Après plusieurs incidents d’audience et de multiples renvois, suite à une saisine du Conseil Constitutionnel, l’examen de l’affaire Ministère Public/ contre l’ancien président, Mohamed Abdel Aziz et une dizaine de responsables sous son règne, parmi lesquels deux anciens premiers Ministres, a repris devant le Tribunal Spécial chargé de la Lutte contre la Corruption, le jeudi 06 avril 2023.
Une reprise des audiences pied au plancher, avec le début des interrogatoires sur le fond. Le défilé à la barre a débuté avec le passage de Mohamed Abdel Aziz, principal accusé, ancien chef de l’Etat, invité à décliner son identité par le président de la juridiction, Omar ould Mohamed Lémine. Un exercice suivi de la lecture de l’acte d’accusation à travers lequel le président de la cour, a notifié à l’ex-homme fort de Nouakchott (2008/2019) les différentes infractions pour lesquelles il est déféré devant la justice: « corruption, trafic d’influence, blanchiment de capitaux, dissipation de biens publics, prise illégale d’intérêts…. ».
Mohamed Abdel Aziz a plaidé non coupable. Il a rejeté toutes les accusations comme «totalement infondées » déniant au tribunal la compétence de statuer sur son cas, du fait de son statut d’ancien président de la République, couvert d’une immunité totale par l’article 93 de la constitution, au moment des faits.
Les premiers temps forts
Au-delà du dialogue de sourds autour de l’acte d’accusation, du fait de son rejet catégorique par Aziz, le véritable temps fort de la première journée de reprise de ce procès inédit, a été le début de l’audition des témoins à charge cités par l’accusation.
Illustration avec le passage de Bâ Ousmane, ministre de l’éducation nationale au moment des faits portant sur la vente de plusieurs blocs abritant des écoles primaires.
Sous le feu roulant des questions du tribunal, du parquet, des avocats de la partie civile, et le contre interrogatoire de la défense, l’ex-ministre a soutenu avoir reçu de l’ancien premier Ministre, Yahya ould Hademine, l’ordre de retirer plusieurs écoles de la cartographie scolaire. Interpellé sur la suite de l’opération, il a indiqué n’en avoir aucune idée.
A signaler que les écoles concernées sont les premières construites dans la ville de Nouakchott. La cession de ces établissements scolaires «sans études préalables » renvoie à la question relative au concept des domaines, public et privé de l’Etat.
La première notion recouvre les endroits abritant les services publics, alors que la loi ne définit le domaine privé qu’à contrario de la composition des biens du domaine public de l’Etat.
En français facile « les biens du domaine privé de l’Etat sont définis comme étant des biens appartenant à l’Etat, mais qui ne sont pas affectés à un usage ou à un service public ».
Ainsi, les questions posées par la cour et les différentes parties au procès, ont essentiellement porté sur la dé-classification du foncier des écoles primaires, d’une partie de l’école de police….du domaine public vers le domaine privé de l’Etat. Une obligation fondamentale qui semble avoir été ignorée dans le cas d’espèce.
Un autre moment fort de l’audience du jeudi 06 avril 2023, a été le passage à la barre de Selman ould Brahim, qui a déposé à titre de témoin. Un témoignage à travers lequel l’homme d’affaires est revenu sur ses relations avec Mohamed Abdel Aziz, expliquant qu’elles datent de 1998, c'est-à-dire bien avant l’arrivée au pouvoir de l’ancien de l’Etat.
Dans ce qui ressemble fort à un début de déballage, le sulfureux homme d’affaires a fait quelques révélations croustillantes en rapport avec l’attribution de marchés suivant la procédure du gré à gré.
Il a aussi parlé d’un dépôt auprès de sa personne portant sur un énorme montant (un million de dollars ), effectué par l’ancien président, et livré de nombreux autres détails, étalant au grand
jour le fonctionnement d’une administration transformée en un vaste réseau de passe-droits.
Il s’agit notamment de marchés relatifs à l’acquisition de véhicules pour la sécurité routière et d’autres encore d’autres attributions sans appel d’offres publics.
AS