Pluies et inondations : INSAF déblaie le terrain

8 September, 2022 - 00:45

La pluie et les inondations, à l’intérieur du pays puis à Nouakchott, ont fait sortir le parti INSAF de son silence légendaire. Après la visite du président de la République au chevet des sinistrés de Kaédi, Mélaïnine Eyih, le président dudit parti, a chaussé à son tour les bottes pour aller à la rencontre des populations en souffrance. On l’a vu discuter sur plusieurs sites, promettre des solutions rapidement efficaces de la part du gouvernement et apporter un peu d’aide à ces victimes dont certaines ont dû quitter leur maison ou sont carrément obligés de vivre les pieds dans l’eau. Des missions du parti ont été dépêchées, à Kaédi par exemple, pour distribuer kits alimentaires, tentes et couvertures…Le tout relayé à grands coups de pub par les organes publics de communication. On assiste comme à une campagne médiatique. En somme, une opération de charme. Voilà que le parti du pouvoir vient de se souvenir qu’il compte des militants et des compatriotes…dont il ne se rappelle de l’existence qu’à l’approche d’élections.

 

Une opération de charme

Cette opération de charme vient en droite ligne de celle engagée après la célébration, le 1er Août, du troisième anniversaire de l’investiture du président Ghazwani. L’évènement sonnait la mobilisation du gouvernement et de l’INSAF pour vendre aux citoyens les œuvres de leur mentor. Meetings, sorties de ministres et de responsables de Taazour, débats télévisés et radiophoniques rabâchant lesdites réalisations, encensant Taahoudaty, etc. La campagne des prochaines élections municipales, régionales et législatives de 2023 semble bel et bien déjà lancée. On dirait que le parti et le gouvernement n’attendaient que cette fort peu reluisante occasion pour s’y engager. Mais ne devrais-je dire plutôt« reprendre la main » ?

Car depuis que le pouvoir a suspendu le processus de dialogue et décidé d’augmenter le carburant, accentuant ainsi la hausse des prix des denrées alimentaires et du transport, le gouvernement paraît enlisé dans les contradictions. L’espoir suscité par l’élection du président Ghazwani a capoté. Le changement promis n’en finit plus de se faire attendre. L’imperturbabilité du système et le recyclage des anciens pontes d’Ould Abdel Aziz – y compris les plus décriés – a largement déçu. Voilà probablement pourquoi le public du stade Cheikh Boïdiya a hué le président Ghazwani venu assister à la finale de la Coupe nationale de football. Mais pourquoi ses conseillers et les forces de sécurité n’ont-ils pas vu venir le danger ? Elle était pourtant prévisible, cette grogne, trois jours à peine après la décision du gouvernement d’augmenter le prix du gasoil à la pompe, renchérissant illico le tarif des transports. Le tout dans un contexte marqué par la hausse continue des produits vitaux. Le coup de gueule du public traduisait un vrai ras-le-bol des citoyens.

Aujourd’hui, la lutte contre les inondations, les visites de terrain, les reportages radios et télévisés entendent contenir le malaise général, à quelques mois des échéances électorales. Relance de la si peu féconde campagne qui prêchait, il y a quelques mois à peine, « une administration proche au service du citoyen » ? Celle-ci reste en tout cas très loin des citoyens qui doivent se réveiller tôt le matin pour faire la queue devant les marchands de poissons ou les boutiques dites EMEL, user leur patience à tenter de régler un problème de terrain ou d’état-civil auprès des services concernés. Les autorités administratives montent tard et font peu de cas des gens… sauf si le dossier derrière lequel ceux-ci courent peut générer quelques petites commissions.

Le problème, c’est que les aides que nos politiciens apportent aux citoyens ne suffisent pas à les soulager. Les récriminations des quartiers ne cessent d’alimenter la Toile. Une polémique fuse notamment à Dar Naïm, un quartier fortement affecté par les inondations. Les autorités parlent de centaines de familles touchées, une ONG s’alarme du sort de nombreuses familles parquées dans des écoles. Les aides seraient sélectives, enfle la rumeur, comme avec le COVID19. Taazour est sur le fil du rasoir. Et le malheur des gens est enregistré par les caméras, puisque nos responsables tiennent à se faire filmer même s’ils ne donnent qu’une boite de lait ou autre babiole. Des gestes qui frisent le mépris, serait-on tenté de croire.

 

Reconstruire lNSAF

Pour donc mieux aborder les prochaines élections municipales, législatives et régionales, l’INSAF entame sa mue. Son nouveau président a mis en place un comité de plusieurs membres chargé de réfléchir et proposer des mesures pour sortir le parti de sa léthargie et, partant, en faire une véritable machine électorale. Un gros challenge dans la mesure où ce parti ne rassemble pas que des militants convaincus et déterminés : il compte en effet beaucoup d’arrivistes, opportunistes et autres laudateurs. On y adhère pour avoir ou conserver un poste, voire bénéficier d’une certaine impunité. Voilà pourquoi le parti du pouvoir n’a jamais réussi à se positionner en tant que force homogène et étale ses divergences à chaque élection. Pour leur promotion, ses cadres recourent plus aux généraux qu’à la direction de leur parti.

Toujours est-il que le comité doit mettre en place une feuille de route. Il comprend près de trente membres dont des vice- présidents, des membres du Bureau exécutif et du Conseil national, ainsi que des cadres. On y remarque également plusieurs figures emblématiques du régime d’Ould Abdel Aziz. Tout ceci amène une question :le président Ould Eyih arrivera-t-il à prendre les rênes de « son » parti ? Pour bien se consacrer à sa mission, il lui faudrait être déchargé de sa tâche de ministre de l’Éducation nationale, une autre grosse machine : on ne peut pas courir derrière deux lièvres à la fois. Le plus tôt sera le mieux. On se rappelle que depuis le fameux congrès de la « référence », fin Décembre 2019, qui consacra l’allégeance de l’UPR au nouveau président Ghazwani, l’UPR n’a pas réussi à porter ses recommandations à sa base, il lui a fallu reporter à plusieurs reprises ses missions à l’intérieur du pays. Changer de nom ne suffit pas à changer d’allure…

 

Opposition silencieuse

Pendant que le gouvernement et son parti balisent le terrain vers les prochaines élections, l’opposition s’enlise quant à elle dans le silence où elle s’est enfermée depuis le départ d’Ould Abdel Aziz du pouvoir en Août 2019. La main tendue du président Ghazwani et le trop long état de grâce qu’elle lui a accordé ont fini de la cantonner dans sa descente aux enfers. L’impossibilité pour elle d’imposer un rapport de force en sa faveur, ses divisions – surtout quand il a fallu s’engager dans le processus de dialogue interrompu unilatéralement par le pouvoir – et sa précipitation à répondre à l’invitation du ministre de l’Intérieur pour, dit-on, préparer les prochaines élections risquent de liquider ce qu’il en reste. Elle court vers sa perte si elle ne réussit pas à se reprendre. Le cas du Sénégal devrait lui servir de leçon pour sauver les meubles… s’il en reste.

 

                                            Dalay Lam