écrasante majorité au Parlement et au sein des conseils municipaux et régionaux. Cette posture du président de la République ressemblait fort à un désaveu envers le parti. Le choix porté sur Ould Mohamed sonnerait-il comme une sorte de réconciliation avec cette formation politique, considérée par beaucoup comme une coquille vide ?

À moins que Ghazouani n’ait en fait l’idée de liquider ledit parti, en dissolvant, comme le souhaitent et redoutent certains, l’Assemblée nationale ? Cette décision pourrait lui permettre – mais surtout au Premier ministre Ould Diay – de toiletter celui-là… On se rappelle qu’il avait été accusé d’avoir imposé ses choix lors des dernières élections municipales, régionales et législatives, ainsi que les coordinateurs de campagne ; permis à d’autres formations d’émerger, à l’instar de celle de Mohamed Jemil Mansour dont l’entrée au gouvernement était attendue… avant de préparer la reconnaissance des partis RAG et FPC et le retour du RFD et de l’UFD au Parlement ? Ce faisant, le président de la République administrerait une véritable dose de décrispation dès le début de son second mandat.

La démocratie mauritanienne y gagnerait, peut-être, de nouveaux galons. Selon des avis concordants, le nouveau PM pencherait pour cette thèse.  Suspecté d’opposition à la reconnaissance des FPC et du RAG, l’actuel ministre de l’Intérieur acceptera-t-il alors de leur offrir le sésame ? Certains observateurs et autres analystes pensent qu’ici s’agitent les premières divergences entre les deux hommes. Depuis la désignation du Premier ministre, des rumeurs circulent de fait sur de telles discordances au sein du gouvernement. Les supputations de salons racontent que deux camps seraient apparus lors de la formation de celui-ci : d’un côté, Ould Diay et, de l’autre, celui des quatre ministres de souveraineté, à savoir les tout-puissants ministres de l’Intérieur, de la Défense, de la Justice et des Affaires étrangères. Frictions, malaise ? Mais Ould Diay ne bénéficierait-il pas de la confiance du président ? Une faveur qui ne manque cependant pas d’agacer les Mauritaniens à qui l’on a fait croire, avec la commission d’enquête parlementaire de 2020, que l’actuel PM figurait parmi les plus grands gabegistes de l’ère azizienne…

Sid’Ahmed ould Mohamed a souligné, lors de sa prise de fonction à la tête de l’INSAF, la très complexe situation internationale, avec la multiplication de guerres et de troubles, dans un contexte où les différences et les divergences de points de vue entre les pôles interagissent, et déclaré le soutien du parti à toutes les causes justes dans le Monde, au premier rang desquelles la Palestine. De son côté, le président sortant, Mohamed Mélaïnine ould Eyih s’est contenté de passer en revue les différents programmes et interventions entrepris par l’INSAF au cours de son mandat, soulignant les succès obtenus lors des élections législatives, régionales et municipales, ainsi que de l’élection présidentielle. Un passage de témoin donc apparemment limpide, sans aucune ombre… rejetant loin dans les profondeurs une possible anguille sous roche ?

 

Dalay Lam