Le président Ghazwani a-t-il réussi à inculquer l’État des droits et de la citoyenneté aux Mauritaniens ? Qu’a-t-il fait pour gagner la confiance une seconde fois ; manqué de faire ; et cherche-t-il encore plus de temps pour le réaliser ? Au niveau international, avec une pandémie de trois ans et la guerre en Ukraine, il est certes légitime de dire que notre président n’a pas eu beaucoup de cadeaux dans son premier mandat. Et à l’échelle nationale, confronté dès le premier jour à une fracture en son propre camp, via une « crise de référence » du leadership politique national qui s’est dénouée, au bout de quatre longues années, par le jugement du « dossier de la Décennie », le président Ghazwani n’a pas non plus joui d’un vent favorable. Pour aller vers quoi ? Il ne l’a pas dit. Mais ce que l’on voit tout de même, c’est beaucoup d’improvisation et peu de planification.
En attendant le bonheur, le citoyen lambda raconte des blagues du genre « le châtiment de Ideyboussates » qui consiste à faire souffrir sans laisser de traces. Cette fois, les traces et les preuves, il y en a partout et à gogo. Pour ne citer que peu, on peut compter l’apparition d’un courant d’air dans les coulisses du centre de décision, laissant entendre que toutes les nominations sont stériles en termes de rentabilité et ne sont faites que pour gagner du temps et faire plaisir à tout le monde, surtout aux incompétents et périmés.
En effet, le changement a besoin d’hommes intègres et d’une volonté sincère de tous les acteurs de l’État, comme ce fut le cas en Égypte, quand l’armée sortit de ses rangs un homme dynamique, apte à conduire les réformes nécessaires pour redresser la nation ; ou en Tunisie, quand les forces de défense et les services de sécurité choisirent un professeur de Droit constitutionnel pour mettre fin à la corruption de la classe politique et aux berceaux du vol organisé de l’État. Pour être plus juste, 2019 ne fut pas un bon départ. D’abord, le pays venait d’expérimenter une abomination de la démocratie par la suppression du Sénat ; puis le refus de l’ex-Président de sortir discrètement de la scène politique a poussé le nouveau régime à gérer le pays avec une main ferme en dépit de lui et à limiter la portée de son action au détriment de l’intérêt général.
Pour information, dans sa conception initiale, c’est au peuple de choisir ses députés pour voter des lois et à l’aristocratie féodale et au capital privé de valider ce vote, dans une sorte de contrôle et équilibre. Le vide dans la pyramide du pouvoir suscité par la suppression du Sénat – jardin des candidats potentiels pour devenir futurs chefs d’État… – a multiplié les incertitudes et plus que jamais semé le doute sur l’avenir du pays et la forme de sa gouvernance boiteuse. Á noter, l’image de démocratie qu’on voit aujourd’hui dans le monde « avancé » est le résultat de nombreuses réflexions à travers des expériences riches de sagesse en manières de gouverner sans risquer un brusque effondrement d’Etat suite à une catastrophe.
Heureusement et sauf quelques petites lacunes dans l’exécution des grands travaux publics, si le président Ghazwani corrige le tir, le pays peut se ressaisir des séquelles de cette politique stérile visant à gouverner en multipliant les coups médiatiques, inaugurations de projets fantômes, avec l’acharnement de quelques hommes de l’entourage pour édifier une sorte de maçonnerie s’opposant au fonctionnement normal des institutions de l’État. Avec, au final, cette ultime question : un second mandat de Ghazwani, est-ce la preuve de la réussite du premier ou celle d’une fuite en avant… parce qu’il n’y a pas d’autres alternatives ?
Habib Hamedy
Ingénieur d’État