De Décembre 2019 à cette date, Ould Abdel Aziz a toujours soutenu qu’il était riche. Il avait même lancé un défi à tous les Mauritaniens, (depuis leurs premiers ministres jusqu’aux autres) d’apporter la moindre preuve qu’il ait pris un sou ou un dollar des caisses du Trésor ou des caveaux de la Banque Centrale de Mauritanie. Le défi tient encore et solidement, apparemment, puisqu’en effet Ould Abdel Aziz est très riche mais jamais jusqu’ici les enquêteurs n’ont pu retrouver ses empreintes sur des montants retirés des caisses du Trésor ou des devises tirées de la BCM. Ni l’enquête parlementaire, ni l’enquête judiciaire préliminaire de la police des crimes économiques et financiers, ni les trois juges du pôle du Parquet en charge de cette affaire, ni même les journalistes mauritaniens ou étrangers ne sont parvenus à arracher à Ould Abdel Aziz la moindre explication sur l’origine de son immense fortune.
Des « sous-entendus » accusateurs dans une affaire de gros sous
Dans une de ses déclarations au cours d’une conférence de presse, l’ex-président Mohamed ould Abdel Aziz avait d’ailleurs et de manière surprenante affirmé que l’actuel Président connaissait l’origine de tous ses biens. Comme pour se disculper… Une déclaration qui venait confirmer ce qu’Ould Ghazwani avait déclaré lui-même à certains responsables de partis politiques :« la richesse de mon prédécesseur ne provient pas de l’argent public ».Mais tout ce que disait l’un et l’autre ne répondait pas à la question que tout le monde se posait : « Min’eynelekehadha ? » Une question qu’on pourrait traduire par « Alors d’où elle provient, cette richesse ? ».
Dans un article publié le 24 Janvier 2023, le journal français le Figaro écrivait : « Mohamed ould Abdel Aziz, fils de commerçant, se serait constitué un patrimoine et un capital estimés à 67 millions d'euros au moment de son inculpation en Mars 2021. Il est accusé de détournement de fonds de marchés publics ou d'avoir dépecé à son profit le domaine immobilier et foncier national. Sans nier être riche, Mohamed ould Abdel Aziz a refusé de s'expliquer sur l'origine de son patrimoine et crie à la machination ».
Comme dit tantôt, ni l’enquête parlementaire, ni l’enquête judiciaire préliminaire de la police des crimes économiques et financiers, ni les interrogations des trois juges d’instruction en charge de cette affaire, ni même les journalistes mauritaniens et étrangers (RFI et France 24) n’étaient parvenus à arracher à Ould Abdel Aziz la moindre explication sur l’origine de son immense fortune (près de 2,479 milliards MRU).C’est finalement la jolie poupée Sandrella Merhej qui est arrivée à « arracher » à son client Ould Abdel Aziz une explication sur celle-là.
Aziz a donc joué au marabout sénégalais qui dicte à voix basse ce que va répéter à voix haute son talibé. « La source de mes biens provient d’un dirigeant arabe », a-t-il chuchoté à l’oreille de son avocate qui s’est empressée de la diffuser à travers un tweet posté le mercredi 15 Février dernier sur sa page Facebook. Occasion d’un grand ouf de soulagement pour Ould Ghazwani, longtemps soupçonné par certains d’être complice dans une ténébreuse affaire de détournement de biens publics, à cause du sous-entendu « lâché » devant la presse par son prédécesseur affirmant que « l’actuel Président connaissait l’origine de tous ses biens » ?
Quand Sandrella enfonce Ould Abdel Aziz
Si la déclaration de Sandrella, « dédouane » Ould Ghazouani de tous soupçons que pouvaient faire peser sur lui l’affirmation de l’ancien chef de l’Etat devant la presse, son petit tweet enfonce Ould Abdel Aziz dans d’autres problèmes. Car il ya quelque chose que la jolie Sandrella a peut-être oublié : Ould Abdel Aziz n’était pas, au moment des faits, un imam de mosquée. Un imam de chez nous (c’est connu)se rend régulièrement dans des pays arabes pour collecter des fonds, a priori au profit de sa mosquée et de sa mahadra mais surtout pour s’en bourrer les poches et passer des vacances en Turquie ou aux Émirats Arabes Unis avec son épouse.
