Créé en février 2014, le G5 Sahel est un "cadre institutionnel " de coordination et de coopération en matière de sécurité sur lesquelles se greffe également une politique au développement. C'est la partie visible de l'iceberg. En d'autres termes, le G5 Sahel est un des leviers de la politique géostratégique qui consiste à assurer à la France une présence effective dans la zone sahélo-saharienne:
1/ pour juguler la menace terroriste qui "prend source au Sahel d'abord avant d'atteindre le continent européen",
2/ défendre ses intérêts économique surtout et raffermir son influence dans son pré-carré ouest-africain (Côte d'Ivoire, Cameroun, Sénégal, Togo notamment)
Plusieurs sources rapportent que le sous-sol de la sous-région regorge de minerais, surtout le nord du Mali, celui de la Mauritanie, sans oublier le pétrole du Tchad mais encore l'uranium du Niger, indispensable aux centrales nucléaires françaises, au moment où les énergies fossiles (pétrole et gaz ) russes se font rares.
C/ Le G5 Sahel dans la tourmente
Une enquête sérieuse nous confirme que l'une des causes occasionnelles de l'intervention de la Russie dans les différents théâtres d'opérations a été provoquée par la guerre que l'OTAN a livrée en Libye contre le pouvoir du défunt Khaddafi en 2011. En effet, lorsque Vladimir Poutine a vu une horde de rebelles entrain de torturer à mort le guide de la Révolution Mouamar Khaddafi, il s'est dit que c'en était trop. Après la Serbie dans les Balkans, c'est maintenant la Libye et demain à qui le tour, la Russie ? C'est la cause de trop qui a poussé la Russie de Poutine à intervenir un peu partout comme l'a fait l'OTAN à plus d'un titre. Ainsi, Poutine a compris que pour contrecarrer les occidentaux, il va falloir sortir de son isolationnisme, et que la meilleure défense, c'est l'attaque. C'est alors qu'après la Syrie, la Russie est intervenue en Libye, ensuite au coeur de l'Afrique en Centrafrique et récemment au Mali. L'intervention au Mali a totalement chamboulé le dispositif français Barkhane, une toile d'araignée longtemps échafaudée et préparée des années pour durer. Car l'idée même du G5 Sahel est née de la volonté des deux parties malienne et française dans le but de lutter contre le terrorisme islamiste. La France dans sa volonté d'élargir et d'affermir sa posture géostratégique au Sahel, a fait appel aux pays européens et quelques pays de la sous-région ouest africaine dont la Mauritanie, pour donner une dimension endogène à sa politique. Mais le Mali, déçu des opérations "coups de point " de la force Takouba sur le terrain, a quitté le G5 Sahel en signant des accords de défense cette fois avec la fédération de Russie. Or sans le Mali, le G5 n'a plus de cordon ombilical. Faut-il l'appeler désormais G4 Sahel ?
La Russie a compris que l'élément précurseur de l'OTAN, donc des USA, en Afrique de l'Ouest, c'est le cadre du G5, en le minant de l'intérieur, on le détruit, pour ainsi déstabiliser la politique de défense des occidentaux. Les empêcher de se servir ou de contrôler sans coup férir les ressources énergétiques du sous-sol des pays de la zone sahélo-saharienne que toutes les grandes puissances convoitent. En effet, pour les grandes puissances, l'Afrique est un terrain de lutte d'influence pour leurs intérêts économiques, et la lutte contre le terrorisme n'est juste qu'un écran de fumée, une diversion destinée à détourner l'attention des populations locales.
D/ Quels impacts sur la Mauritanie?
Depuis que feu Moktar ould Daddah a rompu les accords de défense qui liaient la Mauritanie à la France en 1974, la coopération militaire entre les deux pays n'a jamais cessé en réalité. C'est ainsi que lors de la guerre du Sahara en 1976, la France est intervenue à plusieurs reprises au profit de la Mauritanie de par un appui aérien conséquent.
Le G5 Sahel est une institution propice à la Mauritanie par laquelle elle peut, sans grande ingérence de la France dans sa politique de défense, améliorer les capacités structurelles de son armée. En effet, le collège de défense, l'école d'Etat-Major, l'institut des langues etc sont là pour en témoigner. Mais le départ du Mali du G5 change la donne. Les Russes sont désormais à nos portes. Il ne faut pas que la rivalité stratégique entre Moscou et Paris nuisse à nos intérêts. La Mauritanie doit être vigilante en évitant d'être entraînée dans ce jeu d'alliance entre la Russie et son allié le Mali d'une part et la France dont l'influence est encore de mise à Niamey ou Ndjiamena. Autrement l'hostilité de la France à l'égard de la Russie par Mauritanie interposée est à éviter.
La Mauritanie doit rester au G5 Sahel tant qu'elle bénéficie du statut de "nation privilégiée" car c'est la 2ème Armée après celle du Tchad. Nous avons tout à y gagner. Mais il y a un fait à prendre en considération, c'est la rivalité géostratégique entre l'Occident et la Russie dans la zone sahélo-saharienne, et qui risque de durer suite à l'invasion de l'Ukraine. Il ne faut pas que la Mauritanie serve de tremplin pour la France à vouloir punir le Mali ou surtout à humilier la Russie de Poutine. Cette possibilité, qui s'avère être un vœu secret de Paris, s'invite désormais à la nouvelle donne géopolitique sous-régionale. Je ne doute pas que nos décideurs politiques dont certains sont d'anciens généraux d'Armée, puissent éviter le piège digne du siège de Troie et qui peut nuire surtout à nos intérêts stratégiques dans la sous-région./.
Ely Sidahmed KROMBELE