La nouvelle est tombée la semaine dernière. Comme un couperet. Rien ne la présageait, puisqu’on pensait le dialogue enterré pour de bon. Les élections municipales, législatives et présidentielle (mal) bouclées, on s’acheminait vers des sénatoriales tout aussi monotones. Et voilà que, subitement, le Premier ministre convoque le secrétaire exécutif du Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU), pour lui remettre, sur une feuille volante, une liste de dix-huit points susceptibles d’être débattus avec l’opposition. Sans lui donner la moindre explication. On ne sait toujours pas ce qui a poussé le pouvoir, qui se disait serein et sans rien à discuter avec une opposition qui « a toujours fait preuve de mauvaise volonté », selon la formule maintes fois répétée, à choisir ce moment précis pour remettre le dialogue au goût du jour. Pression interne due à une pléthore de difficultés en tous genres ? Tensions avec les partenaires extérieurs, dont l’Union européenne n’est pas le moindre ? Nécessité de décrisper une scène politique qui n’a connu que la crise depuis 2008 ? Toujours est-il que la réponse du Forum ne s’est pas fait attendre. Il renvoie à l’expéditeur deux correspondances. L’une contient sa position sur la disposition du pouvoir à engager un dialogue ; l’autre, sa propre feuille de route pour l’organisation d’un « dialogue productif, capable réellement de sortir le pays de la crise qu’il vit depuis plusieurs années ». Même si le pouvoir – ou sa majorité puisqu’on n’a toujours aucune idée de celui au nom de qui la proposition de dialogue a été lancée – se dit prêt à discuter de toutes les questions, sans tabou, les chances de voir le processus s’enclencher paraissent faibles. Ould Abdel Aziz ayant toujours proposé le dialogue, particulièrement à la veille de consultations électorales, sans trop de conviction. Et l’opposition, échaudée par les expériences passées, n’est plus prête à jouer les faire-valoir. Pire, elle reconnait, même, s’être fait piéger par les accords de Dakar et l’élection qui les a suivis. Alors, le dialogue, enterré, avant d’avoir commencé ?
Habile manœuvrier, Ould Abdel Aziz s’en est toujours bien sorti. Jusqu’à présent. Mais à quel prix ? La confiance n’étant plus de mise avec les principaux partis de l’opposition, il n’y a donc pas de dialogue possible. Sauf si, comme l’ont fait les salafistes dont les peines de prison sont arrivées à expiration et qu’on a refusé de libérer, l’opposition s’énerve et prend en otage un ou deux généraux, le Premier ministre, des ministres ou des leaders de la majorité. Là, le pouvoir sera obligé de transiger et de répondre, dans la minute, à leurs doléances. Dans la carapace, tout est frileux, mou. Il suffit juste d’appuyer un peu. Etat de droit ? Vous plaisantez, mon cher ! Ici, c’est Etat de force. C’est par elle qu’on prend et tient celui-ci, c’est elle qui fait office de code de la route, code du travail, code tout court ; rapports matrimoniaux, éducation des enfants et tutti quanti, jusqu’à ce que mort s’en suive. De force en inertie, et vice-versa, ainsi va la Mauritanie…
Ahmed Ould Cheikh