Au moment des faits, (donc de l’encaissement de l’argent offert par un dirigent arabe), Ould Abdel Aziz était bel et bien un chef d’État dans l’exercice de ses fonctions. Ce « détail » compliquera beaucoup les choses aussi bien pour Sandrella que pour Ould Abdel Aziz lui-même. Il les lui compliquera beaucoup car il devra être en mesure de convaincre le tribunal qu’il n’a jamais confondu sa poche et le Trésor public mauritanien. Que donc ce qui est allé dans sa poche lui revenait de droit. S’il peut le prouver, c’est tant mieux, comme l’a dit maître Gourmo. Il doit être également en mesure d’expliquer en vertu de quoi cet argent fut donné à sa personne et non à sa qualité de président. « En récompense d’un service rendu » ? En guise de remerciements pour arrangement à l’amiable ? Et là, évidemment les réponses aux questions qui lui seront posées par les juges ou les avocats de la partie civile risquent fort de donner du fer à retordre à Sandrella puisqu’elle devra, elle, tout faire pour que l’ex-Président ne tombe pas sous le coup de l’infraction commise par rapport aux attributions que lui confère la Constitution.
Cette Constitution dit bien dans son article 27 : « La charge de président de la République est incompatible avec l'exercice de toute autre fonction publique ou privée ». S’il est établi que l’ex-Président « exerçait » d’autres fonctions incompatibles avec celle que lui confère la Constitution, j’ai bien peur qu’il soit obligé de restituer « le magot » au Trésorier Général de la RIM. C’est d’ailleurs ce qui est arrivé récemment à l’ex-Président brésilien Bolsonaro qui reçut de « généreux » cadeaux de la part de l'Arabie saoudite, dont des bijoux en diamants d'une valeur estimée à trois millions d'euros. Peut-être avait-il confondu le coffret de bijoux de son épouse et les coffres-forts de la Banque Centrale du Brésil… Toujours est-il qu’il a été mis en demeure de restituer au gouvernement les joyaux du bijoutier Chopard reçus en cadeau des princes saoudiens.
Et la question de l’origine du pactole se double d’une autre plus aigüe encore : celle de la fructification de celui-ci avec les moyens que conférait à MOOA sa position de chef de l’État. On n’a pas fini d’entendre parler des marchés de gré-à-gré et autres facilités administratives, sinon entourloupes à variablement légal maquillage, concédées à l’entourage plus ou moins rapproché de notre ex-Président. D’aucuns pressentent ici – ont accumulé un faisceau d’indices probants de ? – l’existence d’un système complexe exclusivement voué à la valorisation du capital d’Abdel Aziz… Bref, ce n’est pas seulement « d’où provient votre fortune ? » mais aussi du « comment l’avez-vous gérée durant vos deux mandats publics ? » que le parvenu descendu du pouvoir va devoir répondre…
La bataille judiciaire se déroulera sur un nouveau terrain ?
L’élément nouveau apporté par la jolie Sandrella pousse aussi notre curiosité, à nous autres journalistes. Nous devons nous aussi chercher à savoir si les « sous » d’Ould Abdel Aziz sont bien un cadeau d’un généreux donateur dirigeant d’un pays arabe.« Lequel ? » et « pourquoi ? ». La bataille sur ces questions va commencer très bientôt. Sandrella et son client sont, au virage de la reprise du procès, sûrement attendus par des avocats de la partie civile qui soupçonnaient déjà l’ex-Président de prendre des dessous de table de n’importe quel dirigeant arabe – et chinois ou autre ? – pour n’importe quel service rendu. Et elle sera d’autant plus rude, cette bataille, que jamais Ould Abdel Aziz ne laissa ses empreintes sur les lieux des crimes qu’il commit. Mais, selon les résultats des enquêtes, il laissait toujours quelques traces d’ADN permettant de remonter jusqu’à lui…