Alors que les partis politiques débattent, non sans peine, de la composition de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), celui du pouvoir – parti dit de « l’équité » – enclenche une série de manifestations à Nouakchott et à l’intérieur du pays. Une sorte de démarrage avant l’heure de la campagne électorale des élections municipales, législatives et régionales, en principe prévue vers Février 2023. Le thème des présentes rencontres tourne autour des « grandes réalisations du président de la République, Mohamed Cheikh El Ghazwani ». C’est d’ailleurs dans ce cadre que ce dernier a entrepris, jeudi dernier, de visiter certains de ses chantiers dans les wilayas de Nouakchott-Sud et Nouakchott-Nord. Objectif officiel : « s’enquérir de l’état d’avancement des travaux. » Notamment la construction d’un complexe commercial (waqf) à Arafat, en face de la foire, d’un coût de dix millions de dollars financés par la BID et l’aménagement de la zone 22 à Toujounine, d’une superficie de 453 hectares divisés en 13 499 parcelles habitables.
Certains ne comprennent pas pourquoi le Président ne s’est pas rendu sur les chantiers des échangeurs d’Arafat et de Hay Sakin dont les travaux traînent. L’entreprise chargée d’exécuter le second a été révoquée il y a quelques mois. D’autres chantiers, notamment celui du tronçon Boutilimit-Aleg, très crucial, long de cent kilomètres et entamé fin 2019, n’est toujours pas achevé mais les sociétés chargées de le mettre en œuvre ce tronçon n’ont, elles, pas été dessaisies, encore moins sanctionnées. La difficulté du pays à absorber les nombreux financements qu’il acquiert demeure donc une quadrature du cercle pour le gouvernement. Alors que les immeubles, châteaux et palais de nos responsables continuent à pousser comme des champignons. De luxueuses voitures dernier cri pavanent dans nos rues et parcs du côté de Tevragh Zeïna, tandis que la pauvreté s’accentue dans les grands bourgs comme Sebkha, El Mina, Arafat, Dar Naïm, Riyad et Toujounine, ainsi qu’à l’intérieur du pays. De toute évidence, nos « responsables » ont su éviter les pièges de la lutte contre la « gabegie », un terme en train de disparaître de notre langage quotidien, alors qu’elle sévit toujours !
Dans la foulée, on assiste à une compétition en matière de manifestation et d’« initiative ». Devant la grogne de certains parents d’élèves suite à la décision du gouvernement de supprimer la première année fondamentale dans les écoles privées, ceux du parti INSAF se voient ainsi priés d’assister à une « grande marche » en faveur de l’école républicaine et de ses « acquis » dont d’aucuns s’interrogent, tout de même, de la réalité sur le terrain, trois semaines à peine après la rentrée scolaire. Le président de l’INSAF a supervisé, il y a peu, un meeting des jeunes de son parti venus remercier le président de la République pour l’institution d’une liste nationale de la jeunesse. Ce n’était donc pas un droit ? Bref[p1] , magnifications des réalisations présidentielles, école républicaine et promotion de la jeunesse, on aura compris les grandes lignes de la stratégie de l’INSAF.
Une réponse à MOAA
Ces différentes sorties interviennent quelques jours après les critiques formulées par l’ex-président Ould Abdel Aziz qui affirmait, depuis l’Europe, que trois années après son départ du pouvoir, rien n’a été fait par son successeur. Ces manifestations constituent comme une réponse à celui qui se considère désormais comme le seul opposant au pouvoir en place dont le silence, face aux attaques de « l’ami de quarante ans », agace et interroge les Mauritaniens. Le pouvoir semble désormais déterminer à rendre indirectement des coups, tout en prenant soin de ne pas faire de MOAA son principal adversaire. Au final, des mobilisations en guise de ballons d’essai – voire tremplin – pour dérouler les thèmes de campagne du parti INSAF…
DL
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Encadré 1
Préparation des élections locales : L’INSAF publie la liste de ses coordinations
L’INSAF a publié, le 30 Octobre, la liste de ses coordinations interrégionales, régionales, départementales et de diverses cellules spécifiques. Le moins qu’on puisse dire est que le parti du pouvoir s’est livré à de notables acrobaties pour doser cette longue liste. Elle est marquée par le retour de grosses pointures de la décennie de l’ex-Président, dont certains des plus décriés et accusés par la Commission d’enquête parlementaire de détournements de deniers publics. Ils cohabitent avec quelques cadres peu connus, femmes et jeunes. Ministres et directeurs sont missionnés pour « influencer le choix des électeurs » et donc peser sur le résultat des élections. On se rappelle que lors des dernières élections locales, beaucoup de ministres très puissants s’étaient cassé les dents à El Mina et plus encore à Arafat où ils usèrent en vain de tous les moyens pour arracher la victoire.
Les cinq coordinations sont chapeautées par une commission centrale présidée par le président du parti, Ould Eyih. Elles sont ainsi réparties : coordination de l’Est (les deux Hodhs), présidée par Mohamed Yahya ould Horma, vice-président de l’INSAF ;du Centre et du Nord (Assaba, Tagant et Adrar),présidée par Sid’Ahmed ould Mohamed, ministre de l’Urbanisme et de l’habitat ; de la Vallée (Trarza, Brakna, Gorgol et Guidimakha) coiffée par Yahya ould Wagf, vice-président du parti et ministre de l’Agriculture ;des wilayas minières (Tiris Zemmour, Dakhlet Nouadhibou et Inchiri), présidée par Bâ Ousmane, membre du bureau exécutif du parti et président de la Commission nationale de l’Éducation ; et enfin de Nouakchott, confiée à l’ancien ministre des Finances, Moctar ould N’Jay. Dix cellules spécifiques – notamment celles des femmes, de la jeunesse, de la redynamisation des structures du parti, du discours politique et de la communication – ont été également mises en place. Cette structuration intervient alors que les acteurs politiques peinent à s'entendre sur la composition de la CENI.
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Encadré 2
La Présidence de la République annonce que,
- L'aboutissement de l'accord politique issu de la concertation entre le gouvernement et les partis politiques le 26 septembre 2022,
- Et après avoir pris connaissance du communiqué de la Commission électorale nationale indépendante rendu le 3 octobre 2022,
- Et sur la base des propositions de la majorité et de l'opposition au 31 octobre 2022,
- En application des dispositions de la loi n° 2012-027 du 12 avril 2012 modifiée portant création de la Commission électorale nationale indépendante, notamment en son article sixième (nouveau).
- En application des dispositions de l'article 4 du décret n° 055-2018 du 28 mars 2018, précisant les modalités de nomination des membres de la Commission électorale nationale indépendante,
Les hommes et femmes suivants ont été nommés membres de la Commission électorale nationale indépendante :
1) Abbeu Embari
2) Dah Ould Abdel Jelil
3) Boubacar Soule
4) Bab Ould Boumeis
5) Bilal Werzeg
6) Dienaba Tandia
7) Coumba Sy
8) Lemine Mohammed Bouye Momme
9) Mohamed El Amin Ould Dahi
10) Muhammad Mokhtar Melil
11) Moulay Ould Ibrahim