Le dialogue politique entre le pouvoir et l’opposition va-t-il enfin prendre forme ? Celui-ci est-il réellement disposé à renouer le dialogue avec celle-là ? Ces questions méritent d’être posées, au lendemain de la remise, par le Premier ministre, au nom de la majorité présidentielle, d’une liste de dix-huit points à débattre, au secrétaire exécutif du FNDU, Mohamed Vall ould Bellal, lors d’une audience qu’Ould Hademine lui a accordée, dimanche dernier.
Parmi les dix-huit points figurent, selon une source du FNDU, l’organisation d’élections municipales, législatives et présidentielle anticipées, la neutralité de l’armée et de l’administration : en somme, des élections libres et équitables ; la refonte de la commission électorale indépendante, le recul de l’âge des candidats à la présidentielle et l’unité nationale...
Depuis la réception de cette « proposition », le FNDU n’a toujours pas fait connaître sa réponse. Une chose est sûre : l’opposition réfléchira à deux fois avant de la donner. Les expériences malheureuses avec le pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz ne sont pas de nature à l’inciter au dialogue sans de véritables garanties. Et, sur ce point précis, seul le président Mohamed ould Abdel Aziz est habilité à s’engager. D’ailleurs, les leaders du FNDU, réagissant à la dernière offre de dialogue faite par le président de la République, à Chinguitty, lors du festival des villes anciennes, ont demandé, à ce dernier, de « dépasser les bonnes intentions et proposer des actes concrets. » « L’opposition a besoin d’être rassurée », déclarait le docteur Kane Hamidou Baba, président, au sein du FNDU, du comité de suivi de l’action du gouvernement.
En attendant la réaction du Front, on peut quand même s’interroger sur les implications de l’offre. L’examen de la proposition relève une évidence. En effet, excepté la prolongation de l’âge des candidats à la présidentielle, elle n’apporte rien de nouveau, par rapport aux revendications et aux plates-formes de l’opposition dite radicale et de celle qui a participé au dialogue politique national de septembre 2011. Cette histoire d’âge ressemble fort à un « marchandage » ou à un « piège à cons ». Même si des élections locales anticipées offrent l’opportunité, à l’opposition, de revenir dans les institutions démocratiques (mairies, Assemblée nationale et, éventuellement, Sénat), elle vise, surtout, à permettre – pour ne pas dire ménager – certains leaders de l’opposition, notamment Ahmed ould Daddah et Messaoud ould Boulkheïr qui ne pourraient pas se présenter en 2019, frappés qu’ils sont par la limite actuelle d’âge.
Autre grosse difficulté : la neutralité de l’armée et de l’administration. Lors des dernières consultations électorales, la loi sur l’incompatibilité des charges, votée en 2014, n’a pas empêché les hauts fonctionnaires de l’Etat de prendre fait et cause pour le président candidat et son parti. Des généraux et hauts gradés des forces de défense et de sécurité ont fortement influencé le vote des populations. C’est un fait qui n’est pas prêt de cesser. Ce n’est pas avec une loi qu’on va extirper, des mentalités, l’acceptation de l’immixtion de l’armée dans les affaires politiques. De très gros intérêts sont en jeu.