La vie au quotidien dans la Mauritanie d’autrefois.Par Moussa Hormat-Allah

17 May, 2023 - 17:26

Comme dans toutes les sociétés nomades, le Mauritanien avait un mode de vie des plus sobres. Il ne connaissait ni électricité, ni eau courante, ni loyer, ni impôts, ni taxes… Son mobilier était des plus sommaires : quelques nattes, des coussins en cuir ou en tissu, rembourrés avec des morceaux d’étoffes ou de fibres végétales, des couvertures en peau de mouton (varou), des ustensiles pour ses besoins domestiques : calebasses, bouilloires, outres à eau, "tiziyatines" comme garde-manger, des meules pour moudre le grain, des marmites en fonte, etc.

Sa nourriture était frugale : de grosses galettes de farine de mil, d'orge ou de maïs "Al-Aïch", cuites dans des marmites puis malaxées par la suite avec du lait. Parfois, l'ordinaire est amélioré à la grande joie des enfants : méchoui et riz à la viande, les jours de fête ou lors du passage d'un hôte de marque.

Quelques chamelles, vaches ou moutons lui fournissaient l'essentiel de ses besoins alimentaires : lait, viande… Ces animaux lui fournissaient en outre, la précieuse toison pour confectionner les tentes qui l'abritent du soleil et des intempéries.

Ces nomades ignoraient les moyens de locomotion modernes : avions, voitures, autobus… Ils se déplaçaient à pied, à dos d'âne ou de dromadaire.

Quand l'herbe mourrait et que la végétation devenait rare, leur seule préoccupation était de scruter, de temps à autre, le ciel à la recherche des signes avant-coureurs de la pluie bienfaisante. Un grondement de tonnerre au loin ou des éclairs furtifs, leur indiquent l'endroit où la pluie va tomber. Au retour d'un éclaireur "bowah", parti en reconnaissance, ils lèvent le camp vers de nouveaux pâturages.

Ces bédouins vivaient en quasi autarcie, regroupés, ici ou là, en fonction des affinités familiales ou tribales, dans des campements autour des points d'eau.

Une vie simple, tranquille et paisible. Une vie faite de prières et de méditations où le spirituel a pris le pas sur le matériel. Une vie entièrement tournée vers la rétribution dans l'Au-delà. Pour ces bédouins, la vie ici-bas, est un simple viatique pour cet anxieux voyage, tant redouté, vers l'Eternel.

 

Une vie faite de prières et de méditations

Leur cadre de vie est en parfaite harmonie avec cette attente mystique. Dans ces immenses étendues désertiques où la ligne d'horizon disparaît entre le ciel et la terre, où on chasse encore l'outarde, où la fraîcheur des oasis est un havre de paix, où le lait de chamelle et les dattes constituaient, comme jadis, la nourriture frugale des hommes du désert, où on ne se lasse de regarder le moutonnement à l'infini des dunes de sable fin, où l'appel du muezzin dans le silence absolu ponctue la vie des hommes, où dans la nuit illuminée par une myriade d'étoiles, on est bercé par le son d'une flûte autour d'un feu de bois qui relaxe des rudes efforts de la journée, on ressent une sensation de paix intérieure et une félicité quasi célestes. En levant les yeux, on contemple l'immensité du cosmos et on prend, subitement, conscience du caractère éphémère et insignifiant de la condition humaine.

Dans les campements les plus reculés, les déclamations ininterrompues du Coran portées par les voix en chœur, l’enseignement de l’Hadith, de la grammaire, de la poésie… rappellent au visiteur émerveillé que loin de leur berceau originel de la presqu’île arabique, ces trésors sont encore gardés avec ferveur et fierté et transmises, à travers les âges, de génération en génération.

Dans ces contrées où la pollution et le stress sont inconnus, où l'avidité matérielle n'a pas de place et où l'hôte est toujours le bienvenu, on comprend alors pourquoi la Mauritanie profonde semble encore résister pour rompre les amarres avec ce passé ancestral qui reste, avant tout, un précieux repère dans l'angoissante constellation du troisième millénaire.

 

Un mode de vie idyllique bouleversé par une implacable désertification

Voilà le mode de vie qui, naguère était celui des Mauritaniens. Malheureusement, ce mode de vie idyllique, va être bouleversé, de fond en comble, par un changement radical du climat.

Ce dérèglement du climat, sous l'effet de serre a provoqué des sécheresses chroniques avec comme conséquence une implacable désertification. Les mares, marigots et autres points d'eau se sont asséchés. Les puits désertés, sont taris. Des couches de sable stériles, drainées par le vent, ont recouvert une terre, naguère généreuse. La végétation a quasiment disparu. Les arbres sont morts et leurs troncs, noircis par un soleil brûlant et les assauts répétés des tempêtes de sable se dressent, au loin, comme d'épouvantables corps suppliciés. Les oiseaux ont disparu avec les arbres. Les animaux ont été décimés. Les hommes, taraudés par la faim et la soif ont, eux aussi, fui un environnement devenu inhospitalier.

(A suivre)

 

 

                                                                                               Moussa Hormat-Allah

                                                                                         Professeur d’université

                                                                                               Lauréat du Prix Chinguitt