Mariem Daddah: La femme décisive

28 February, 2023 - 12:36

Marie-Thérèse Gadroy, franc-comtoise dans l’est de la France, le pays des coeurs fortement trempés (« Rends-toi, comtois ! » « Nenni, ma foi » – la Grande Guerre de 1914-1918 y est appelé « la guerre du droit ») est une jeune femme catholique, qu’on pourrait dire « de gauche », se prépare à la magistrature à la faculté de droit et des sciences économiques de Paris. Moktar Ould Daddah, sans doute doyen de la même promotion, y prépare le barreau. Ils font connaissance dès 1954. Une dangereuse pleurésie, décelée à Boutilimit par le Dr. Bocar Alpha Ba, «médecin brousse» sous l’administration française de la Mauritanie, immobilise en convalescence le futur Président. L’étudiante le visite, ils se marient à la grande mosquée de Paris au moment de l’option pour le statut d’Etat-membre de la Communauté, tel que proposé par le général de Gaulle en Novembre 1958. En Janvier 1959, elle est à Nouakchott : la « capitale-panneaux », la 2CV citroën, la revendication marocaine, dépaysement et inconfort s’il en est. Elle choisit d’être appelée Mariem, elle donne le cours de droit constitutionnel au Centre de formation administrative, c’est ainsi que je la rencontre à mon tour. Sa très forte intuition : le développement, l’indépendance autant sociale que politique appellent le rôle des femmes. Elle fonde l’Union féminine de Mauritanie et n’en garde pas longtemps la présidence. Elle a confiance dans son pays d’adoption autant qu’en son époux. Elle est là, comme elle le sera encore – résolument – quand son mari aura été rappelé à Dieu.

 Un couple accueillant et ouvert

 

Je suis convaincu que le couple ainsi formé, accueillant et très ouvert, a eu une discipline de travail et de réflexion que le jeune président de la République islamique n’aurait pas eu sans elle. Je suis convaincu que, en Février 1966, après une nuit très difficile où Moktar Ould Daddah est aux prises avec le groupe parlementaire du Parti, tandis que le pays a pris feu à propos de la mise en application de la loi sur l’enseignement en arabe, c’est elle qui expose à son mari qu’il est le plus fort et doit gagner. Ce qui fut. Témoin aussi : la naissance neuf mois plus tard, de leur aîné Mohamedoun.

 

Le Centre d’information qu’elle fonde auprès du permanent du Parti est un modèle de production écrite, rare dans les pays débutant leur vie démocratique dans le cadre d’un Parti unique de l’État.

 

Honteusement, l’ensemble des travaux et archives du P.P.M. fut dispersé au vent des sables dès le 10 Juillet 1978. Dieu voulut qu’elle fut alors à Dakar pour un congrès de juristes africains. Comment eût-elle réagi physiquement à la pétition de légitimité et de souveraineté des forces armées privant à jamais la Mauritanie de ses plus fortes racines politiques? Les chefs successifs des régimes putschistes avaient été dans l’ordre-même de leur chronologie, l’aide de camp du Président. Donc aux petits soins…

 

La conversion à l’Islam en 1977 a été ferme et intime, nullement du mimétisme ou un geste politique. Je lui avais offert, dans les premières années de notre rencontre la traduction du Coran par Régis Blachère.

 

Avec beaucoup, je regrette qu’elle n’ait pas écrit ses propres mémoires, une Française au désert, une chrétienne en Islam, une universitaire en politique avec tous les arcanes possibles : les vies familiales, les traquenards de toutes rumeurs, et la victoire d’avoir beaucoup contribué – dans la discrétion, sans jamais faire partie des organes dirigeants – à l’oeuvre de son époux et des co-équipiers de celui-ci.

 

 

Bertrand Fessard de Foucault

relire Moktar Ould Daddah, la Maurtanie contre vents et marées (éd. Karthala . Octobre 2003 .en arabe et en français : 669 pages) – p. 137, la bénédiction d’un des maîtres du futur président, au début de 1956, déjeuner ensemble chez celui-ci  rue Guynemer à Paris – p. 145, la décision, l’été de 1956 tandis que  Moktar Ould Daddah est en convalescence dans les Alpes françaises d’une dangereuse pleurésie diagnostiqué à Boutilimit par le Dr. Bocar Alpha Ba « médecin de brousse » pendant l’administration française de la Mauritanie – p.175, le mariage à la Grande Mosquée de Paris quand l’Assemblée territoriale opte pour le statut d’État membre de la Communauté, proposé par le général de Gaulle – p. 414, les finances familiales, Mariem bénévole du Parti