Depuis l’arrivée au pouvoir du président OULD ABDEL AZIZ, les relations entre le régime de celui-ci (par proches interposés) et le Patronat mauritanien, dans sa composition actuelle, n’auraient cessé de se détériorer. Ainsi, les activités de l’UNPM (Union Nationale du Patronat Mauritanien) étaient-elles, de plus en plus, boudées par les officiels mauritaniens. D’aucuns y verraient le désir de certains proches du président AZIZ, avec l’aval de celui-ci, de mettre l’UNPM sous la coupe du pouvoir.
Parmi les signes confirmant cette dégradation de relations entre les deux parties, l’on pourrait mentionner le niveau officiel (plus bas que d’habitude) d’ouverture du dernier congrès de l’UNPM. En effet, s’il était de coutume que la cérémonie d’ouverture du congrès du patronat mauritanien soit présidée par le Chef de l’Etat (ou son Premier ministre) accompagné d’une forte délégation gouvernementale, la cérémonie d’ouverture du dernier congrès de l’organisation patronale nationale avait dérogé à cette règle, n’enregistrant, au plan gouvernemental, que la présence d’un seul ministre, celui chargé du Commerce qui s’était fait attendre pendant plus de deux heures d’horloge.
Autre preuve de cette « disgrâce », le fait que les politiques et stratégies nationales au plan économique et financier sont décidées, ces dernières années, par les pouvoirs publics, de façon unilatérale et sans concertation avec le secteur privé national. Aussi, les contacts entre le gouvernement (donc le secteur public) et le secteur privé se limitent-elles, aujourd’hui, à la présence de responsables de l’UNPM à quelques rares rencontres ponctuelles et honorifiques (d’éclat plus que d’utilité nationale) auxquels ils sont conviés par certains responsables de l’Administration mauritanienne.
Toujours au plan des manifestations de cette mésentente entre le Pouvoir et le Patronat en Mauritanie, figureraient les difficultés de plusieurs ordres rencontrées par ce dernier dans la tenue de son congrès qui est allé de report en report pour retards successifs dans la tenue des Assemblées générales de certaines Fédérations professionnelles membres de l’UNPM. En effet, sur les onze (11) Fédérations professionnelles que compte cette organisation patronale nationale, seules cinq ( 05 ) ont réussi, sans difficultés, à tenir leur Assemblée générale , en prélude à la tenue du congrès de l’UNPM et ont renouvelé leur confiance aux présidents sortants . Il s’agit des fédérations professionnelles ci-après :
- La Fédération des Services et Professions libérales (présidée par MOHAMED OULD WALED) ;
- La Fédération des Institutions financières (présidée par MOULAYE OULD SIDI MOHAMED OULD ABBASS) ;
- La Fédération des Industries et Mines (présidée par AHMED OULD HAMZA);
- La Fédération Nationale des Pêches (présidée par MOHAMED LEMINE OULD HAMMOUD) ;
- La Fédération du Tourisme (MOHAMED OULD CHRIF OULD ABDALLAHI).
Mésententes
Une sixième fédération professionnelle (la Fédération des Bâtiments et Travaux publics) a fini, après maints écueils, à tenir son Assemblée générale. En effet, certains arrivistes membres de cette fédération, appuyés par un proche d’OULD ABDEL AZIZ, auraient tenté d’empêcher celle-ci de tenir son Assemblée générale et imposer leur candidat. Il fut, dans ce cadre, fait recours à la Justice mauritanienne. Ainsi, le groupe proche du Président AZIZ ci-dessus mentionné put obtenir, trois jours seulement avant la date prévue pour cette Assemblée générale, auprès de l’un des magistrats mauritaniens un arrêt suspensif de cette dernière. Mais, c’était sans compter avec la pugnacité d’un outsider, en la personne de LEMRABOTT OULD TANGI. Celui-ci, PDG de la société AZIMA et Président sortant de la FEBAT, bénéficierait, non seulement, de sa proximité avec le Pouvoir (l’intéressé est actuellement député UPR de la dernière-née des moughata’a mauritaniennes, celle de CHAMI), mais également, de son poids financier et de sa prodigalité. Il aurait ainsi réglé, en lieu et place des membres de la Fédération des Bâtiments et Travaux publics (FBATP), leurs arriérés de cotisation à cette Fédération. OULD TANGI aurait aussi réussi l’exploit de faire annuler, dans la même journée de sa publication, l’arrêt suspensif de la tenue de l’Assemblée générale de la FBATP et de se faire élire, haut-la-main, à la tête de cette Fédération. A malin plus malin que lui.
Pour ce qui est des cinq (05) autres fédérations professionnelles et non des moindres, elles n’ont pu, jusqu’à présent, tenir leur assemblée générale, retardant, par conséquent, la tenue du congrès, tant attendue, de l’UNPM. Trois de ces fédérations n’ont pu, pour raisons financières particulières, tenir leur Assemblée générale. Il s’agit de la Fédération Nationale d’Agriculture, de la Fédération Nationale des Transports et de la Fédération Nationale des Boulangeries et Pâtisseries.
