Dégradation de l’environnement, crises alimentaires et déperdition scolaire récurrentes, malnutrition chronique des enfants et des femmes enceintes… Soutenues par le programme Alimentaire Mondial (PAM), les populations de Moutagoumalo, Moutalag Meden, Mbediya Saha et Lifkarine (Guidimakha), ont décidé de prendre leurs problèmes à bras le corps.
Un reportage de Mamadou Thiam présenté en trois parties : restauration de l’environnement nourricier ; cantines scolaires ; lutte contre la malnutrition des femmes enceintes et des enfants.
1 - Restauration de l’environnement nourricier
Des actions concrètes ont été mises sur pied afin de changer la situation et les conditions hideuses de communautés trop longtemps éprouvées. Le PAM promeut et met en œuvre une approche de résilience à long terme, en s’attaquant aux causes profondes des vulnérabilités structurelles. Il s’agit de combiner à cette fin diverses interventions de protection et de production. Par le biais de son programme 3A (Assistance Alimentaire et élaboration d’Actifs), le PAM développe des productions qui contribuent directement et indirectement à renforcer la sécurité alimentaire des communautés ciblées et à gérer les ressources de manière durable.
Yahya ould M’bareck, ingénieur agronome de l’ONG « Au secours » qui mène les activités à Moutagoumalo (localité Tektake relevant de la moughataa d’Ould Yengé), rappelle le processus adopté. « Retenu par notre ONG, le dossier de Moutagoumalo fut soumis au Conseil régional de développement. Puis notre équipe technique se rendit sur les lieux, en l’occurrence la zone de culture abandonnée par les paysans. Après les prospections des techniciens, la cause de la dégradation fut identifiée et la source de l’oued repérée dans la montagne. Des ouvrages, notamment un premier seuil au pied de celle-ci, furent établis à partir de 2021.Puis une équipe de terrain constituée d’ouvriers du village érigea des modules de ralentissement pour favoriser l’infiltration de l’eau et retenir l’ensablement de la zone. L’envahissement des cultures par le sable qui enterrait les semis à chaque forte pluie empêchait naguère les paysans de mener celles-ci à terme. […] Après trois années d’efforts acharnés, la productivité agricole de la localité bat tous les records dans notre zone d’intervention ».
Régénération conséquente du milieu
« Les populations sont très satisfaites de la régénération de leur milieu », souligne à son tour Silo Birima Ba, président du comité chargé de la gestion 3A. « Outre les ouvrages de ralentissement, nous avons aussi entrepris de clôturer la zone pour empêcher la divagation des animaux. Les femmes se sont organisées en coopératives agricoles et ont établi leur propre périmètre avec des résultats tangibles. Nous avons été cependant confrontés, lors de la première année de culture, à un déficit en eau qui a impacté sur la production. »
Choisi par l’ensemble du village, le comité de gestion est composé de sept membres (cinq hommes et deux femmes) qui supervisent les activités.« Nous avons participé activement à la mise en place des digues et diguettes. Grâce aux techniciens d’« Au secours », nous avons appris différentes méthodes de rétention des eaux mais d’agriculture. Cela a considérablement amélioré notre production et nos conditions d’existence ». Et Houssenou Demba Sow, un des bénéficiaires de renchérir : « Nous étions rémunérés durant ces travaux : cela nous a permis de les mener à bien à bien et de nous stabiliser. Notre présence accrue dans nos foyers donne maintenant à nos enfants l’opportunité d’aller à l’école. […] Avant l’érection de ces ouvrages, la situation était très difficile. Après tant d’années infructueuses, nous avions dû abandonner notre zone agricole et perdu tout espoir. Aujourd’hui, la vie au village a changé. Personne ne le quitte pour subvenir aux besoins des siens. Toute la communauté s’est unie pour œuvrer au développement de notre localité ».
