INSAF, principal parti de la majorité présidentielle, a célébré dans la ferveur, vendredi passé, le 3ème anniversaire de l’investiture de l’actuel président de la République Mohamed ould Ghazwani. Belle occasion, pour l’héritier de l’UPR, de magnifier les grandes réalisations de son président. Et de se livrer à une compétition effrénée du plus joli boubou, sublime melahfa et m’as-tu vu en veux-tu en voilà, relayée par moult media sociaux et sites électroniques, pour ce bilan d’étape à moins d’une année des premières élections municipales, législatives et régionales sous le magistère du marabout-président.
Cette célébration intervient aussi dans un contexte particulier pour le gouvernement. La majorité des Mauritaniens tirent en effet le diable par la queue et ont dû assister, hébétés, à l’augmentation de 30¨% du prix du gasoil à la pompe, avec pour conséquence une hausse, non seulement du tarif des transports urbains et interurbains mais aussi des produits de première nécessité, déjà tirés vers le haut depuis surtout cette fameuse COVID19, prétexte pour les gouvernements et les hommes d’affaires à faire valser les étiquettes. À ce propos, l’INSAF est sorti de son silence pour apporter son soutien à la décision du gouvernement, après le coup de gueule de plusieurs partis de l’opposition. Les ministres et autres responsables ont tenté de justifier l’augmentation du gasoil par le coût de la subvention de ces produits liquéfiés et les imprévus que le budget n’avait pas pris en compte. Mais ne dit-on pas que gouverner, c’est prévoir ?
Le palais des Congrès qui abritait la cérémonie a vu courir les responsables des partis de la majorité présidentielle qui ont rivalisé en couleurs. Chacun cherchait l’attention du nouveau président d’INSAF et l’œil des caméras, sur fond de musique et chants vantant les réalisations de Taahoudaty. Un vrai festival d’exhibitionnisme pour beaucoup de momies qui n’entendent pas se faire oublier. À l’instar des recyclés, ils attendent leur retour aux affaires. Les comportements nés du PRDS et de l’UPR ne sont hélas pas morts ! Que d’opportunisme sous nos cieux, particulièrement celui de Nouakchott qui refuse de laisser tomber la pluie, tandis que ses consœurs de Dakar, d’Abidjan ont des pieds dans l’eau !
Ce spectacle auquel on a assisté ce vendredi au Palais des congrès marque comme une rupture entre les Nouakchottois. Les nantis, opportunistes et autres laudateurs ont accouru, ceux qui se préoccupent du quotidien sont restés chez eux. Telle est la fracture de Nouakchott : d’un côté, ceux qui n’arrêtent de s’enrichir, formant oligarchie ; de l’autre, les damnés de la République, grossissant la masse du peuple...
Pour certains observateurs, la démonstration de vendredi dernier est venue comme pour effacer l’incident, pour ne pas dire l’affront, que le Raïs a subi au stade de la Capitale mais également l’annulation, à la dernière minute, des visites présidentielles au Gorgol et en Assaba. Pour l’INSAF et ses satellites, il fallait vite gommer ces taches assombrissant le « tableau reluisant », selon eux, du président Ghazwani. Et faire oublier les retards reconnus par le département économique du gouvernement – et par le Raïs lui-même – des projets structurants dont clamait le programme électoral de ce dernier la réalisation prioritaire.
Le show du palais des Congrès visait donc surtout à reprendre la main. Une volonté annoncée, quelques jours plus tôt, par la publication, par le comité stratégique des projets du gouvernement, de l’état d’exécution desdits projets. À l’en croire, plus de 80% de ceux-ci seraient achevés ou « très avancés ». Le sombre tableau est-il ainsi effacé et les pendules remises à l’heure du gouvernement ? Allez poser la question aux banlieusards de Nouakchott et de l’intérieur du pays…
De fait, l’attelage gouvernemental est accusé par beaucoup de Mauritaniens – en nombre croissant depuis trois ans… –d’entretenir « l’incapacité » d’un conséquent quantième de ses membres promu on ne sait comment. Si ce n’est le dosage tribalo-ethnico-régionalo-népotique, règle incontestablement la mieux maîtrisée par nos gouvernants depuis les indépendances. « Excepté trois, tout le reste attend les injonctions du Palais pour agir », renseigne un haut responsable de la galaxie ghazwanienne. Avec ceci d’aggravant que la Mauritanie a enregistré des manifestations à l’intérieur du pays réclamant, ici, l’eau et l’électricité ; contestant, là, la loi portant réforme de l’Éducation…
Un déclic prochain ?
Il faut reconnaître que la tâche de ceux tentant de redorer le blason du gouvernement n’est pas facilitée par un Président peu visible et encore moins loquace. La communication du Palais n’est pas audible. Celle du gouvernement pas davantage, hormis les fameux commentaires post-Conseil des ministres, chaque mercredi. Maigre consolation ! Mais bref : au terme de ces trois années, le président de la République optera-t-il pour un véritable changement dans la gouvernance et le choix des hommes ou se satisfera-t-il toujours de la continuité qu’on lui connaît depuis Août 2019 ? Pour peu qu’elles puissent se dérouler correctement, les élections prochaines pourraient bien lui rappeler qu’il est largement temps d’écouter la fatigue de ses compatriotes…
Dalay Lam