Qui aurait pu imaginer que l’homme le plus puissant de Mauritanie pendant plus d’une décennie finirait dans le box des accusés comme un vulgaire voleur de portables ? Qu’après avoir nargué tout le monde avec condescendance, majorité comme opposition, il ne susciterait plus aujourd’hui que compassion ? Comment comprendre la déchéance d’un homme qui n’aura cessé de claironner qu’il ne perdait jamais ? Le procès de l’ex-Président qui se tient depuis quelques mois nous a rappelé au moins deux choses : rien n’est éternel ici-bas et il faut savoir garder les pieds sur terre. Ould Abdel Aziz est en train de l’apprendre à ses dépens. Celui dont le règne fut marqué par une gabegie sans nom s’est sans doute rendu compte que l’argent n’est pas tout et que, lorsque cesse l’impunité, le château de cartes bâti à coups de milliards mal acquis ne peut résister à la première inspection sérieuse.
Voilà comment l’on[p1] se retrouve nu, du jour au lendemain, tiraillé entre les commissions d’enquête, les commissariats de police, le procureur et le juge… avant de rejoindre la case prison. Un scénario dont Ould Abdel Aziz aurait bien pu se passer s’il n’avait pas été atteint par ce mal incurable qu’est la boulimie dévastatrice. Enfin bref, les jeux sont faits. Il fallait nécessairement un avant et un après procès de la décennie pour qu’on puisse dire « plus jamais ça ! ». Certes il y en aura encore des prétendants à tenter le contraire – il y en a déjà et tous ne sont pas (encore ?) dans le collimateur des enquêteurs – mais les vingt ans de prison ferme requis par le ministère public devraient en faire réfléchir plus d’un. Le temps s’est rafraîchi. La Mauritanie va-t-elle enfin respirer et se développer à la mesure de ses nombreuses richesses ? C’est au final beaucoup plus à cette ordalie qu’a une sentence répressive qu’on espère voir aboutir le procès de la Décennie. Une ascension, donc, bien plus qu’une déchéance…
Ahmed ould Cheikh