Le mandat, c’est quoi ? Ça dépend, comme on dit. Mandat politique, mandat littéraire ou mandat économique ? Le mandat de Sembène Ousmane ou celui d’Ould Raïss ? Ou, peut-être même, des mandats postaux, sonnants et trébuchants, que les anciens engagés militaires de la métropole, les fonctionnaires coloniaux ou les « ndaga francia » envoient à leurs parents restés au village ? Tout ça, ce sont des mandats. Ça peut même être un mandat d’arrêt ou un mandat de dépôt. Tout ça existe. Un mandat peut être d’argent, strapontin moelleux, livre, tout simplement, ou document pour la prison. Un mandat peut raccourcir. Sidi ould Cheikh Abdallahi, Kane Ousmane, Seyid ould Ghaylani, Sid ‘Ahmed ould Raiss en savent quelque chose. Un mandat peut s’allonger. Mohamed ould Abdel Aziz, les maires, les députés élus en 2007 en savent quelque chose. Les sénateurs aussi. Un mandat peut manger. Un mandat peut envoyer en prison. Un mandat peut même dormir et attendre de se réveiller, on ne sait comment. Et puis, tant qu’il n’est pas fini, un mandat n’est jamais fini. Il est dans la tête. Il dépend de la conjoncture. Des rapports du moment. Avec les groupes, les individus, les partenaires. On dit que l’argent avilit la religion. Les rapports avec sont très complexes. Bizarres même. L’argent, c’est pas facile à donner. Il n’y a que ceux qui n’en ont pas qui pensent comme ça. Pas facile à gagner, pas facile à donner. C’est normal. Les bosseurs, les grands, ceux qui ont peiné pour en avoir, ceux-là, leurs os sont incassables. Ils connaissent l’argent. Cette histoire mauritanienne selon laquelle untel a vécu dans le bien et un autre, je suppose, dans le mal ne tient pas. Ou qu’« el weyl » (littéralement : l’extrême pauvreté) ferait mieux de tuer celui qu’elle a pris plutôt que de le relâcher. Ça ne vaut que pour ceux qui prennent la peine de l’écouter. Paradoxalement, on peut être prodigue et avare à la fois. Comment, dites-vous ? Fortement cupide, avec son propre argent, et extrêmement dépensier, avec celui des autres. Généreux par ci et avaricieux par là. Nos largesses ont même dépassé nos frontières. Exactement comme nos savoirs, nos sciences, nos connaissances. Quel paradoxe ! Alors que nous prétendons avoir propagé l’islam et ses vertus jusqu’aux confins de je ne sais où, des centaines de milliers des citoyens ne savent pas jusqu’au moindre savoir, au point de prier encore avec « Je me suis levé avec Allah et assis avec Lui ». On pouvait ne pas aller loin, pour aider à soulager les souffrances ou soigner les maladies. C’est à vol d’oiseau, la misère, la maladie et la désolation. Juste à quelques encablures de la Présidence, des ministères, du Commissariat des droits de l’homme et de l’action humanitaire. Le budget se mange chaque année. Complètement. Pas de restes. Pas de victuailles. Chaque ministère, chaque société, chaque établissement mange son plat. Rien ne tombe. C’est impossible. Ils doivent être bien éduqués, ces convives-là. Pour la sauce, ils prennent le « mbourou lehtab » (pain cuit dans un four traditionnel), afin que rien ne tombe. Avec le « mbourou courah » (pain moderne), ça ne marcherait pas. Et l’on relave les ustensiles pour l’année 2015 ! Sans obligation de résultats. Sans redevabilité à quiconque. Sans compte-rendu. Pourtant, la liquidation de tous les budgets doit se justifier. Et pas que sur papier. Ses impacts doivent se ressentir sur le terrain de l’éducation, de la santé, de la sécurité, des droits de l’homme, de la lutte contre les pratiques ou séquelles de l’esclavage, de l’accès aux services de base, l’aménagement urbain, l’assainissement. Sur la terre, dans les airs et au ciel. Claquer un budget, c’est pas un exploit. L’argent est mangeable. Il est même délicieux. Surtout quand les yeux ne sont pas dans le derrière. Et qu’on sache faire les « bonnes » choses au bon moment. Vivement le budget de 2015 ! A vos plats, pour le partage de plus de cinq cent milliards d’ouguiyas ! Bon appétit. Attention à l’indigestion. Attention à l’intoxication collective. Salut.
Il y a quelques semaines, un ancien fonctionnaire devenu conservateur de bibliothèque, Ahmed Mahmoud ould Mohamed, dit Gmal, publiait sur Facebook un post au titre évocateur : « La mémoire en décharge : quand les archives nationales finissent dans les ruelles de Nouakchott ».