Levée de l’immunité parlementaire du député Mohamed Bouya : Pour l’exemple/par Mohamed El Mounir

2 August, 2023 - 18:13

Mohamed Bouya Ould Mohamed Vadel, un député qui détonne parmi les élus, connu pour son penchant pour le politiquement incorrect et ses interventions frisant la provocation, s’est illustré une nouvelle fois par une sortie qui a secoué l’hémicycle et a divisé l’opinion.
Sous prétexte de défendre le Prophète, paix et salut sur lui, il a, sans prendre garde, répété des propos blasphématoires découverts dans la copie d’un candidat au baccalauréat ; des propos choquants, qu’il aurait pu éviter de reprendre, au risque de les banaliser.
Mais, on comprend surtout qu’il a voulu faire un parallèle à la réaction jugée timorée du gouvernement face à cet acte ignoble et la célérité et la rigueur avec lesquelles il aurait agi pour défendre le chef de l’Etat, s’il avait été l’objet de tels propos. Les faits lui ont, hélas, donné raison.
Certes, on pourrait voir un peu de populisme dans son approche ; certes, son approche pourrait paraitre contestable ; certes ses propos sont crus et pourraient être jugés choquants pour les Mauritaniens, habitués à évoquer certains sujets à mots couverts ou par euphémisme, mais son intervention ne saurait nullement justifier la moindre poursuite.
On ne saurait lever l'immunité, poursuivre ou juger un député par ce qu’il a exprimé une position ou posé une question de manière maladroite, surtout si son intention est claire. Et l’intention est un élément essentiel dans la manière dont on porte un jugement sur les actes des personnes, aussi bien dans la sharia que dans le droit positif. Il serait donc injuste de lui tenir rigueur d’une éventuelle maladresse, dont on peut d’ailleurs discuter.
 

Poursuites abusives
Il est clair, qu’à travers ces poursuites abusives, le gouvernement voudrait en faire un exemple, afin de dissuader les députés et les inciter à réfléchir à deux fois avant de critiquer l’Exécutif. La fameuse loi sur les "symboles" est la redoutable arme que le gouvernement va brandir pour neutraliser toute velléité de contestation.
Ce texte comprend certes des dispositions que tout le monde soutient, mais il ouvre la voie aux interprétations et donc aux dérives liberticides, comme la tentative de museler certains blogueurs ou activistes jugés trop critiques. Mais, le principal tort de cette loi est qu’elle élève le chef de l’Etat au statut contestable d’icône et de personnage quasi-sacré.
Dans ces conditions, j’exprime ma solidarité haut et fort avec ce député, sur la base de son intention, indépendamment de la manière dont il a pu s’exprimer. La procédure pour lever son immunité est un précédent dangereux, qui va affaiblir le Parlement et sa capacité à jouer son rôle de contrepoids et de contrôle.
Nous avons besoin, pour faire face à l’hégémonie de l’Exécutif et à la mainmise des roumouz el vessad (symboles de la gabegie), de députés comme Mohamed Bouya, qui comprennent très bien la relation entre l’Exécutif et le Parlement et le rôle de ce dernier en matière de contrôle de l’action gouvernementale.
Sa passe d’armes avec le ministre de la justice au sein d’une commission parlementaire est une leçon magistrale sur les relations entre l’Exécutif et le Législatif et sur la différence entre répondre à des questions au parlement et faire une conférence de presse.
Tout en lui souhaitant bonne chance, je tiens enfin à lui conseiller de bien vouloir s’éloigner du populisme et de la tentation de la politique spectacle.
J’en appelle par la même occasion le président de la République pour qu’il fasse cesser cette mascarade de levée de l’immunité et toutes poursuites éventuelles.