Clé de voûte de tout processus électoral, le fichier électoral est un registre national qui renferme un certain nombre d’informations relatives à la population en âge de voter, en vue de sa participation à une élection donnée. Les listes électorales utilisées le jour du vote, sont extraites de cette matrice de données dont l’exhaustivité et l’inclusivité devraient être un souci majeur pour tous les acteurs politiques avertis et en particulier pour tous les candidats qui veulent briguer le suffrage de leurs concitoyens .
Dans notre pays, la réalisation d’un tel fichier doit être le fruit d’une collaboration étroite et permanente entre la Direction Générale des Services d’Appui au Processus Electoral qui en est le maitre d’œuvre au terme de la loi organique 2012-27du 12 avril 2012et plusieurs autres institutions gouvernementales, dont l’articulation des différentes données qu’elles détiennent concourent à la confection de ce registre: il s’agit notamment de l’Office National des Statistiques, de l’Agence Nationale du Registre des populations et des Titres Sécurisés et des Municipalités.
Hélas, depuis sa proclamation à nos jours, cette loi organique 2012-27 du 12 avril 2012 a été régulièrement transgressée en ses articles 2 et 3, notamment en ce qui concerne les attributions respectives dévolues à la Direction Générale des Services d’Appui au Processus Electoral (DGAPE) et à la Commission Electorale Nationale Indépendante.
Urgence et précipitation
La première, dont c’est la mission principale, ayant été arbitrairement dessaisie de ce rôle au profit de la seconde qui ne dispose pas des outils nécessaires pour le mener à bien, aucun fichier électoral digne de ce nom n’a été réalisé depuis les élections de 2013.Depuis lors , c’est à chaque fois, dans l’urgence et souvent dans la précipitation, que cette CENI n’a eu d’autre choix que de recourir à l’organisation d’un simple Recensement Administratif à Vocation Electorale (RAVEL),au demeurant aléatoire, pour établir des listes qui ne peuvent être, dans ces conditions, ni exhaustives ni suffisamment inclusives.
Comment en est-on arrivé à cette situation ubuesque, pourrait-on se demander légitimement ?
Comme je l’ai déjà signalé plus haut, ce dysfonctionnement électoral très grave, qui frise l’aberration, procède d’une décision autoritaire, prise en 2012, lorsque, pour ne rien refuser à son opposition ‘’responsable’’ ou ‘’compatible’’, le chef de l’Etat de l’époque avait, sur demande insistante des leaders de cette opposition, accordé le transfert à la nouvelle institution indépendante, des prérogatives de la Direction Générale des Services d’Appui au Processus Electoral (DGAPE ) en matière de confection du fichier électoral.
Sur le terrain, cette décision, dont aucun responsable de parti politique ni aucun candidat à des élections ne semble s’être rendu compte de l’ampleur des conséquences négatives, a eu pour effet d’occulter systématiquement plus d’un million d’électeurs potentiels.
L’on se souvient en effet, que sur une population totale de plus de 4 000 000 d’habitants dont plus de 2 500 000 en âge de voter, le nombre d’électeurs inscrits aux dernières élections législatives et municipales de 2018 était de 1 417 823.
Cette exclusion massive et structurelle de la quasi-moitié de notre électorat national perdurera aussi longtemps que ce pseudo fichier électoral sera établi sur la seule base d’un RAVEL auquel on ne devrait recourir que dans une situation d’urgence exceptionnelle.
Cheikh Sid’Ahmed Ould Babamine