La tentative de dialogue entre le pouvoir et son opposition, particulièrement le FNDU, peine à se nouer. Pourtant, les uns et les autres ont tous exprimé, via ce qui ressemble fort à des feuilles de route, leur disposition en ce sens. Les propositions des différents documents convergent beaucoup, ce qui devait, a priori, faciliter l’amorce. Mais la machine semble grippée. Le FNDU ne paraît guère pressé. Pour diverses raisons.
D’abord, l’opposition, qui a reçu l’offre du Président il y a relativement peu de jours, a besoin de temps pour harmoniser les positions de tous ses membres. Le FNDU rassemble des partis politiques qui n’ont pas forcément les mêmes agendas, ainsi que des syndicats et des personnalités indépendantes. Une véritable mosaïque qui doit étudier sérieusement l’offre du président, afin de présenter un engagement commun cohérent. Un travail de longue haleine. L’opposition ne veut plus se faire rouler dans la farine comme par le passé. Et le FNDU, qui joue gros pour sa cohésion, travaille à aplanir ses divergences. En commençant à sortir, en guise de première réponse, son ancienne plate-forme de 2011 et 2013 qui lui semble contenir les plus réelles et, surtout, unanimement reconnues chances de succès.
« Aller au dialogue aujourd’hui, sans de réelles garanties de la Présidence, est suicidaire », confie un leader du FNDU qui n’apprécie pas le fait que le pouvoir ait étalé ses propositions, dans la presse, avant même que le FNDU en ait pris connaissance. Ce faisant, le pouvoir semble vouloir imposer son agenda, comme en octobre 2013, quelques semaines avant le démarrage de la campagne des municipales et législatives. Or un processus de dialogue a besoin de préparation, pour se donner quelques chances de succès. Cette phase de préparation devrait être mise à profit, selon le même leader du FNDU, pour harmoniser les différentes propositions, établir un calendrier de discussions et de mise en œuvre de l’accord qui sortirait des négociations. C’est là le gros hic. Tirant les leçons des expériences de 2009, 2011 et 2013, le FNDU, quoique notant une évolution de la position du président de la République, doute de sa sincérité, quant à l’application de l’accord politique que les uns et les autres parapheront. C’est dire que la méfiance installée, entre les acteurs politiques du pouvoir et de l’opposition, est loin d’être soldée.
Le FNDU pourrait également profiter de la conjoncture socio-économique peu favorable au pouvoir. La chute des recettes des industries extractives, la montée du communautarisme et du tribalisme, avec les dernières initiatives politiques de soutien au candidat-président, mettent Ould Abdel Aziz en mauvaise posture. Ce qui l’aurait poussé, suggèrent certains, à envisager de discuter avec son opposition qui contestait sa légitimité et qu’il méprisait pour cela.
En cette hypothèse, il s’agirait, d’abord, de calmer le front intérieur, faire oublier la pilule amère de la TVA et la montée des prix des produits vitaux puis de préparer sa succession. A cette fin, pense un analyste politique, le Président a besoin de « s’ouvrir davantage à son cercle et dépersonnaliser son pouvoir ». Autant de données que le FNDU doit prendre en compte, avant de franchir ou non le Rubicon.
Les partis de la majorité out ?
Si, du côté de l’opposition, on traîne les pieds, du côté des partis de la majorité présidentielle, on note comme une espèce de malaise. Interrogés, nombre de leurs responsables cachent mal leur ignorance du projet en gestation. Tout en taxant le FNDU de tergiversations, certains pointent les divergences en son sein. Pour eux, ce sont le RFD, le CDN, Hatem et l’UNAD qui, hostiles au dialogue, seraient à l’origine du blocage. Une situation qu’observe avec intérêt le pouvoir, espérant, peut-être, réussir à diviser encore l’opposition, comme en 2011.
Selon la majorité, le président de la République a donné, depuis Chinguetti, un signal fort pour un dialogue inclusif, visant à débattre, sans aucun tabou, de toutes les questions nationales qui plombent la situation politique du pays. Mieux, ajoutent-ils, il a fait remettre, à l’opposition, un document contenant divers points susceptibles d’être discutés au cours du dialogue. La majorité n’attendrait donc que l’opposition pour répondre à l’appel de son chef.
Mais elle ne baigne pas, elle non plus, dans l’unanimité. L’UPR, son principal parti, semble mis à l’écart, cette fois encore. Le dossier serait, dit-on, piloté depuis le Palais gris, par le ministre-secrétaire général de la Présidence, le docteur Moulaye ould Mohamed Laghdaf. Une espèce de « gage », pour l’opposition qui souhaite discuter directement avec le Président : l’homme connaît le dossier et semble jouir d’un certain respect de la part des leaders de celle-ci. Et, comme le dit un de ses anciens collaborateurs à la Primature, l’ex-PM est ouvert, avec une grande capacité d’écoute. Mais le Président, qui l’a mandaté, est-il dans les mêmes dispositions pour lui faciliter sa mission ?
En tout cas et même si des concertations ont eu lieu, entre le président de l’UPR et le « Monsieur Dialogue » du Palais, nombre de cadres de ce parti jugent inopportune cette initiative, craignant certainement de perdre beaucoup de privilèges, si les élections anticipées dont on parle arriveraient à se tenir. En bref, l’UPR semble retrouver son malaise de 2011. Malgré l’arrivée d’Ould Maham à sa tête, il n’arrive pas à peser sur les décisions du Palais.
Dalay Lam