Le compte à rebours pour les élections locales de Mai 2023 vient d’être lancé avec la validation par le gouvernement, lors de sa dernière réunion hebdomadaire, du chronogramme de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). La Mauritanie vient donc d’entrer en précampagne électorale. On sentait la fièvre monter depuis que le ministère de l’Intérieur et vingt-quatre partis politiques avaient cosigné, il y a quelques mois déjà, un mémorandum visant à préparer les élections locales inclusives et crédibles. Des initiatives et réunions fleurissaient de toutes parts. Qui pour soutenir les réalisations du président de la République, qui pour refonder le parti INSAF et instaurer la discipline en son sein pour en faire une machine à moissonner les votes... Signe encore de cette effervescence préélectorale, les tournées présidentielles à l’intérieur du pays sous couvert d’inauguration de chantiers. On a particulièrement remarqué ses passages au Gorgol et à Nouadhibou. « Accueillites », bains de foule et débats sur les media sociaux déjà lancés, la campagne électorale pourrait ainsi durer quelque six mois…
L’administration et les administrés vont certainement en pâtir : les cadres prétexteront de cette circonstance pour se rendre dans leur terroir sans craindre la moindre sanction. Exemple tout récent, la tournée effectuée il y a quelques semaines chez lui, à l’Est du pays, par le ministre secrétaire général de la Présidence, un homme connu pour sa discrétion, pour une « campagne de sensibilisation » ; autrement dit, électorale bien avant le top départ. Soucieux de préserver leur poste, les cadres mobilisent les leurs pour se faire voir et entendre.
Une opposition fragmentée
De son côté, l'opposition est entrée dans une phase particulièrement délicate. D'aucuns diront qu'elle joue même son va-tout. Le risque d'aller aux élections en rangs dispersés est très perceptible. Et c'est peut-être pour tenter de limiter la casse que ses responsables manœuvrent depuis quelques mois ; des alliances électorales sont tentées, ici et là. Officialisée le jeudi 22 Décembre, la dernière en date rassemble des députés connus et des acteurs politiques, comme Kadiata Malick Diallo dont les amarres avec son parti l'UFP semblent définitivement rompues, le député maître El Id M'Bareck qui prend lui aussi ses distances avec le RFD, le député Mohamed Lémine Sidi Maouloud, la députée Coumba Dada Kane élue sur les couleurs de SAWAB et qui a rompu avec IRA et le RAG ; mais également d'autres partis non reconnus comme le SPD de Balla Touré et des cadres indépendants. Cette alliance s'est constituée autour du FRUD de Diop Amadou Tidjane. Le meeting tenu à l'ancienne Maison des jeunes a tenu des promesses. En gestation depuis plusieurs mois, l'attelage n'exclut pas de jeter, après les élections locales, maître El Id M'Bareck dans la bataille de la présidentielle. On en parle et reparlera certainement.
À la veille de cet évènement, les partis de la Coalition des forces démocratiques de changement (CFDC) rassemblant le RFD, l’UFP et l’UNAD avaient organisé une conférence de presse au siège central de l’UFP. Après avoir évoqué la situation économique et sociale particulièrement délicate des populations et mis en garde le gouvernement contre les périls qui menacent le pays, avec ce qui se passe au Mali, au Burkina et ailleurs, les responsables des trois partis ont estimé que les conditions d’élections locales ne sont pas réunies et ont par conséquent appelé à des concertations. Un appel lancé aussi bien à la majorité qu’aux autres partis de l’opposition. Celle-ci court en tout cas de gros risques d’aller aux prochaines élections en rangs dispersés ; à tout le moins plusieurs alliances.
Sauver et se sauver
Il y a également quelques semaines déjà, des media évoquaient la naissance d’une telle nouvelle ligue. Tenue au siège central de Tawassoul, la réunion regroupait Sawab, Ribat, le FRUD, la coalition «Vivre Ensemble » et deux partis non encore reconnus dont le RAG. On y notait également la présence du député Biram Dah Abeid président d’IRA et de maître Ahmed ould Haroun ould Cheikh Sidiya qui venait de lancer son mouvement d’opposition de jeunes. Quant à celle de l’ex-président Ould Abdel Aziz évoquée par certains, le vice-président de Tawassoul, Saleck Ould Sidi Mahmoud, s’est empressé de la démentir, qualifiant en outre la rencontre de « réunion de concertation sur la posture à prendre par l’opposition face aux prochaines échéances électorales ». Pas d’alliance donc. De son côté, Biram Dah Abeïd excluait sur les réseaux sociaux toute entente électorale avec l’ex-président de la République. Mais, nuançait-il, « ne rejetterait pas son soutien, si celui-là décidait d’accompagner sa candidature à la présidentielle de 2024. »
C’est donc dire que quasiment tous les partis de l’opposition sont en quête de cadres et de la bonne formule pour aborder dans la sérénité les élections locales de Mai prochain. Ses responsables accepteront-ils de faire des sacrifices réciproques pour sauver l’essentiel, privilégier le consensus et minimiser les risques, comme le préconise l’AFCD ? Certains leaders doivent réprimer leur gros ego et comprendre que la Mauritanie passe avant lui. De grâce, messieurs-mesdames, évitons de contribuer au statu quo ou, pire, au retour à la case départ !
Dalay Lam