À propos du soliloque romantique de Mbarek Ould Beyrouk

9 November, 2022 - 00:47

"Je suis seul " est le dernier roman de Beyrouk. Son héros qui n'a jamais, soit dit en passant, voulu faire le héros et dont on ne connaît même pas le prénom fait partie de cette catégorie de personnages candides  issus du petit peuple, qui se sont retrouvés, un beau jour, intimement  impliqués dans le système de domination, forcément, corrompu.
Victime de son ascension sociale inattendue laquelle est, au demeurant, de nature à attirer  la jalousie des envieux, l'anti-héros, auteur des  remarquables pamphlets anti-islamistes, se retrouva, un mauvais jour, eh oui il y a des jours comme ça !, coincé dans une ville innommée de la province que des groupes terroristes venaient, tout juste, d'occuper.
Il s'en suivit un scénario qui, à l'instar de  celui du célèbre film "Garde à vue " de Claude Miller avec Lino Ventura, Michel Serrault et Romy Schneider, s'est joué dans une pièce fermée.
Mais contrairement aux acteurs de "garde à vue " ceux de "je suis seul " sont, y compris l'acteur principal,  tout sauf des célébrités. En effet, à en croire le soliloque livré par le narrateur dans son cachot, nous avons, plutôt, affaire à des illustres inconnus.
je crois, d'ailleurs, comprendre que la lecture du roman donne , du début jusqu'à la fin, l'impression que l'auteur cherche, par le récit  d'un événement du présent qui se déroule dans un lieu de nulle part,  à confiner ses  modestes personnages dans un stricte  anonymat .
Ce faisant, il voulait, peut-être, faire de la place pour l'illustre personnage  de Nacer Dine dont le nom  évoque, à lui seul, une célèbre page de l'histoire de la Mauritanie. Je crois même savoir, à ce  sujet, que Beyrouk vise à réaliser un vieux projet qui lui tenait à cœur et qui consiste à écrire  par le roman  l'histoire, bien gardée au secret, des marabouts.
À cette fin, il semble que l'auteur qui, dans son inaugural  "et le ciel oublia de pleuvoir " avait dévoilé la face cachée des esclaves et qui n'a  pas manqué de décrire dans "le griot de l'émir " ainsi que dans  "le tambour des larmes’’, le style des indomptables guerriers et  celui de leurs redoutables griots, a trouvé dans la figure  d'un illuminé du moyen âge qui avait déclenché une guerre, quelque part, obscurantiste, et à coup sûr, obscure, matière à inspiration.
Mais en convoquant Nacer Dine en qualité de lointain  aïeul de son anti-héros, l'auteur donne, également,  l'impression de vouloir expliquer l'instrumentalisation de la religion par les fanatiques qui en veulent, à présent,  à son narrateur.
En fait, les marabouts  en tant que gardiens des voies impénétrables du Seigneur, dans la société traditionnelle, sont , eux-mêmes, difficilement, pénétrables, même, de l'intérieur et  je ne pense pas que les extraits du texte Amr Al Oualy Nacer Eddine, bien exploités dans le roman, renseignent , suffisamment , sur les zwayas (les marabouts vus en  tant qu'ensemble structuré ) ;  lesquels sont, d'après un adage bien connu, réputés être d'une grande profondeur .
Cela dit le roman riche en réflexions et en méditations exorcice, surtout dans son dénouement, la peur inspirée par les "islamistes ", ces nouveaux "  marabouts"  qui ont bravé l'interdiction faite aux marabouts de porter les armes.
Mais, au fait, doit-on avoir peur des marabouts ?  Ce n'est pas mon ami Beyrouk qui répondra à cette question.
AKM