Quant aux deux autres Fédérations professionnelles (la Fédération Nationale d’Elevage et la Fédération Nationale du Commerce), elles n’arrivent pas, elles aussi, mais pour d’autres raisons non financières, à tenir leur Assemblée générale constitutive pour la première et ordinaire pour la seconde. Ainsi, la Fédération Nationale d’Elevage n’arrive pas, depuis trois (03) ans, à tenir son Assemblée générale constitutive a cause de certaines entraves qui viendraient, affirment de méchantes langues, de la part d’autres cousins du Président AZIZ.
S’agissant de la Fédération Nationale du Commerce (l’une des plus importantes fédérations professionnelles nationales par le nombre d’adhérents et le volume d’affaires), c’est tout un autre feuilleton politico-tribal. En effet, cette Fédération, bien qu’étant la première Fédération professionnelle mauritanienne à annoncer la tenue de son Assemblée générale , fut contrainte, à plusieurs reprises, de reporter cette Assemblée.
Des reports successifs qui seraient, dit-on, consécutifs à un conflit d’intérêt et de convoitise qui auraient conduit certains proches du Président AZIZ, à s’opposer, ouvertement, à la reconduction de l’actuel président de la Fédération Nationale de Commerce, Mohamed Abderrahmane OULD OUMAR (de la tribu des SMASSIDES) à la tête de cette fédération. Une opposition qui, dit-on, viendrait (ce qui reste à vérifier) de OULD ABDEL AZIZ lui-même et qui aurait été communiquée à OULD OUMAR par des cousins de celui-ci. Suite à cette information et en réaction au tollé soulevé au sein de la Fédération du Commerce par cette question du choix de son président, les SMASSIDES auraient demandé à OULD OUMAR (un des leurs) de, tout simplement, se retirer de cette course à la présidence de la Fédération mauritanienne du Commerce. Ce que celui-ci aurait accepté, officiellement, pour décanter la situation et permettre une alternance apaisée.
Parentèle en première ligne
Néanmoins et en dépit de cette acceptation par OULD OUMAR de retirer sa candidature, toutes les conditions nécessaires ne sembleraient pas être réunies au niveau de la Fédération du Commerce pour permettre la tenue de son Assemblée générale. En effet, des divergences sérieuses seraient apparues au niveau du Bureau exécutif de cette Fédération, lors de sa dernière réunion consacrée à la tenue de cette Assemblée générale. Quatre positions (ou courants) divergentes se seraient ainsi manifestées au cours de cette réunion.
Pour le premier courant, il faudrait entériner la démission d’OULD OUMAR et opter pour un candidat du sérail (familial ou politique) d’OULD ABDEL AZIZ. Le second courant, tout en avalisant la démission d’OULD OUMAR, souhaiterait que la présidence de la Fédération Nationale de Commerce reste dans la tribu smasside. Le troisième groupe serait, lui, favorable au choix d’un nouveau président pour cette fédération qui soit moderniste, qui possède le niveau intellectuel approprié et soit, enfin, dirigeant d’un Etablissement de commerce structuré (donc moderne). Ce troisième groupe verrait en OULD MOHAMED SALEH (actuel vice-président de la Fédération Nationale de Commerce et PDG de la société SIRCOMA) un candidat de consensus. Le quatrième groupe va plus loin que les trois autres, en demandant d’attribuer la présidence de la Fédération Nationale de Commerce, pour la première fois, à un négro-africain ou à un haratine remplissant les critères d’efficacité ci-dessus énumérés pour combler l’absence constatée et anachronique, jusqu’ici, de ces deux composantes du peuple mauritanien des instances dirigeantes du patronat mauritanien. Pour ce quatrième groupe, le choix de leur candidat se porterait sur une personnalité bien connue dans le pays, issue du milieu haratine et répondant aux critères objectifs de changement précités. Il s’agirait de MAHMOUD RIYAD, haratine prospère et dirigeant d’une entreprise moderne de commerce.
Ce désaccord persistant au niveau du Bureau exécutif de la Fédération du Commerce aurait conduit le président de la commission de supervision de la tenue de l’Assemblée générale de cette fédération, en l’occurrence AHMED OULD HAMZA, à notifier à celle-ci le report sine die de son Assemblée générale, en attendant, peut-être, une solution miracle de dernière minute.
Au vu de ces différentes péripéties, l’on serait en droit de s’interroger sur les vraies motivations de ce nouvel intérêt accordé par OULD ABDEL AZIZ et son régime à l’UNPM après avoir boudé, pendant plusieurs années, cette dernière. Ce faisant, le Président AZIZ aurait-il changé de stratégie et de tactique pour créer, comme certains le penseraient, dans le pays une génération de nouveaux riches, plus modernistes, mais en même temps, plus dociles à l’endroit du pouvoir ? Ou y aurait-il d’autres raisons sous-jacentes ?
Au demeurant et quelles que soient les réponses à ces interrogations, le patronat mauritanien doit rester un partenaire privilégié pour les pouvoirs publics et incontournable dans le développement économique et social du pays et dans la mise en œuvre des politiques et stratégies nationales de croissance économique, de lutte contre la pauvreté et de lutte contre le chômage. L’organisation patronale mauritanienne (UNPM) devrait, en conséquence, pouvoir jouer son rôle, sans entraves et dans un climat de confiance réciproque adéquat avec l’Etat.
UN PETIT OPERATEUR ECONOMIQUE