La bataille d’Al Yamama/par Moussa Hormat-Allah

6 December, 2022 - 11:00

Après la mort du Prophète (PSL), l’Etat musulman naissant allait traverser une zone de turbulence qui menaçait jusqu’à ses fondements même.

C’est ainsi que beaucoup de tribus arabes voulurent s’affranchir de la tutelle de l’Etat de Médine en refusant de payer la Zakat, l’impôt dû par les riches aux pauvres. Abou Bakr les combattit avec beaucoup de fermeté. Il livra contre eux des guerres connues sous le nom de « guerres d’apostasie ».

Concomitamment, on assista à l’apparition de faux prophètes comme Moussaylima, l’imposteur.

C’est dans ce contexte particulièrement sensible que se déroula la bataille historique d’Al-Yamama qui opposa les musulmans aux apostats conduits par Moussaylima, l’imposteur. L’issue de cette bataille pouvait décider du destin de l’Islam naissant.

Lors de cette bataille d’une férocité inouïe, Salem et son ancien maître Abou Houdhayfa étaient, comme toujours, en première ligne.

Dès le début des hostilités, les charges de l’ennemi furent d’une violence telle que les lignes de l’armée musulmane furent défoncées. Un début de débandade commença à s’emparer du camp musulman. Mais avec l’aide de Dieu, l’intervention de deux hommes allait changer le cours des événements. Ces hommes n’étaient autres que Khalid Ibn Al-Walid et Salem, l’affranchi d’Abou Houdhayfa.

Meneur d’hommes doué d’un charisme, d’une intelligence et d’un courage hors du commun, Khalid Ibn Al-Walid excellait dans la stratégie et l’art militaire.

Juché sur un monticule, il lança du haut de son cheval un regard enveloppant sur le champ de bataille.

Combat héroïque

Le visage fermé, le nez aquilin, les yeux rivés sur les belligérants, il avait l’air d’un rapace qui allait fondre sur sa proie. Sur le monticule, son imposante silhouette se détachait à l’horizon sur fond d’un paysage montagneux, grandiose et tourmenté. Sa stature semblait taillée dans le roc. Ceint de son épée, il portait sa cote de maille et tenait d’une main son bouclier et de l’autre sa lance. Il était, pour le moins qu’on puisse dire, impressionnant. Il avait quelque chose de surhumain. Il semblait venir d’une autre galaxie. Sa seule vue devait donner la trouille au plus valeureux des combattants. Il continuait toujours à scruter le champ de bataille à la recherche de quelque chose qu’on ne voyait pas.

Il était d’un calme olympien. Il demanda qu’on fit, un instant, le silence autour de lui pendant qu’il réfléchissait.

Le regard perdu au loin, il semblait faire défiler dans sa tête les multiples batailles qu’il a livrées et dont il est toujours sorti vainqueur. Lui, auquel le Prophète avait accolé le surnom tant envié de « glaive de Dieu et de Son Prophète » pouvait-il perdre une bataille qui engage l’avenir et le devenir de l’Islam ? Que pourra-t-il dire, demain, au Prophète devant le Souverain Juge ? Obnubilé par la bataille qu’il a engagée, il faisait et refaisait, mentalement, les plans d’attaque. Il comprit que l’attaque frontale n’était pas la solution en raison de la supériorité numérique de l’armée des mécréants.

Puis un déclic se produisit sous la forme d’un mot : Badr ! Instinctivement, il décela les failles et les points faibles du dispositif ennemi. Il procéda alors à un redéploiement tactique de ses unités centrales et latérales.

Bien qu’il fût alors dans l’autre camp, il s’inspira ainsi du plan du Prophète lors de la mémorable bataille de Badr.

En formation de combat, l’armée du Messager de Dieu était disposée en quatre parties: l’avant-garde, l’arrière-garde, le cœur et les ailes. Son schéma d’attaque arrêté, Khalid fit circuler le mot d’ordre et donna l’assaut général.

C’est à ce moment précis qu’intervint Salem. Il hissa l’étendard et fendit les lignes ennemies en donnant des coups d’épée à droite et à gauche. De sa voix puissante, il haranguait les musulmans pour les pousser à combattre avec plus de conviction et de vigueur. Il ne cessait de crier : « Ce n’est pas de cette façon que l’on combattait avec le Messager de Dieu ». Puis, il récitait à haute voix ce Verset coranique : « Combien de prophètes ont combattu, en compagnie de beaucoup de disciples, ceux-ci ne fléchissent pas à cause de ce qui les atteignit dans le sentier de Dieu. Ils ne faiblirent pas et ils ne cédèrent point. Et Dieu aime les endurants ».

Les combattants musulmans, essayèrent de le retenir, en vain. « Nous craignons pour toi, donne l’étendard à un autre. Salem répondit : « Quel mauvais homme ayant appris le Coran par cœur serais-je alors ? »

 

 

Mais ce qui devait arriver, arriva. Les partisans de Moussaylima l’imposteur remarquèrent, en effet, ce combattant musulman qui non seulement se battait avec courage mais, en plus, par ses propos galvanisait l’armée musulmane. Ils cherchèrent alors à le neutraliser. Il fit encerclé et mortellement blessé.

« A la fin de la bataille, tandis que les musulmans victorieux s’enquerraient des blessés et des martyrs, on le trouva avec le dernier soupir. Il leur dit : « Qu’a fait Abou Houdhayfa ? » On lui dit : « Il est tombé en martyr ». Il dit : «Enterrez-moi à côté de lui ». On lui dit : « Il est à côté de toi, Salem. Il est tombé en martyr au même endroit que toi ». Alors, il esquissa son dernier sourire et ferma les yeux pour toujours.

« Ainsi mourut cet homme juste et véridique à propos duquel Omar Ibn Al-Khattab avait dit, sur le point de mourir : « Si Salem était encore vivant, c’est à lui que j’aurai confié ma succession ». Comme hommage, on ne pouvait trouver mieux ».

 

 

                                                                                Moussa Hormat-Allah

                                                                                Professeur d’université

                                                                                Lauréat du Prix Chinguitt