La démocratie et les droits de l’Homme font partie intégrante de notre religion. Ils figurent au rang des valeurs qui nous tiennent le plus à cœur. Or une grande partie de la population arabe et africaine ne jouit pas de ces libertés. Pire, les choses évoluent dans le mauvais sens : le nombre des pays africains qui améliorent leur statut démocratique est en baisse. Tandis que la vague de démocratisation y retombe, le recul dans les démocraties établies tient à ce que le nationalisme populiste ignore les normes en la matière. Cette récession est non seulement un outrage moral qui devrait préoccuper tous les hommes et les femmes à cœur de protéger la liberté partout dans le Monde, mais aussi un grave danger.
L’affaiblissement de la démocratie entraîne l’instabilité qui peut à son tour entraîner des conflits et des violences. Il vaut toujours mieux prévenir que gérer une crise et les montants relativement modestes visant à favoriser la bonne gouvernance, le Droit, le pluralisme et les réformes constitutionnelles sont réellement rentables en ce qu’ils permettent d’éviter l’effondrement de l’État. Nos députés devront prêter attention à la promotion de la démocratie et des droits de la personne dans leurs débats autour de la moralité et à la sécurité. Ils devront également ne jamais les perdre de vue dans la nouvelle orientation de la nation et les nouveaux mécanismes visant à promouvoir notre république. J’estime que les priorités de nos députés sont plus sensées aujourd’hui qu’elles ne l’ont jamais été.
Car la démocratisation est au point mort et les pays autoritaires ont une influence grandissante. L’Europe est bouleversée par des politiques populistes, les États-Unis se distancent de l’ordre mondial qu’ils ont en grande partie fondé, la communauté mondiale des activistes démocratiques a besoin d’un nouveau flambeau. Notre pays pourrait relever ce défi et le Parlement pourrait prendre les devants pour rendre cela possible. L’histoire d’un gouvernement démocratique est marquée par des essais, des revers et des avancées, avant d’enfin atteindre avec espoir la maturité. La même chose se produit aujourd’hui : le Monde connut une vague démocratique après la chute du mur de Berlin et de l’effondrement de l’Union soviétique puis cette vague de progrès s’est affaissée et connaît maintenant un recul.
N’acceptons pas la défaite et les polémiques qui secouent toutes les démocraties. Une culture de la tolérance ne s’établit pas du jour au lendemain, il faut planifier le développement démocratique à long terme. Certes Il existe peu de gains à court terme en la matière. De nombreux pays africains ont évolué positivement après 1991 mais les progrès ont stagné, avant que ne surviennent des reculs. La démocratie comporte son lot de difficultés. La succession d’avancées et de reculs paraît décourageante mais il fallait peut-être s’y attendre. Le bouleversement de politiques nationales populistes poussant de nombreux pays ayant si longtemps affiché une démocratie exemplaire à se replier sur eux-mêmes et à lutter contre la division interne est quant à lui moins normal.
Comment promouvoir en Mauritanie la démocratie et les droits humains ?
La récente signature du Pacte républicaine confirme la politique de redressement du pays envers les valeurs démocratiques. L’ancrage des partis et des institutions dans la promotion de la démocratie et le respect des droits humains se précise. Cela nous amène à proposer la fondation de deux nouveaux organismes ; l’un consacré à la promotion des droits de la personne et l’autre à celle de la démocratie non partisane. Cela aidera notre démocratie émergente à bâtir des institutions spécifiques et soutiendra les changements pacifistes dans notre pays afin qu’il soit impossible de manipuler les données, tout en aidant les partis à convaincre les femmes de présenter leur candidature aux élections sur le terrain.
L’ancrage de la démocratie passe par des médiations entre les élus, la Société civile et l’Exécutif guidées par une vision commune des droits humains. Dans cet esprit, je me demande comment consacrer les principes démocratiques. C’est la question à laquelle nous devons tenter de répondre à travers une démarche politique pertinente. Pour moi, la médiation est bien plus qu’un simple outil permettant de résoudre les conflits et les différends politiques. Elle représente un noble moyen de concrétiser les droits de la personne et constitue la base fondamentale pour asseoir certains aspects des droits de l’Homme comme la coexistence, le dialogue et la discussion. C’est en considérant les droits de l’Homme dans leur aspect culturel, social et politique qu’on fera de la médiation un mécanisme continu et j’insiste à cet égard sur le rôle des partis politiques et de la société en tant qu’acteurs de la médiation.
