Le Calame : La coalition CVE – CVE/VR vous a choisi pour défendre ses couleurs aux prochaines législatives dans la circonscription Amérique du Nord. Pouvez-vous nous dire la composition de cette circonscription ? Combien d’électeurs potentiels y sont inscrits et dans quelles conditions ?
Ibrahima Mifo SOW : Notre candidature a été suscitée et soutenue effectivement par les coalitions CVE-CVE/VR et le mouvement IRA en Amérique du Nord, mais elle est aussi et surtout solidement portée par un extraordinaire élan d’adhésion de toute notre diaspora qui se reconnait dans notre combat contre le système discriminatoire nationalitaire qui n’hésite même plus maintenant à transposer son funeste dessein contre nos compatriotes vivant en exil. Nous sommes réconfortés aussi par la présence à nos côtés de notre frère et ami Bakari Tandia, en tant que notre suppléant. Abou est un champion confirmé des droits de l’homme et des causes justes. Ces élections législatives se dérouleront uniquement aux USA alors que la circonscription électorale était supposée couvrir également le Canada et le Mexique. C’est une décision discriminatoire du pouvoir que nous avons vigoureusement dénoncée quand elle a été portée à notre connaissance. Elle n’est pas seulement qu’une confirmation de la gouvernance par des demi-mesures – qui est la caractéristique principale de ce régime -, mais ce qui inquiète davantage c’est qu’elle s’inscrit dans la même logique préférentielle qui fonde les pratiques politiques du système. Il n’y a qu’à voir le tri ethniquement orienté des pays étrangers dans lesquels nos compatriotes voteront pour s’en convaincre ! A l’arrivée, seulement 2 678 mauritaniens sont parvenus à s’inscrire ici pour les élections à venir. Pour beaucoup, c’était un véritablement parcours de combattant ! Imaginez, devoir voyager pendant plus de 24 heures, souvent sous des conditions climatiques extrêmes, pour aller s’inscrire et avec la perspective d’avoir à subir la même épreuve pour pouvoir voter un plus tard !
La diaspora s’est beaucoup plainte du nombre réduit de bureaux d’enregistrement pendant le Ravel mais en même temps en termes de bureau de votes. A votre avis qu’est-ce qui s’explique cette décision des autorités ? Avez-vous saisi qui de droit et quelle a été la réponse ?
Il faut remarquer que tout le monde n’était pas logé à la même enseigne. Les Mauritaniens ici, aux USA en particulier, se regroupent, naturellement, par affinité de communauté ethnique d’origine et par zone de prédilection. Le pouvoir, qui pilote la CENI, s’est saisi de cette réalité pour pourvoir les principales villes de résidence de nos compatriotes qui lui sont favorables de centres de recensement. De notre côté, il nous a fallu batailler fermement contre ces choix inégalitaires, voire racistes, pour que l’on daigne déconcentrer un peu les opérations d’enrôlement, par le déplacement de court terme d’un agent de la CENI vers certains centres urbains où habitent des Noirs mauritaniens. Comment peut-on justifier autrement que par pure combine raciste, par exemple, qu’un centre de recensement permanent soit installé à la Louisiane pour s’occuper de moins de deux cents (200) potentiels électeurs alors que l’on tenait à ignorer la grande métropole Columbus où réside le plus grand nombre de Mauritaniens aux USA ! Ce qui s’est passé durant ce RAVEL ici est un favoritisme flagrant, à ciel ouvert, un fait accompli qui ne s’embarrasse d’aucun scrupule. Exactement comme le sont devenues toutes les discriminations subies par certaines communautés nationales en Mauritanie même.
Vous aurez certainement à faire face à plusieurs concurrents dans votre circonscription. Quelles sont les chances de votre coalition pour remporter ? Avez-vous le sentiment qu’on s’achemine vers des élections libres et transparentes, le 13 mai prochain ?
Nous ne craignons pas la concurrence. Au contraire, nous la trouvons indispensable en tous domaines et, en particulier quand il s’agit de gagner la confiance de ses compatriotes pour des charges aussi sensibles que celles de la représentation. Nous vivons depuis longtemps dans un environnement où la compétition, la compétitivité est la norme, la règle de vie. Mais bien évidemment, cela n’a de sens que quand les règles du jeu et les conditions d’arbitrage placent les différents concurrents au même pied d’égalité. Les interférences manifestes du pouvoir déjà observées en amont sur l’exécution des opérations déterminantes du recensement présagent la volonté de fausser les résultats des élections à venir. Mais notre domination est si évidente que l’on est incapable d’imaginer à quel stratagème le système pourrait recourir pour contrecarrer le destin.
Quels problèmes de la Diaspora allez-vous défendre au parlement, une fois élu député ?
Nous avons décliné notre programme sous forme d’objectifs, parmi lesquels : meilleure réinsertion des émigrés qui retourneraient au pays, pleine jouissance de leurs droits de retraités indifféremment dans les deux pays, rapprochement plus efficace de notre administration consulaire des lieux de résidence de nos compatriotes pour la prise en charge de leurs préoccupations, règlement de leurs problèmes d’état civil (un nombre considérable des membres de notre diaspora restent privés de leurs papiers mauritaniens), reconnaissance conséquente par l’Etat du rôle très important de la diaspora dans le développement de notre pays en lui consacrant un statut particulier… Mais les questions et enjeux nationaux nous interpellent aussi en tant que citoyens dont la vie, pour la plupart, a été marquée par les problèmes internes. Nous leur consacrerons, de ce fait, toute l’énergie que demande leur résolution.
Au sortir d’une audience accordée par le Président mauritanien, la représentante des Nations-Unies en Afrique de l’Ouest et le Sahel a félicité le gouvernement pour la bonne préparation des prochaines élections. Votre réaction ?
J’ignore de quelles conditions elle parle, mais ce que je constate sur le terrain, au niveau de la circonscription qui me concerne, c’est que des anomalies graves, capables d’entacher la crédibilité de ces élections, ont caractérisé la mise en œuvre de la phase d’exécution du recensement des membres de notre diaspora. En plus des cas observés d’inégale disponibilisation des centres d’enrôlement pour nos compatriotes selon qu’ils soient favorables ou non au pouvoir, il y a aussi que la durée consacrée au recensement en Amérique du Nord y a été injustement plus court. Je recommande donc aux observateurs étrangers, prompts à décerner des satisfécits, d’être un peu plus regardants sur les détails que ces régimes corrupteurs dissimulent sous des apparences reluisantes. Ces détails qui leur échappent font toute la différence.
Propos recueillis par Dalay Lam