* En France, lors du vote parlementaire de la loi controversée sur l'immigration, la présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, a revendiqué «une victoire idéologique»
* L'ancien président Trump, candidat à la prochaine élection présidentielle de novembre 2024, a récemment fustigé les migrants qui «empoisonnent le sang américain»
Le courant nationaliste populiste a le vent en poupe dans toutes les démocraties occidentales, selon les derniers pronostics attestés par des données factuelles concrètes.
Après la victoire éclatante de Javier Milei en Argentine et la poussée électorale récente de l'extrême droite en Allemagne, en Finlande, en Grèce ainsi qu’en Bulgarie, le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche devient de plus en plus prévisible.
En France, lors du vote parlementaire de la loi controversée sur l'immigration, la présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, a revendiqué «une victoire idéologique» de sa lignée politique au-delà des fractures traditionnelles du champ politique.
Les thèmes favoris de l'extrême droite (immigration, identité, autorité, préférence nationale) ne sont plus désormais l'apanage des mouvements ultranationalistes. La ligne de partage entre conservateurs et progressistes, isolationnistes et mondialistes ne sert plus de grille d'analyse fiable des changements sociopolitiques cruciaux qui affectent aujourd'hui les démocraties occidentales.
La philosophe belge Chantal Mouffe a d'ailleurs mis en garde contre l'identification du populisme à une orientation idéologique ou politique, constatant qu'il est plutôt un mécanisme de jeu politique adaptable à différents contextes.
Deux traits marquants caractérisent les différents populismes, qu’ils soient de droite ou de gauche: la méfiance vis-à-vis du système de représentation politique et de son modèle corollaire de séparation des pouvoirs et la dichotomie élites-peuple, qui est le cadre structurant de la mobilisation politique.
Des manifestants défilent derrière une banderole "retrait de la loi sur l'immigration" lors d'un rassemblement contre la nouvelle loi française sur l'immigration, à Bordeaux, le 21 janvier 2024. (AFP).
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Les différents populismes se rejoignent en effet dans le rejet la démocratie représentative libérale, dénoncée soit comme le dispositif formel d'un pluralisme déraciné et chaotique (extrême droite), soit comme un procédé de légitimation des inégalités sociales et des rapports de domination politique (gauche radicale).
Les deux forces cardinales de la démocratie libérale qui se sont partagé les sphères du pouvoir durant la seconde moitié du XXe siècle (la droite républicaine et la social-démocratie) sont de nos jours sur la pente déclinante. Cette régression décisive est liée à trois phénomènes concomitants: le malaise social croissant issu de la dynamique de la mondialisation, le passage d'un capitalisme de production et du travail matériel à un capitalisme d'innovation d’aspect cognitif et l'érosion des structures partisanes classiques ainsi que des corps intermédiaires, qui étaient les fondements de la vie politique.
Nouveaux genres d’antagonismes
Le mouvement populiste actuel est à la fois le reflet de la nouvelle conjoncture sociopolitique et un mode d'accommodement avec les mécanismes de la démocratie représentative électorale.
Il traduit ainsi le passage obligé d'une démocratie d'idéologies et de classes sociales à une démocratie d'opinions et de multiculturalisme.
Le credo libéral minimal faisant défaut – la subjectivité individualiste, l'identité citoyenne, l'humanisme universel... –, le champ politique devient sujet à de nouveaux genres d'antagonismes qui se placent au niveau culturel ou sociétal.
C'est dans ce sens que s'inscrivent les enjeux sociaux et culturels qui occupent le devant de la scène aujourd'hui: les questions d'identité, de valeurs et de traditions religieuses, ou encore les sujets communautaires.
Si les populistes de gauche restent fidèles aux idéaux d'universalisme cosmopolitique, ils demeurent néanmoins réfractaires au modèle contractuel consensualiste de la démocratie libérale. Pour eux, le peuple à construire est celui des luttes sociales antagonistes au profit de l'égalité et d’une souveraineté absolue qui ne peut être incarnée dans les institutions représentatives.
Les populistes de droite, quant à eux, s'attachent à une conception nativiste de la nation, organique comme son âme «éternelle et pure», face aux facteurs exogènes de pluralité et de diversité – d’où l'obsession de l'identité nationale qu’il s’agit de préserver et de défendre face aux phénomènes de migrations et de multiculturalisme.
L'ancien président Trump, candidat à la prochaine élection présidentielle de novembre 2024, a récemment fustigé les migrants qui «empoisonnent le sang américain». Éric Zemmour, figure montante de l'extrême droite française, déplore «l'extermination de l'homme blanc hétérosexuel et catholique» à cause de l'immigration qui a «défiguré» la nation française et a perverti son identité.
Même dans les pays occidentaux, où les formations politiques classiques sont toujours vives (notamment aux États-Unis), les partis traditionnels ont subi ces changements majeurs qui ont altéré leurs lignes idéologiques en intégrant le nouveau discours populiste. Cette tendance, lourde de conséquences, est à coup sûr un trait décisif de l'avenir politique en Occident.