Après une longue période de grâce accordée au président Ghazwani, une partie de l’opposition (RFD, UFP ET UNAD) sort enfin de sa torpeur. Déçue par l’annulation du dialogue sur lequel elle fondait beaucoup d’espoirs, elle a accepté finalement de participer aux réunions préparatoires pour les prochaines élections initiées par le ministère de l’Intérieur. Mais l’absence de dialogue lui est restée apparemment en travers de la gorge. En témoigne le communiqué qu’elle vient de publier sous le titre : « Appel pour une politique de large entente nationale au service de l’unité, de la démocratie et de la stabilité de notre pays ».
« À la veille des élections législatives, régionales et municipales », nous font ainsi savoir les trois partis susdits réunis en une significative Coalition des Forces du Changement Démocratique, « la scène politique est caractérisée par la persistance et l’accélération de facteurs de risques graves sur la stabilité et la paix, [suite] en grande partie à la crise politique, économique et sociale qui perdure depuis des années, dans un contexte mondial et régional particulièrement instable et dangereux. » Puis, après avoir rappelé les difficultés de l’opposition durant « la décennie de la gabegie », le communiqué souligne «la justesse [depuis l’accession de Ghazwani au pouvoir] de la politique d’apaisement du président de la République et de l’opposition démocratique, malgré certaines faiblesses et inconséquences. »
Mais « alors que la classe politique, dans sa grande majorité, cherchait à approfondir et à renforcer ce climat d’apaisement pour aboutir à des réformes consensuelles, certains milieux extérieurs à l'opposition ont manœuvré pour susciter une nouvelle polarisation politique, articulée autour de l'alternative entre le choix de la confrontation et du retour à la décennie de braises et son bilan catastrophique et le choix du changement pacifique dans un climat apaisé. […] D’ores et déjà, le paysage politique est marqué par cette ligne de fracture profonde et dangereuse. Dangereuse aussi serait l’organisation d’élections dans ce climat délétère. »
Et d’appeler en conséquence « toutes les forces politiques patriotiques, de tous bords, [à] anticiper sur les menaces qui pèsent sur notre pays, dépasser nos contradictions secondaires et nous engager dans la voie salutaire d’une large entente nationale, quelle qu’en soit la forme, seule à même […] de faire face aux dangers qui nous guettent. » Il y a sans doute beaucoup (trop ?) à lire entre les lignes. Inquiétude ou aveu d’impuissance devant la montée des populismes identitaires, exacerbés par l’inflation galopante des prix et la mollesse du pouvoir à corriger les hiatus sociaux – notamment ethnico-tribaux – cette mobilisation a-t-elle une chance d’être suivie de réels effets ? Elle semble en tout cas avoir tout du chant du cygne… Et la menace croissante d’une nouvelle récession mondiale – programmée de longue date en l’espoir de compenser les folies des produits financiers dérivés ? – n’est certes pas de nature à y entendre plutôt un hymne à la résurrection du sphinx…
Ahmed ould Cheikh