En vertu des pouvoirs qui lui sont accordés par la constitution, le président de la République nomme aux emplois civils et militaires.
A elle seule cette disposition consacre, clairement, le principe de la primauté des choix politiques en matière de nominations dans les emplois publics.
Certes, en tant que principal employeur, l'Etat s'est doté d'un riche droit de la fonction publique destiné à gérer les carrières de son personnel, lequel doit être recruté sur la base du principe républicain d'égalité entre les citoyens, notamment à travers un concours juste et équitable mais l'Etat se réserve le droit de nommer par décret aux hauts postes de responsabilité.
En principe et, même comme le voulait la pratique ou disons une certaine tradition républicaine, les bénéficiaires de ces nominations par décret (très suivies et attendues par l'opinion publique) doivent être choisis parmi le personnel administratif existant, en particulier parmi les fonctionnaires en fonction des critères fixés pour la gestion de leurs carrières administratives.
Argutie juridique
Néanmoins, cette tradition a été battue en brèche par l'influence grandissante des choix dictés pour des raisons clairement politiques auxquelles l'argutie juridique du pouvoir discrétionnaire apporte une précaire légitimité.
En effet, cette légitimité est d'autant plus précaire que les nominations politiques ont souvent engendré, outre la masse des intégrations abusives et irrégulières dans le corps des fonctionnaires de l’Etat, un triste rabaissement du niveau de la haute fonction publique au sens général du terme.
Ainsi nul n'ignore que le grand échec dont souffre le pays, depuis quelques décennies puise sa source dans cette précarisation de la fonction publique accentuée d'une part par l'impact négatif des politiques d'ajustement structurel qui ont conduit, à la fin des années 80, à l'arrêt systématique du recrutement, donc du renouvellement des ressources humaines, sauf dans les secteurs de la Santé et de l'éducation,
D'autre part, par le fameux processus démocratique de 1991 qui a engendré une fâcheuse tendance, toujours actuelle, à confondre la récompense du rôle politique avec la promotion de la compétence technique.
A cela s’ajoutent, bien évidemment, les conséquences désastreuses de la baisse du niveau de l’enseignement.
Je ne sais pas si les responsables concernés en premier lieu ont pris le temps nécessaire pour initier une sérieuse réflexion sur le circuit des nominations aux hautes responsabilités mais je suis convaincu qu'une réforme efficace de l'administration publique passe, forcément, par la recherche d'une solution idoine à ce grave problème dont la persistance hypothèque l'avenir de la Nation,
Il faudrait partir de l'idée que le haut fonctionnaire qu'il soit Conseiller à la Présidence, Secrétaire général d'un Ministère, gouverneur, préfet, juge, chef de mission, conseiller, chargé de mission, Directeur général ou directeur dans un département ministériel, ou d'un établissement public ou d'une société d'état etc. doit être choisi, en premier lieu, en fonction de sa compétence et non sur la base de la loyauté politique qu'il affiche en apparence.
Il faudrait admettre l'idée que le fonctionnaire titulaire ou contractuel, permanent ou non permanent, de profession ou de mission doit, tout d'abord faire son travail suivant des attributions clairement prescrites par la réglementation en vigueur et qu'il doive, à cette fin, avoir , nécessairement, les compétences requises pour exécuter sa mission.
Il faudrait avoir en tête, au moment de nommer un haut responsable qu'un gestionnaire est tenu à l'obligation de résultat et que la nomination, à titre de récompense d'un quelconque soutien politique ne doit jamais se faire au détriment des conditions requises par une bonne gérance,
Il faut, absolument, reconnaître que ce problème crucial relève de la compétence liée du gouvernement et, par conséquent, du pouvoir éminemment politique des Ministres auxquels Il revient donc, en définitive, chacun en ce qui le concerne, d'assumer leurs responsabilités dans le domaine de la difficile gestion des carrières.
Abus de pouvoir discrétionnaire
Pour l'accomplissement d'une telle mission, bien difficile, Mesdames, Messieurs les Ministres doivent, dans l'immédiat, cesser d'abuser du pouvoir discrétionnaire en vertu duquel l'Administration publique a été inondée par des vagues d'incompétents.
A moyen terme, le gouvernement doit, impérativement, sur la base d'un plan d'action réalisable, commencer par vérifier l'adéquation des profils à l'accès aux emplois supérieurs de l'Etat qui se trouvent précisés par le décret n*2016-061 du 7 avril 2016.
Il est évident que la haute fonction publique mauritanienne souffre , aujourd'hui, d'un mal de tête chronique car le haut personnel d'encadrement censé, par sa compétence au sens propre et figuré, incarner la continuité de l'Etat , a été affecté par l'épidémie des névroses et autres frustrations engendrées par les nominations injustes ou au moins inappropriées.
Ce mal de tête devenu caractéristique de la haute fonction publique a, non seulement, dévalorisé celle -ci mais, pire, attisé bien de sales caractères dont la gestion ne relève pas de la science administrative mais, peut-être, de la psychologie sociale voire de la psychanalyse.
Pour éviter le diable qui réside dans les détails, il conviendrait de rappeler que nous sommes, depuis quelques décennies, tombés, volontairement dans le piège des convenances qui nous empêche de regarder la réalité en face et d'appliquer, en matière de nominations, outre le droit en vigueur, la sagesse populaire selon laquelle " celui qui ne dispose pas d'une chose ne peut pas la donner ". Nous nous sommes laissés, progressivement, piéger par l'hypocrisie collective qui nous interdit de dire la vérité à ce sujet. Nous sommes devenus, au fil du temps, prisonniers de la culture de la complaisance qui nous enlise davantage dans la médiocrité. Nous sommes, ainsi, devenus les témoins pris en otage, d’une tentative de suicide, socialement accepté.
Au final, nous avons été gravement touchés par ce mal de tête qui entrave les bonnes intentions tenant à la réforme.
Or, on sait, de science certaine, que l'intention en politique ne compte pas. Ce qui compte pour un gouvernement, c'est en définitive, un bilan à inscrire dans l'histoire d'une nation,
Je crois que le meilleur service qu'un gouvernement puisse rendre à la Mauritanie, c'est de traiter, en vertu de l'urgence et de l'impérieuse nécessité, ce mal de tête qui ronge sa haute fonction publique.
Abdel Kader Ould Mohamed