L’irresponsabilité, c’est bien le maillon faible des Mauritaniens, gouvernants et gouvernés. Du président de la République au simple citoyen, en passant par le chef du gouvernement, le ministre, le parti politique, le directeur, le général, le médecin, l’enseignant, le commerçant, l’administrateur, l’inspecteur et j’en passe, tous n’assument que peu ou prou leurs responsabilités. Conséquences : anarchie et désordre, perte des valeurs, désobéissance civile et militaire passive…
Demain, l’ex-président Mohamed ould Abdel Aziz et sa compagnie seront en procès dans le cadre du fameux « Dossier de la décennie de corruption » face à des juges qui doivent assumer leurs responsabilités. Nous leur lançons ici un appel solennel à produire l’événement et opérer un tournant inédit dans les annales de la justice, en assurant le procès le plus équitable possible, loin de toute politisation, acharnement et règlement de comptes. Un procès qui satisfasse toutes les parties sans quitter les limites de la légalité.
Des juges qui ne doivent pas être mandatés pour concrétiser de malsaines visées politiques. Des juges qui doivent s’armer de courage, de foi et de probité, pour situer les faits et prononcer le plus juste verdict possible. Des juges qui ne doivent pas être tolérants, pour confirmer la nouvelle orientation de ce pouvoir dont les États généraux viennent de s’achever, mais qui ne doivent pas non plus être durs avec les prévenus, dans une Mauritanie où, tant de l’ancien système que du nouveau et absents à ce procès, rares sont ceux étrangers à la corruption pratiquée à grande échelle, aux détournements massifs et aux manquements graves à la responsabilité publique.
L’opinion publique doit être aussi conviée à ce procès, afin de servir de second arbitre dans un évènement politico-judiciaire sans précèdent dans le pays, si l’on prend en considération le nombre et la diversité des inculpés, tant en termes de stratification sociale (tribus), que de postes politiques (président de la République, Premier ministre, ministre…), familles et proches. Et il faut encore compter dans ce feuilleton les présumés témoins et les autres suspects encore non identifiés qui pourraient sortir de l’incognito, après la mise à nu de leur implication directe ou indirecte dans le pillage de nos richesses nationales.
Ce procès qui débute demain mercredi 25 janvier 2023 constitue en soi de véritables états généraux de la justice, bien meilleurs que les assises dernièrement organisées par le département de tutelle. C’est en effet un test pour ce pouvoir à s’engager résolument dans la voie de son indépendance réelle et entière, à ne plus rester l’arme de prédilection de l’Exécutif pour façonner la vie de la Nation suivant ses objectifs personnalisés et destructeurs de la vocation d’un État appartenant à tous. Le procès d’Ould Abdel Aziz et compagnie est aussi un test pour débarrasser la justice de sa mauvaise réputation d’instrument instaurant l’injustice au sein de notre société prise en otage par un appareil inexpérimenté, non équipé, avec des ressources humaines sans qualification, politisé et mercantile. À bon entendeur, salut!
Mohamed ould Mohamed Lemine