Le 17 juillet dernier, la Russie a refusé la reconduction des accords permettant les exportations de céréales par la Mer Noire. Par cette décision unilatérale, elle a choisi de mettre un terme à une initiative menée avec les Nations unies et le soutien de la communauté internationale, une initiative qui bénéficiait aux pays les plus vulnérables avait notamment permis au Programme alimentaire mondial de nourrir des milliers de personnes dans le besoin à Djibouti, au Kenya, en Ethiopie, en Somalie, au Soudan ou encore au Yémen.
Ce sont les pays les pays les plus vulnérables, ceux qui subissent déjà de plein fouet les conséquences de la guerre en Ukraine, qui paieront le tribut le plus lourd suite à l’arrêt brutal de ces accords. Cet arrêt est irresponsable, alors que 2022 a été une année terrible pour la sécurité alimentaire. Selon les Nations Unies, 735 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde, une personne sur cinq sur le continent africain.
Les faits sont sans appel.
La fin de l’initiative de la Mer Noire se traduira par une réduction significative des volumes de céréales parvenant aux populations qui en ont le plus besoin. Les accords avaient permis en un an le passage de 33 millions de tonnes de produits alimentaires vers 45 pays. Les dons annoncés par la Russie, sans aucune date précise et limités à une poignée de pays et à quelques milliers de tonnes, qui représentent une partie infime de l’aide humanitaire qui était fournie via la Mer Noire par le Programme alimentaire mondial. Ce geste minime et de façade, affiché à l’occasion d’un Sommet, ne trompe personne.
Leur arrêt brutal par la Russie conduira aussi à rendre les prix des céréales encore plus volatils. L’initiative avait permis de faire baisser de près d’un quart le prix des produits alimentaires après le niveau record de mars 2022 provoqué par le déclenchement de la guerre d’agression contre l’Ukraine et nous pouvions espérer qu’ils baissent durablement. Les prix restent au contraire très élevés. Ils ont connu leur plus haute augmentation le 19 juillet dernier et il y a un risque qu’ils augmentent encore à moyen terme.
A qui profite cette hausse ? A la Russie et à son secteur agricole, qui veut s’enrichir au détriment des plus démunis et dont les exportations ne font, quoiqu’elle en dise, l’objet d’aucune sanction. La Russie espère d’ailleurs atteindre un record. Elle accumule stocks et récoltes pour vendre plus et plus cher. Le reste du monde, lui, pâtira de ses décisions.
Les actes aussi parlent d’eux-mêmes.
L’Ukraine, pays en guerre, dont une partie du territoire est occupée illégalement et dont la population est quotidiennement victime de bombardements, parvient à se mobiliser en faveur de la sécurité alimentaire mondiale. Elle a ainsi lancé l’initiative humanitaire « Grain From Ukraine » au bénéfice des pays les plus vulnérables en Afrique et en Asie.
A l’inverse, la Russie frappe à dessein les ports d’Odessa, de Mykolaïv et de Tchornomorsk. Elle détruit les silos à grains et tire sur les navires civils. Ce faisant, elle viole ouvertement le droit international. Ce faisant, elle fait aussi bondir sur les marchés les prix des céréales, après chacune de ses attaques. Ce faisant, elle détruit et empêche le passage de réserves qui allaient au Programme alimentaire mondial et donc aux populations qui souffrent le plus. Avec quels objectifs si ce n’est de faire de l’alimentation une arme ?
Face à cet emploi cynique de l’arme alimentaire par la Russie, la France et ses partenaires européens ont choisi la voie de la responsabilité et de la solidarité internationale. La France a mobilisé à titre national plus de 840 millions d’euros dans l’aide alimentaire l’année écoulée, dont près de 250 millions d’euros d’aide d’urgence pour venir en aide aux populations les plus touchées. Elle contribue aux « corridors de la solidarité » mis en place par l’Union européenne, qui ont permis d’exporter plus de 38 millions de tonnes de céréales d’Ukraine par voies routière, ferroviaire et fluviale. Et alors que la Russie a réduit sa contribution au Programme alimentaire mondial, la France lui a apporté un soutien financier et matériel renforcé pour acheminer des céréales et des engrais vers les pays qui en ont le plus besoin. La France continuera ses efforts, notamment en octobre à Paris à l’occasion du sommet de la coalition pour l’alimentation scolaire, qui œuvre pour que les enfants des pays en développement puissent se nourrir et aller à l’école, et à l’occasion du prochain sommet sur la nutrition, que la France accueillera. C’est aussi à Paris que s’est tenu le sommet pour un nouveau pacte financier mondial, les 22 et 23 juin, qui a permis plus largement de créer une nouvelle dynamique pour la solidarité avec les pays en développement face à la pauvreté et au changement climatique.
Faire de la faim une arme de contrainte politique, voilà le point où la Russie est descendue. Une fois de plus, comme elle le fait constamment depuis un an et demi, elle viole un principe élémentaire de notre morale commune.
Face à cela la France agira inlassablement, avec ses partenaires, pour que ceux qui en ont le plus besoin puissent se nourrir comme il se doit. Nous resterons, nous, fidèles à nos principe./.
Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.