Dès le lendemain de l’investiture du président Ghazwani, j’ai pris attache avec un responsable politique de premier plan et je lui ai exposé, dans une optique prospective, ma vision de la situation politique nationale.
Mon interlocuteur semblait très intéressé par la discussion. Il dit que cette approche novatrice tranche avec la médiocrité ambiante. Puis il ajouta : «je suis parfaitement en accord avec vous pour dire que seules les idées gouvernent le monde ». Et il dénonça, avec un air contrit, la démission de notre élite intellectuelle, stigmatisant, par ailleurs, une corruption quasi-généralisée sur fond d’une cupidité et d’une avidité matérielle sans précédent dans le pays.
De fil en aiguille, il me fit comprendre qu’il serait ravi de faire parvenir au président, sous forme d’une fiche, la teneur de notre entretien. Dans la foulée, j’ai commencé à produire des études (une bonne vingtaine) qui traitent aussi bien de la situation politique intérieure et sécuritaire du pays que des graves problèmes géopolitiques qui menacent son avenir et son devenir.
Chaque étude portait en entête la mention suivante : « A la haute attention de son Excellence Monsieur le Président Ghazwani ». Des mois durant, j’ai cogité pour fournir, bénévolement, au gouvernement des pistes de réflexion, souvent, stratégiques pour l’aider dans la conduite de son action.
Comme je pressentais que ces études pourraient ne pas parvenir à leur destinataire – ce qui s’avéra par la suite être le cas-, je pris une deuxième sûreté. En effet, je remis, en main propre, au directeur du cabinet du chef de l’Etat la première de ces études sur la Zakat. Cette initiative sur la création d’une Administration nationale de la Zakat a été retenue par le nouveau pouvoir et elle vient de voir le jour par un décret présidentiel en date du 28 décembre 2022.
A chaque entrevue, mon interlocuteur me tenait des propos émollients mettant en exergue « la pertinence de mes analyses et la limpidité de mon style». S’en suit alors la même litanie : « le président accorde un grand intérêt à vos études et va vous recevoir très prochainement…». Cette personnalité n’étant plus en responsabilité, je lui ai dit de me remettre mes fiches. Je pensais que sa réponse était toute trouvée : « les fiches ont été remises au chef de l’Etat ».
D’autant que j’ai peu de moyens pour vérifier la véracité de cette affirmation. Mais à ma grande surprise, il me dit : « Elles sont là dans ma chambre à coucher ».
En récupérant mes documents, je me suis rendu à l’évidence : ces études ne sont jamais parvenues à leur destinataire. Pourquoi ? Plusieurs hypothèses :
- Est-ce que l’intéressé a agi comme le font, souvent, certains responsables: s’approprier les idées des autres et les présenter comme les leurs ?
- Est-ce qu’il a redouté de déplaire au président en lui soumettant des idées ou des propositions qui ne seraient pas en phase avec sa façon de voir les choses ?
- Est-ce qu’il aurait reçu un BR, forcément mensonger, me concernant ?
- Est-ce pour une autre raison plus terre à terre ?
Quoi qu’il en soit, il aurait mieux valu qu’il me parlât franchement. Sans détour.
Avant de terminer, je tiens à signaler que j’ai décidé de ne pas publier ici certaines études stratégiques ultra-sensibles. Ces études sont, sans doute, de loin, les plus importantes de toutes. Toutefois, je les tiens, le cas échéant, à la disposition de qui de droit.
Est-il nécessaire de souligner que le seul ressort qui sous-tend la publication de ces études aujourd’hui est la volonté d’apporter une modeste contribution à la consolidation de l’édifice national ?
Dédicace
A tous ceux qui, dans une optique prospective, ont à cœur l’avenir et le devenir de la Mauritanie. C’est-à-dire la préservation de son unité, de son intégrité territoriale, de sa souveraineté et, naturellement, de sa prospérité.
Au – delà de ce vœu, une prière : Puisse Dieu réfréner la boulimie matérielle insatiable de ceux, à tous les niveaux, qui ont saigné à blanc l’économie nationale, perverti les valeurs morales, fait de la course effrénée à l’enrichissement illicite et de la corruption quasi généralisée une fin en soi au détriment de la construction du pays.
SUJETS TRAITES
- Etude n°1 : L’Administration nationale de la zakat
- Etude n°2 : Le président, les prédateurs et la zakat
- Etude n°3 : Mise en valeur agricole optimale de la Vallée du fleuve avec le concours humain, technique et financier de la Chine
- Etude n°4 : L’esplanade de la présidence de la République : une nouvelle donne stratégique dans la vie politique en Mauritanie ?
- Etude n°5 : Protection du président de la République : des failles dans le dispositif de sécurité ?!
- Etude n°6 : Restructuration des services de renseignement
- Etude n°7 : Le spectre de la famine en Mauritanie : une lame de fond en formation
- Etude n°8 : Développement endogène du pays : les chaînons manquants
- Etude n°9 : Esquisse d’un plan d’action pour éradiquer, à terme, l’insécurité à Nouakchott
- Etude n°10 : La Mauritanie et les défis de demain : les dessous des cartes
- Etude n°11 : La Mauritanie, les convoitises étrangères et l’OTAN
- Etude n°12 : La création d’un parquet national financier : une urgence nationale
4ème DE COUVERTURE
Rien de durable ne peut être bâti sans fondation. Cette vérité élémentaire vaut, naturellement, pour la stabilité et la pérennité de l'Etat et de ses institutions. C'est le peuple qui soutient tout l'édifice national. En retour, celui-ci attend de ses gouvernants la satisfaction de certains besoins basiques: moyens de subsistance, logement, santé, éducation, sécurité, etc. Ce sont là les piliers du contrat social. C'est là aussi, la condition sine qua non pour l'édification de toute société qui aspire à vivre en harmonie.
Dans cette optique et au-delà du confort passager du moment, il devient urgent de bâtir un nouveau projet de société sur la base d'une répartition constitutionnelle du pouvoir entre les différentes composantes nationales. Une répartition juste et pérenne avec comme corollaire une redistribution plus équitable de la richesse du pays entre tous ses habitants. N'en déplaisent aux professionnels du boniment, la préservation de l'unité nationale, de la paix civile et sociale est à ce prix.
Moussa Hormat-Allah, professeur d’université, lauréat du prix Chinguitt et auteur de plusieurs ouvrages