Pour améliorer celle-ci, il est essentiel d’inclure la pratique du débat et le respect des droits humains dans l’éducation. Car en l’absence de culture idoine au sein de la population, il est difficile de sauvegarder la démocratie. Plus généralement, il s’agit d’assurer l’intégration d’acteurs-clés chargés de la défendre au sein de l’Administration, des autorités judiciaires, de la Société civile et des institutions chargées de la gouvernance, en leur donnant toute latitude d’exercer leur fonction dans l’intérêt public. Il s’agit aussi de renforcer et réhabiliter les acteurs charges de la médiation à travers des formations axées sur les droits humains ; restaurer la confiance dans les institutions politiques, sociales et civiles ; élargir le débat politique en encourageant la participation des femmes et des jeunes dans le processus démocratique ; faire en sorte que la médiation prenne en compte la diversité de la société mauritanienne.
Des raisons pertinentes de promouvoir la démocratie
Les raisons de promouvoir la démocratie en Mauritanie me paraissent d’autant plus pertinentes que nous en sommes à vivre, au-delà de la réelle alternance démocratique en cours d’émergence, une troisième république post-indépendance. Après la mise en place des bases de l’État et de l’économie de marché, il nous faut passer à une seconde génération de réformes destinés à faire fonctionner l’ensemble de façon efficace et éthique. L’objectif est bien sûr l’émergence d’une Mauritanie consciente de son avenir, avec tout ce que cela suppose de choix en faveur d’une société de dignité, équilibrée et apaisée ; à travers, d’une part, l’accès à liberté par la démocratie et le respect des droits de la personne, et, d’autre part, le bénéfice d’une vie décente reposant sur un accès quasi généralisé à l’éducation de base et à la santé, ainsi qu’à un logement convenable avec électricité et eau courante.
Notre État doit faire face à deux défis majeurs : la relégitimation du champ politique et la compétitivité source d’émergence socio-économique. Trois enjeux me semblent à cet égard particulièrement sérieux : interpréter et pratiquer, de façon positive pour la démocratie, le contenu de notre Constitution ; réformer et recomposer le champ politique ; revoir le cadre administratif dans le sens de l’efficience et de l’éthique. Le tout en conciliant démocratie et État fort. En effet, il ne s’agit pas de confondre la démocratie et les droits humains avec des comportements nuisibles et irresponsables envers l’État. Celui-ci doit toujours être en mesure de générer des lois justes et de les appliquer. Le leadership devrait donc travailler dans la logique des hommes d’État qui réforment résolument et non de ceux qui tergiversent sans cesse, craignent de perdre leur électorat.
La Mauritanie jouit d’une réputation internationale de pays relativement stable et démocratique dans une région qui a connu de nombreux revers dans sa gouvernance. Certes notre société civile est suffisamment dynamique et nos media assez relativement libres pour jouer un rôle important dans le maintien de la démocratie. Mais notre gouvernement n’en doit pas moins respecter les droits des personnes à s’organiser, à s’exprimer et à manifester, en ligne et hors ligne, et garantir la sécurité des journalistes. Il doit enquêter sur tous les recours excessifs à la force lors de manifestations, demander des comptes aux auteurs de ces actes et réviser les directives relatives au maintien de l‘ordre.
Les efforts de notre cher pays se reflètent dans des réformes entamées depuis des années. Celles-là visent un développement des institutions de l’État, l’augmentation du taux de participation civique valorisant un modèle démocratique qui mise sur une représentation féminine accrue dans les sphères politiques et décisionnelles et sur l’intégration active des jeunes dans le processus démocratique, avec partout le renforcement de la tolérance et de la diversité, piliers majeurs de la démocratie.
Notre pays s’est distingué tant au niveau régional qu’international par un engagement sérieux et constat dans le renforcement et le développement des concepts démocratiques dans les sphères politiques et sociales, incarnant un modèle qui équilibre sécurité et promotion des droits humains et des libertés fondamentales. Il est nécessaire de continuer à défendre le dialogue comme un vecteur de la paix sociale et de la résolution des différends politiques, afin de réfléchir à des solutions consensuelles à tous nos défis structurels ou conjoncturels. Je suis fermement convaincu que rien ne doit nous condamner à vivre en marge du progrès. La Mauritanie des solutions est à notre portée. Je l’affirme sans hésiter.
Cheikh Ahmed ould Mohamed
Ingénieur
Chef du service Études et développement
Établissement portuaire de la Baie du repos (Nouadhibou)