Satisfaction communautaire
C’est dire que les communautés sont plus résilientes grâce à l’adoption de nouvelles techniques agricoles. « Six années durant, nous n’avions rien récolté. La situation était catastrophique. Mais nous en sortons maintenant, les difficultés sont derrière nous. Ces réalisations nous sont vraiment très bénéfiques », estime Amadou Ilo Ba, autre bénéficiaire.
Sous l’impulsion du comité de gestion, la communauté de Moutagoumalo a pris réellement en charge la gestion des eaux de pluie, en fabriquant des gabions, digues en pierre et diguettes pour limiter le ruissellement de l’eau et contrôler l’érosion. Ces techniques simples ont rétabli et même beaucoup augmenté le potentiel productif des champs abandonné depuis des années. Un périmètre maraîcher assure la production de légumes, le régime alimentaire des ménages s’est diversifié grâce à des aliments frais et nutritifs, tandis que la vente des surplus de production contribue à élever les revenus des gens.
Nos conditions de vie étaient précaires », intervient à son tour madame Fati Ilo Ba, une autre bénéficiaire. « Grâce au PAM, notre situation s’est améliorée nettement. Nos enfants ne partent plus ailleurs. Les activités mises en place permettent aux villageois de rester et de bénéficier de rétributions. Grâce à la prime d’encouragement, nous pouvons acheter des marchandises et autres biens. »Et Housseynou Demba Sowde préciser encore : « Les retombées de ces activités sont positives. Les méthodes que nous avons apprises, je peux moi-même les enseigner à d’autres. Elles ont impulsé un changement considérable dans nos vies. Tout le village est unanime à dire que nous n’achetons plus de niébé ou de mil ».
Record de production
Selon Yahya ould M’Bareck, le résultat est en effet très satisfaisant : « la zone a établi un record de production : 800 à 900 kg/ha. C’est très rare en milieu paysan sans investir un paquet technologique. Le drainage des eaux de ruissellement a provoqué une réelle génération des pâturages et le cycle végétal des cultures est bouclé ». Même son de cloche du côté d’Abdallahi Ibrahima Sidibé, vice-président du comité des producteurs de Mbediya Sakha : nette amélioration de la production agricole et de la situation des ménages, grâce au cash monétaire qui les amène à se procurer d’autres denrées. À Gorilakhe, cinquante hectares de terres dégradées ont été restaurées par les techniques de demi-lunes, cordons pierreux et diguettes, augmentant les rendements au profit de deux cents ménages, selon Diarra Souleymane, technicien aménagiste de l’ONG GRADD. « Le retour du gibier est une preuve supplémentaire de la régénération de l’environnement », fait-il remarquer.
Toujours dans le cadre de l’appui du PAM, le site de maraîchage de Mbediya Sakha diversifie les régimes alimentaires dans une zone particulièrement enclavée. Depuis une quarantaine d’années, quelque cent cinquante exploitantes regroupées au sein de la coopérative « Kheïr Kaafu »y cultivent des légumes sur un hectare. « Patrimoine commun, ce potager est d’une importance vitale pour nous. Mais nous faisons face à d’énormes difficultés : rareté de l’eau, manque de grillage et prolifération des prédateurs de cultures », liste madame Aïssata Sall (67 ans), « Nous cherchons donc un accompagnement ; pour le perçage d’un forage surtout », ajoute Bonko Seydi Camara, présidente de la coopérative.
« Grâce à l’ONG Actions », explique Aïssata Sall, « nous avons pu entrer en contact avec le PAM qui nous a aidées à renforcer la clôture du jardin. Ces partenaires travaillent également en vue de trouver une solution à la lancinante question de l’eau, avec notamment ledit projet de forage dont nous espérons obtenir une forte hausse de la production maraichère».Celle-ci – tomates, aubergines et autres – assure actuellement une relative autoconsommation. La commercialisation du surplus n’est pas aisée, faute de moyens de conservation susceptibles d’instaurer les conditions d’une chaîne de valeurs, même à niveau réduit. « Nous sollicitons un appui en ce sens », insiste la présidente Bonko Seydi Camara. (À suivre).
Thiam Mamadou
Envoyé spécial