Après la présidentielle: Quelles perspectives ?

25 June, 2014 - 19:46

Comme prévu, le président sortant et candidat à sa propre succession a été reconduit par les électeurs mauritaniens. Il rempile pour un ultime mandat de cinq ans, s’il ne succombe pas, entre temps, au syndrome des chefs d’Etat africains, à savoir déverrouiller la loi fondamentale qui fixe à deux le nombre de mandats successifs. Ce n’est malheureusement pas la moindre des hypothèses, dans le mesure où le nouvel ancien président se considère, désormais, comme le père fondateur de la Mauritanie nouvelle et qu’il trouvera toujours, dans son dispositif, assez d’esprits courbés pour l’y pousser mais, pour l’instant, ce n’est qu’une hypothèse.

Avec un score, annoncé, dimanche soir, par Abdallah Ould Soueïd Ahmed, président de la CENI, de 81,89% sur 56,4% de votants, Mohamed Ould Abdel Aziz est donc, aujourd’hui, réélu par une majorité de Mauritaniens qui lui avaient, déjà donné, en novembre et décembre derniers, une majorité confortable au Parlement. L’homme dispose donc d’une certaine légitimité, pour diriger le pays, cinq ans encore. Une légitimité que son opposition, rassemblée au sein du Forum National pour l’Unité et la Démocratie (FNDU) et l’Alliance Populaire Progressiste (APP) n’ont, évidemment pas, tardé à contester, comme en 2009. Sommes-nous repartis pour cinq ans de contestation ou, au contraire, cette élection, quoique contestée par une partie de l’opposition, va permettre de solder la crise, avec l’ouverture prochaine d’un véritable dialogue entre les deux camps qui s’observent en chiens de faïence depuis 2008 ?

En tout cas, la page de la présidentielle est bel et bien tournée. Les acteurs politiques se doivent de regarder vers l’avenir. Les mains désormais libres pour gouverner, le président réélu doit lâcher du lest et concéder le maximum à l’opposition, pour apaiser son mandat. Faire fi de celle-ci qui représente une bonne part des 53,82% de Mauritaniens qui n’ont pas voté pour lui, ne serait que de l’aveuglement politique. Il doit surtout éviter de décréter « le renouvellement générationnel de la classe politique » qui ne relève, en fait, que de la souveraineté du peuple. A cet égard, relire Amadou Hamapaté Bâ ne lui serait inutile. Mohamed Ould Abdel Aziz doit se conduire, non seulement, en chef assuré de l’Etat mais, aussi, en digne président de tous les Mauritaniens, de quelque chapelle politique relèvent-ils ; traiter, en conséquence, son opposition avec plus de respect et de dignité, afin qu’elle le lui rende. Les premiers actes qu’il aura à poser doivent être de nature à prouver qu’il veut, désormais, gouverner autrement le pays, et non pas seulement poursuivre son œuvre, dans une atmosphère de surenchères et de méfiance. De tout cela dépendra l’apaisement, préalable à l’amorce d’un dialogue politique. Dans sa déclaration à la sortie du bureau de vote où il a accompli son devoir civique, le Président s’est dit disposé à « continuer de tendre la main à tous les partis politiques, pour qu’ensemble ils puissent construire le pays ». Le dialogue politique que les Mauritaniens patriotes et sincères attendent doit provenir ou, disons, émaner, du Palais gris, sitôt prêté le serment du président réélu. C’est dire que les premiers signes, très attendus, seront bien décryptés.

 

Cartes en main

Si de son côté, le président réélu accepte de tendre la main avec plus d’« engagement », cette fois, le FNDU n’a, lui non plus, aucun intérêt à refuser de retourner autour de la table de négociations. Revendiquer la « propriété » des 43,6% de Mauritaniens qui ne sont pas allés voter relèverait d’une toute aussi grande, sinon bien plus, cécité politique. Il lui faut accepter, à défaut de reconnaître, la légitimité, au moins relative, de la réélection de Mohamed Ould Abdel Aziz. Une grosse couleuvre que certains partis politiques du FNDU devraient avoir du mal à avaler. Mais que faire d’autre, après avoir couru derrière un « dialogue sincère » et des élections transparentes, depuis 2008 ?

Retourner à la table des négociations serait à l’honneur de l’opposition. C’est le seul moyen  démocratique pour se replacer au centre du jeu politique, de maintenir son unité et ses bases politiques, en misant sur la dissolution du Parlement et des municipalités. Un acte que seul peut décréter Mohamed Ould Abdel Aziz. Certes, nombre de ses partisans s’y opposeront, farouchement, sachant que la participation de l’opposition à des élections locales signeraient la mort de certains barons et autres « partis cartables ». Mais Ould Abdel Aziz, qui sait pouvoir couler tranquillement son second mandat, ne devrait pas en avoir cure : ce n’est pas grâce à l’UPR et les partis-satellites qu’il est réélu mais bien à celle de son programme et de ses propres moyens.

Dans cette perspective, FNDU et APP doivent trouver un terrain d’entente, pour parler un même langage et favoriser la mise en place d’un maximum de garanties de transparence, pour des élections locales inclusives. C’est à ce prix que pourrait se solder la « tension politique chronique » que vit le pays depuis 2008. Nos partenaires au développement seraient probablement bien inspirés d’accorder, à cette question, suffisamment d’attention pour encourager celle de nos politiciens…

 

Dalay Lam

 

MAURITANIE PRESIDENTIELLE 2014 – RESULTATS PROVISOIRES

 

Nationaux de plus de dix-huit ans : 1 680 200 (estimation mai 2014)

Nombre d’inscrits : 1 328 135 (79% des plus de 18 ans)

Nombre de votants : 749°865 (56,46% des inscrits ; 44,6% des plus de 18 ans)

Bulletins nuls : 33 200

Bulletins blancs : 1 877

Suffrages exprimés : 705 788 (94,12% des votants ; 53,14% des inscrits ;41,97%des +18 ans)

 

Candidats

Suffrages exprimés

Votants

Inscrits

+ 18 ans

Mohamed ould Abdel Aziz

81,89

77,07

43,52

34,37

Biramould Dah ouldAbeïd

8,67

8,16

4,61

3,64

HoumeïdouldBoïdiel

4,50

4,24

2,39

1,89

IbrahimaMoctarSarr

4,44

4,18

2,36

1,86

LallaMariem mint MoulayeIdriss

0,50

0,47

0,26

0,21

TOTAL

100,00

94,12

53,14

41,97