Le Saint Coran évoque, dans la sourate" Annour "(la lumière)des hommes que nulle affaire ne saurait distraire de l’invocation d’Allah, de la prière, des bonnes œuvres et qui redoutent le jour où les cœurs ainsi que les regards seront bouleversés.
C’est à la lumière de cette indication divine que se dresse, forcément, le portrait de Cheikh Addoud.
Durant toute sa vie, le brillant érudit, doté d’un extraordinaire esprit d’ouverture, le jurisconsulte talentueux dont l’avis confère l’autorité de la chose jugée, le poète envoûtant qui promène les consciences dans un océan de merveilles et de curiosités, le conférencier passionnant qui entraîne ses auditeurs aux confins de l’imagination, s’est identifié à un monument de piété.
Il y avait dans l’image qu’il a su incarner avec grâce et bienveillance, dans son regard, profondément, pudique et lumineux, dans son immense savoir qui dépasse selon une expression bien connue des milieux lettrés traditionnels, "le contenu des livres" et qui avait fait de lui une éminente figure de l’islam contemporain, un irrésistible souffle de l’Esprit.
Cheikh Addoud, qui s’inspirait, aussi bien dans son éloquente expression que dans sa conduite exemplaire, des apôtres du Livre et de la Sagesse, était, en fait, l’inépuisable mémoire d’un univers splendide qui s’enfonce, de plus en plus, dans le temps.
Le Maitre du moment
Symbole d’une prestigieuse tradition qui tient en respect l’envahissante modernité, le Maitre se confondait, dans son être, avec une pédagogie fondée sur la patience et la vérité et dont le rayonnement constituait le trait essentiel de sa personnalité.
En effet, malgré les honneurs et la gloire, du reste bien mérités, liés aux hautes fonctions publiques qu’il a eu à occuper, il assura avec une attachante humilité, au milieu des dunes mouvantes, la continuité de l’enseignement des mahadras, ces universités à dos de chameaux, dont la qualité continue de surprendre les spécialistes les plus avisés et qui allie la pureté religieuse, cette denrée rare, à une étonnante prolixité intellectuelle.
Cheikh Addoud aimait bien enseigner dans ce milieu, à la fois, sobre et pittoresque dans lequel sa présence était, d’ailleurs, indispensable et qu’il connaissait par cœur. Il en connaissait aussi bien les hommes que les choses.
Il en détenait les secrets et les mystères. Il en fut et en demeura le Maitre du moment : le Marabout au singulier dont le pluriel en hassaniya donne, étrangement, le terme Tolba.
En fait, ce pluriel qui constitue, en soi, une curiosité grammaticale, renvoie, plutôt, à une école qui éprouve le besoin d’avoir un Marabout, unanimement, accepté ou comme diraient les Soufis, un pôle du temps. C’était lui.
Avec lui, disparaît non seulement une grande personnalité de la vie nationale mais sinon encore une mémoire vivante qui avait su, avec une rare intelligence, conserver l’âme d’un milieu culturel attaché à la piété des savants (Ulémas) et à la dignité des ancêtres.
On comprend, aisément, que sa mort soit aussi grandiose que sa vie et que le deuil que son décès a suscité soit couvert d’une solennelle sérénité.
En effet, la douleur ressentie suite à sa disparition, se trouve, quelque part, submergée par une conviction tenant au séjour dans la Station assurée (Maqamin Amine).
Après tout, le Maitre s’en est allé vers cet endroit où règne l’éternelle sécurité promise aux esprits bien guidés "qui ont cru sans entacher leur foi avec une quelconque injustice". (Coran- Sourate VI- Al an’am verset 82)
Abdel Kader ould Mohamed