8h passées, les premiers patients venus dans l’espoir de recouvrer la vue continuent de débouler de partout, taxis et voitures privées ne cessant de les déposer devant l’établissement de bienfaisance. Comme toujours très matinal, le gestionnaire de l’hôpital, monsieur Dahane – Moustapha pour les intimes et le personnel –se tient devant la grande porte d’entrée pour s’enquérir du lancement des activités en cette matinée du 26 Septembre. Trois jours après le retour des vacances d’un mois du personnel de l’établissement, la « vitesse de croisière »est déjà atteinte. Les patients affluent de tous les coins de la ville. L’homme qui dirige cet établissement depuis 2004 joue parfois le rôle d’agent d’accueil et d’orientation. Il est régulièrement interpelé par les patients dont le flot ne cesse de gonfler. Après les salamalecs d’usage, l’homme nous mène dans la grande salle des consultations à gauche de l’entrée principale ; tous les bancs sont occupés par des patients, qui pour une consultation, qui pour un contrôle. « Exceptés les nouveaux, tous les noms des malades sont consignés dans un logiciel spécial », renseigne Dahane. Ali, un des agents de l’établissement, procède à l’appel des patients, avant de les orienter vers l’une des deux salles d’examens, dotées chacune de cinq box. Plusieurs examinateurs ont déjà entamé les consultations, les agents de l’établissement dirigent le fil de patients vers les divers spécialistes dont le responsable du secteur médical, le professeur Hamahoullah Sid’Elémine. Plus de cent consultations par jour sont ainsi pratiquées. De l’autre côté, c’est la porte des patients venus pour faire contrôler leur opération de la veille.
Après consultation, les patients peuvent être orientés, suivant leur cas et pathologie, vers le service chirurgical ou vers le service «correction » ; c'est-à-dire les deux opticiens-lunettiers spécialistes des verres correcteurs ; ou encore vers l’imagerie médicale (échographie) pour une investigation plus poussée. Non loin de là, les agents chargés du contrôle des patients déjà opérés et de ceux qui s’apprêtent à l’être sont à l’œuvre…
Des centaines d’actes gratuits par jour
Dans le grand couloir menant vers le service administration, un chariot transporte un patient vers le bloc opératoire juste à gauche. Conducteur et alité arborent une même blouse bleu clair. De l’autre côté, six malades attendent leur tour dans une salle. Venu de la banlieue de Nouakchott, Ahmed explique qu’il s’est rendu à l’hôpital Bouamatou pour y bénéficier d’une prise en charge appropriée : « je n’ai pas les moyens de payer un tel acte dans les services des établissements publics ou privés ». Venu quant à lui des environs d’Atar, Sidi abonde dans le même sens et tous disent prier pour qu’Allah récompense les efforts du fondateur de cet établissement dédié au départ aux indigents mais qui a fini, à l’arrivée, par profiter à toutes les catégories de citoyens mauritaniens mais également des pays voisins.
Rencontrée à la porte d’entrée, voici Moussa, bâton à la main, l’autre tenue par sa fille : c’est sa première à l’hôpital Bouamatou dont il a eu vent par des connaissances qui y ont recouvré la vue ; sa fille le conduit vers la grande porte des consultations. Dans la salle mitoyenne des patients en attente d’opération se trouve la pharmacie de l’hôpital. Sur place, ses responsables échangent sur la commande du jour qu’une employée est venue chercher ; les différents produits sont rangés soigneusement sur le chariot qu’elle s’apprête à conduire vers le bloc opératoire. Là-bas, deux chirurgiens et cinq médecins pratiquent vingt-cinq interventions par jour. Non seulement au profit des indigents, principales cibles de l’hôpital, mais également d’autres catégories de citoyens.
Ici les actes sont tous gratuits. Depuis 2001, on y traite les maladies les plus courantes de l’œil : cataracte, corps flottants, décollement de la rétine, herpès oculaire, etc. Pour prendre en charge la foule des patients et de leurs accompagnateurs, l’hôpital Bouamatou emploie une soixantaine de personnes.
Souvenir du COVID
Le COVID avait conduit les responsables de l’hôpital à fermer ses services pendant presque deux ans. Conséquence, des milliers de patients se sont retrouvés comme pris dans la tourmente de la pandémie. Les rendez-vous, les consultations et les actes chirurgicaux ont tous été annulés, ce qui a impacté négativement sur la vie des malades dépourvus de moyens pour être pris en charge par une structure payante. Quasiment deux ans de restriction, durant lesquels le personnel a cependant continué à bénéficier de son traitement mensuel, soutien on ne peut plus remarquable aux employés et à leurs familles en cette période de rareté des ressources dans le monde. Aujourd’hui, la fin des vacances est un vrai ouf de soulagement pour tous ceux et celles qui attendaient en silence, parfois dans le noir, la consultation ou l’opération chirurgicale qui lui rendrait enfin la vue.
Dalay Lam