Après un premier mandat considéré comme celui de l’« immobilisme », du « recyclage » des caciques de la décennie azizienne et des promesses de changement de gouvernance sans lendemain, voilà que le Président réélu sur un programme de changement, pour ne pas dire révolution – au demeurant pas vraiment l’apanage des marabouts… – nomme un des symboles du régime gabegique de son prédécesseur Premier ministre de la République. Voilà donc Moctar ould Diay, ancien tout-puissant ministre de l’Économie et des finances, coopté chef du gouvernement ! Il occupait jusqu’au jour de sa nomination, le poste de ministre-directeur de cabinet de notre Raïs. Un poste stratégique dans la tour de contrôle du pouvoir. Mais cette nouvelle nomination, comme la précédente, est une grosse surprise pour bon nombre d’observateurs.
Beaucoup d’attentes, encore…
Après cinq années de patiente attente, les Mauritaniens ne cessent d’exprimer leur demande de changement de gouvernance et d’hommes. La déclaration de candidature de Ghazouani et son discours lors de son investiture, le vendredi 1er Août, auguraient une réelle mutation. Les jeunes comptent sur la concrétisation de l’engagement du Président à dédier son second quinquennat à la jeunesse. La nomination à la tête du gouvernement d’un ancien ministre et directeur de cabinet y contribuera-t-il ? Le choix a surpris mais semble tout de même stratégique. Cinq ans de tests ont peut-être permis à Ghazouani de comprendre la nécessité de changer de mode de gouvernance. Et Moctar Diay serait bel et bien, de l’avis de bon nombre d’observateurs, en mesure de faire le job : l’homme est expérimenté et connaît bien le microcosme politique où il ne compte cependant pas que des amis.
Dix années au côté d’Ould Abdel Aziz lui ont permis de connaître les rouages de l’administration. Il a du punch et de l’audace, même si certains la taxent de zèle, pour ne pas dire arrogance. Des qualités – ou défauts… – utiles pour accomplir certaines missions. Ce n’est pas rien que cet homme de Magta Lahjar ait su éviter les conséquences néfastes de sa proximité avec l’ex-Président dont il était accusé d’être le « trésorier », voire le «banquier ». Tel un sphinx, il s’est soustrait du fameux « Dossier de la décennie » pour se retrouver au cœur du nouveau pouvoir. Beaucoup de cadres ont recouru à ses services pour leur promotion. Mais de là à le nommer Premier ministre, rare sont des observateurs qui y auraient misé.
Des atouts pour faire bouger les choses ?
Aujourd’hui porté à ce poste éminent, il prend sa revanche sur ses nombreux détracteurs. Mais que peut-il apporter de nouveau, de changement d’hommes et de méthode de gouvernance ? Le président de la République lui donnera-t-il carte blanche pour lutter contre la gabegie et trouver des solutions aux problèmes de la jeunesse ? De la composition de son gouvernement dépendra la suite des évènements mais les premières nominations au Palais n’annoncent guère changement : on assiste plutôt à une « fossilisation » et beaucoup de jeunes qui espéraient voir des premiers signes du changement tant attendu commencent déjà à déchanter… Ould Diay pourrait, s’il en a le mandat, faire cependant avancer les dossiers du pétrole et du gaz dont les négociations avaient démarré sous ses auspices. Ne pourrait-il pas aussi jouer un rôle déterminant dans l’affaire Aziz ? L’homme connaît les deux amis de quarante ans, a servi sous leurs ordres en tant que ministre et… ne manque pas de tours dans son sac. Donc attendre et voir, encore… mais le temps n’en est pas moins compté !
Dalay Lam