Les élections législatives anticipées organisées en France le 30 juin dernier, ont accouché d'une configuration politique inédite.
Le système bipartite qui a longtemps marqué la vie politique française, a cédé le pas à un agencement tripartite du paysage politique. Ce dernier a engendré des défis épineux qui laisseront leurs traces indélébiles dans l'avenir du jeu politique.
Trois blocs distincts se partagent désormais la structure représentative, sans majorité absolue même en cas de compromis et d'accommodement, rendant inextricable tout schéma de solution de la crise issue des dernières élections.
Le premier bloc relevant de la nouvelle gauche radicale regroupée au sein du « Nouveau Front populaire » a pour fer de lance « La France insoumise », le mouvement populiste de gauche fondé en 2016 par Jean-Luc Mélenchon allié aux rescapés du parti socialiste, aux communistes et aux écologistes. Cet ensemble, en tête des dernières élections avec ses 182 députés, revendique toujours le droit à constituer le prochain gouvernement, bien que ses capacités de coalition avec d'autres franges de l'échiquier politique soient minimes.
Le « Rassemblement national », grand parti de l'extrême droite, n'a pu suivre sa dynamique d'ascension palpable lors du premier tour des élections, le « cordon sanitaire » a fonctionné une nouvelle fois pour barrer le chemin à ce mouvement considéré comme xénophobe et raciste. Malgré l'effort consenti pour unifier la mouvance de droite, les divergences profondes entre la droite populiste, ultranationaliste et les républicains libéraux et centristes se sont manifestées au grand jour.
Le bloc présidentiel hétéroclite, qui a été en deuxième position lors des dernières élections, n'est pas en mesure de tisser la grande coalition républicaine qu'il espérait.
Une vue générale des députés lors du troisième tour de l'élection du président de la chambre basse à l'Assemblée nationale française, à Paris, le 18 juillet 2024. (AFP)
Un échec lamentable
Face à cet imbroglio, le président Emmanuel Macron n'a qu'une marge de manœuvre très limitée. Sa tentative de clarification de la scène politique, par le biais des élections anticipées a lamentablement échoué.
Les institutions de la Ve République, mises en place en 1958 par le général de Gaulle, ne sont pas en effet compatibles avec un champ politique d'un tel émiettement. La France, contrairement à la plupart des États européens, manque de tradition de large coalition gouvernementale. Son régime présidentiel fort et sa configuration politique bipartite, l'ont préservée ultérieurement des solutions de compromis difficiles à nouer.
Les périodes dites de cohabitation – durant les règnes de François Mitterrand et de Jacques Chirac – ont été certes marquées par l'esprit de compromis et de partage de pouvoir, mais la configuration de deux grandes forces en compétition a parfaitement fonctionné dans l'encadrement du jeu politique.
Ce qui est à signaler aujourd'hui, c'est l'effondrement même de ces forces structurelles que sont la droite libérale et la social-démocratie.
Le politologue René Rémond parlait autrefois des trois droites différentes issues du legs de la révolution française : la droite « légitimiste » contre-révolutionnaire, la droite « orléaniste » libérale et la droite « bonapartiste » césarienne.
La confrontation entre ces trois courants a vu le jour lors des primaires du parti des Républicains en 2016, mais le grand parti gaulliste a toujours réussi à fédérer ces différentes tendances avant l'érosion de cette entité politique.
En 2016, l'ancien Premier ministre Manuel Valls a parlé des « gauches irréconciliables », fustigeant les positions antinomiques des leaders socialistes engagés dans la course pour le pouvoir. Cette divergence doctrinale et stratégique a été constante depuis la deuxième guerre mondiale, mais elle n'a nullement entravé les tentatives réussies de rassemblement de la gauche, ce qui a permis la victoire électorale de l'ancien président Mitterrand en 1981. Malgré la constitution de la récente coalition de gauche baptisée le Nouveau Front populaire, la grande formation social-démocrate s'est écroulée définitivement.
Le président Macron a auparavant théorisé le nouveau clivage entre le progressisme à différentes facettes et le nationalisme souverainiste, se présentant comme le leader de la France moderniste mondialisée face aux démons du conservatisme immobiliste et du nationalisme radical. Cette image a été largement ternie par les derniers développements de la scène politique qui ont engendré une situation d'incertitude et de crise profonde. Le jeu politique, devenu plus aride et plus complexe, ne répond plus aux grilles de lecture classiques et ne pourrait être réduit à la ligne de conflictualité énoncée par le président Macron.
Seyid ould Bah est professeur de philosophie et sciences sociales à l'université de Nouakchott, Mauritanie et chroniqueur dans plusieurs médias. Il est l'auteur de plusieurs livres en philosophie et pensée politique et stratégique. X: @seyidbah
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