A propos des sujets qui fâchent abordés dans le livre de Monsieur Ahmed Kelly, il y a la lettre écrite le 13 mars 1948 par Abdoullah ould Cheikh Sidiya à Razac.
Une lettre qui en dit long sur l’intime amitié des deux grands hommes qui, à cette époque présidaient aux destinées de la Mauritanie.
C’était, on le sait, dans le contexte de la légendaire opposition du leader anti-colonial Horma Ould Babana au projet politique de Monsieur Razak.
A ce sujet, ça fait, quelque part, plaisir de lire le témoignage sincère de l'auteur sur la clôture d'un chapitre tumultueux de l'histoire de notre pays.
Il est, effectivement, important de signaler, pour l'Histoire, que sur un plan personnel, Abdoullah n'avait aucun grief particulier contre le Za'im Ahmedou ould Horma comme il est, aussi, tout à fait, normal que celui-ci rende, à la fin de ses jours, visite à la famille de Ahl Cheikh Sidiya, en compagnie de l'érudit Docteur Mohammed El Mokhtar ould Bah, lequel fut le premier directeur des études de l'institut des études islamiques, pour solder les comptes du passé politique tourmenté.
Une telle grandeur d'esprit devrait servir de leçon à tous ceux qui s'invectivent, actuellement, au sujet du débat bien dépassé entre les partisans de la résistance à la colonisation et les collaborateurs de celle-ci.
Une autre grande leçon de cette promenade dans le temps, résulte de la relation privilégiée que l'auteur du livre a eue avec son grand-père maternel qui fut le grand chef au temps colonial ainsi qu'avec les différents chefs de l'État mauritanien.
Le grand commis de l'État qu'il fut a pris le soin de bien conserver ses archives personnelles qui sont, en définitive celles de l'Etat C'est un réel plaisir de plonger dans ces archives qui renseignement sur l'évolution du sens de l'État dans tous ses états.
J'ai, dans ce registre, particulièrement, apprécié cette lettre de haute époque, dans laquelle Cheikh Abdoullah demande à l'autorité coloniale, à être déchargé de la fonction administrative pour se consacrer à l'apostolat du chef religieux mais aussi ces images du beau vieux temps dans lequel les visages des premières élites de l'Etat national affichaient une remarquable sérénité.
Bien entendu, je me suis moi-même retrouvé dans les instructives notes qui ont été prises par l'auteur lors des réunions hebdomadaires du conseil des Ministres durant la période du Président Maouiya et qui me rappellent bien de souvenirs de ma propre expérience gouvernementale dans le même régime.
Au total, sur l'histoire des régimes et des présidents de la Mauritanie, le livre de Monsieur Ahmed Kelly apporte des éclairages d'un intérêt certain sur les qualités de ceux qui nous ont gouvernés.
Mais il me semble que l'intérêt capital de ce livre réside dans le regard lucide et, remarquablement, objectif que l'auteur jette sur les conditions difficiles de l'exercice du pouvoir dans un environnement marqué par la culture du parti unique (un thème cher à son ami Ahmed ould Sid Baba).
En décrivant comment les laudateurs ont réussi à prendre le Président Mokhtar en otage, son excellence le Bâtonnier Ahmed Kelly, donne, à travers la fin tragique du régime de Daddah, laquelle a inauguré la tragédie des coups d’état, une indispensable leçon pour ceux qui gouvernent à présent et pour ceux qui auront à gouverner dans le futur.
Abdelkader ould Mohamed