Comme tous les milliards d’habitants de la planète, nous nous nourrissons tous chaque jour afin de répondre à nos besoins de nutrition. Durant mon cour séjour au quartier « Robinet 1 » à Nouadhibou, j’ai rencontré une restauratrice répondant au doux nom de Mariam. Cette mauritanienne d’une trentaine d’années maîtrise la langue wolof comme une sénégalaise et cuisine quotidiennement de succulents repas. Situé à un important carrefour de la ville, son restaurant se voit bondé de clients en longueur de journée. On y trouve des sandwichs-poulet, du riz au poisson et un menu qui diffère tous les jours afin de maintenir sa clientèle de base.
Un dimanche matin, nous discutions longuement et je lui posai la question de savoir qui sont ces jeunes hommes assis chaque jour en grand nombre sur le trottoir en face de son restaurant. Plantés là de l’aube au coucher du soleil, ils discutent sans cesse dans le tumultueux brouhaha. Mariam me fait alors comprendre qu’ils sont de toutes nationalités mais en majorité maliens, poussés à émigrer par la crise qui perdure dans leur pays. En tout cas, tous des travailleurs de fortune en l’attente d’un quelconque boulot afin de subvenir à leurs besoins quotidiens. Les chefs de chantier de bâtiment ou autre particulier en quête de manœuvre débarquent selon leurs nécessités en main d’œuvre quotidienne, hebdomadaire, mensuelle ou plus durablement encore. Les candidats à l’embauche se précipitent et rivalisent furieusement pour grimper dans le moindre pick-up qui se gare auprès d’eux. Bouleversant spectacle. Aucun entretien d’embauche, aucune sélection, aucune négociation des termes et conditions de travail et voilà le pick-up en route vers une destination parfaitement inconnue de ces passagers impromptus.
Cambriolages
Ce secteur informel d’emploi pour les migrants africains réunit également de nombreux jeunes hommes – mais aucune femme… –en bottes et tenue de pêche à longueur de journée, du lundi au dimanche, en l’espoir que les maigres salaires durement acquis leur permettront d’assouvir leur ambition d’immigration clandestine. Mariam me fait comprendre que nombreux sont les ressortissants du Sénégal et d’autres pays dénoncés aux autorités locales par de tout aussi migrants qu’eux, arguant de pratiques illégales que ceux-là emploieraient pour franchir les frontières ouest-africaines. Aucune solidarité donc ? Mariam et son mari se méfient eux-mêmes de tous ces frères africains qui, dos contre le mur, sont prêts à tout pour dépasser le seuil de la pauvreté et connaître enfin de meilleurs lendemains. Son restaurant, me confie-t-elle, aurait même été victime de plusieurs cambriolages ces dernières années.
Perplexe, je pose à ma collègue la question suivante : « Cette quarantaine de jeunes migrants assis sur les trottoirs de part et d’autre de l’avenue bondée d’automobiles savent-ils jouer à des jeux vidéo ?– Certainement », me répond-elle. Je lui propose alors de prendre les dispositions nécessaires pour les recruter, comme les chefs de chantier et autres pêcheurs, mais, nous, dans la nouvelle et florissante industrie des jeux vidéo en ligne qui brasse des milliards de dollars. Nous en discutons passionnément tous les deux et percevons bientôt deux obstacles majeurs à cette idée. En un, ceux qui les emploient actuellement ne nous feront-ils pas la guerre, en constatant le détournement de leurs travailleurs dans un secteur formel mieux réglementé et mieux rémunéré ? En deux, les compétences en informatique des migrants sont-elles à la hauteur des attentes de l’industrie des jeux vidéo ?
La réponse se trouve à quelques centaines de kilomètres de la Mauritanie, au « pays de la Teranga ». L’équipe sénégalaise de e-sport est depuis deux années consécutives championne d’Afrique en FIFA 22 et participera aux championnats du Monde de la catégorie à Bali (Indonésie)en Décembre prochain. Le gouvernement sénégalais a monté cette équipe grâce à un financement de la Coopération française. En conséquence, le Sénégal compte à ce jour plus de vingt-cinq mille joueurs professionnels en e-sport. L’État islamique de la Mauritanie verra-t-il ceci comme une opportunité à dupliquer ou choisira-t-il plutôt de classer cette activité parmi les jeux de hasard?
Les organismes internationaux qui cherchent à tacler le fléau cancérigène des migrations clandestines tout en assistant ceux qui en sont les premières victimes – les migrants eux-mêmes – sont de plus en plus sous pression. Les citoyens de l’Union Européenne ne cessent de débattre, via leurs parlementaires, de la dévolution de l’argent du contribuable à de parfaits étrangers sur des côtes lointaines. La crise s’accentue cependant de jour en jour et l’intégration se fait de moins en moins. À quand le renversement de la situation? À qui de prendre l’initiative, alors que, chaque jour, des vies se perdent en mer ?
Mussa Sallah