Quelque 4 800 admis pour 40 000 candidats, soit 12% de réussite au Bac 2022. Et les uns de se féliciter de la hausse de quatre points par rapport aux 8% de l’an dernier ; et les autres de déplorer une nouvelle fois des résultats « catastrophiques ». On évoque l’incompétence ou le désintérêt des enseignants trop mal payés pour s’appliquer à leur tâche, tout comme celui des élèves de moins en moins convaincus des bienfaits de l’école…
Mais la question se situe-t-elle vraiment là ? D’aucuns pressentent des paramètres autrement convaincants dans la détermination du nombre de bacheliers. Combien d’étudiants l’Université mauritanienne est-elle en mesure d’accueillir chaque année ? Combien de bourses l’État peut-il octroyer aux bacheliers pour poursuivre leurs études à l’étranger ?
On soupçonne donc, avec bon nombre de candidats recalés – certains le sont pour la quatrième fois ! – que des impératifs budgétaires seraient dictés à la correction des épreuves. Et pas seulement budgétaires. On s’étonne ainsi que tel ou tel élève parfaitement francophone se voit handicapé, en section Lettres modernes (LM), par une note en français (coefficient 6) suffisamment en-dessous de la moyenne pour anéantir ses chances d’être reçu. Combien d’élèves de la Vallée ont-ils obtenu leur diplôme en cette équivoque section LM ?
La population de jeunes en âge de se présenter au baccalauréat a été multipliée par six depuis l’Indépendance (voir tableau ci-dessous). Avec un taux de scolarisation porté à quasiment 100% depuis le début du troisième millénaire, la plus extrême – pour ne pas dire injustifiable – rigueur dans la notation des épreuves n’aura été tempérée que par une déperdition certaine – providentielle ? – des effectifs scolaires : à peine la moitié des élèves atteignent la Terminale… Que penser alors de l’affiche officielle à rehausser la qualité de l’enseignement, s’il s’agit, en réalité, de ne permettre qu’à 4% de nos jeunes (voir également ledit tableau à la ligne % C/A) d’entrer en faculté ?
On n’aurait peut-être pas à s’en inquiéter s’il s’organisait de vraies filières de formations techniques accessibles dès la quatrième année collège, avec de réelles chances d’aboutir à un emploi motivant. Mais personne ne semble s’émouvoir de ce que des dizaines – centaines ? – de milliers de jeunes (40 000 pour la seule année 2021 !) ait disparu des radars scolaires. Au rythme de l’accroissement de la population, combien seront-ils dans vingt-ans ? Avec ceci que le secteur informel ne parvient plus à absorber la masse croissante de ces laissés pour compte… La Mauritanie aurait-elle choisi d’alimenter la délinquance et le crime, faute d’affronter les vrais enjeux du siècle ?
(1) : à partir des très rares données, notamment ireda.ceped.org/inventaire/ressources/mrt-1961-1966-onc-rur-o_methodologue_resultats_provisoires.pdf, https://www.cairn.info/transitions-demographiques-inegalites--1000000148928-page-1.html,
(2) : estimation à partir du taux de naissances pour 1000 ha, diminué de celui de la mortalité juvéno-infantile ; et d’un âge moyen des candidats limité à 20 ans.
(3) : estimation
Ben Abdallah