Les Mauritaniens iront aux urnes en 2023. On sent déjà comme un p’tit air de campagne électorale. Le président de la Commission Electorale Nationale indépendante (CENI) vient de rappeler les citoyens à l’évidence. Dans un entretien accordé à l’Agence Mauritanienne d’Information (AMI), Mohamed Vall ould Bellal demande à tous les acteurs d’œuvrer à favoriser les meilleures conditions aux prochaines élections. Rappelant le rôle de son institution : préparer, organiser et superviser l’ensemble du processus électoral ; Ould Bellal convie tous les autres acteurs à contribuer au processus, par la sensibilisation, l'éducation et la formation des citoyens dans tous les domaines liés audit processus. Il a ensuite exprimé sa satisfaction suite à la décision du gouvernement d’examiner avec tous les acteurs le dossier préparant les prochaines consultations. Dans la foulée, le Premier ministre a présidé une réunion avec les ministres concernés au terme de laquelle deux comités techniques ont été mises en place. Elles ont pour rôle d’étudier tous les aspects liés à l’organisation des élections. L’une planchera sur les textes légaux et réglementaires, tandis que l’autre se penchera sur les moyens matériels et logistiques. Elles doivent remettre leurs propositions d'ici la fin Juillet 2022.
La question que l’on se pose aujourd’hui est de savoir si le gouvernement et la CENI pourront parvenir à trouver, sans le fameux dialogue toujours privé de ses préparatifs, un consensus autour des prochaines élections. Dans la feuille de route concoctée pour ces concertations, il était exprimé le souhait de revisiter diverses dispositions du dispositif électoral. Les commissions mises en place par le gouvernement seront-elles ouvertes aux membres de l’opposition désireux d’y participer ?
Deux soucis
Deux préoccupations dominent cette question. La plus importante demeure la recomposition de la CENI. Sa configuration actuelle ne correspond plus à la situation et aux rapports de force politique. Excepté le parti APP qui avait hérité du poste de vice-président de la CENI, presque tous les autres ont rejoint la majorité présidentielle. On se rappelle que la CENI actuelle fut composée suivant les recommandations du dernier dialogue de l’ère Ould Abdel Aziz. Il s’avère donc urgent de revoir la composition de son bureau. La seconde préoccupation est liée au renouvellement des cartes d’identité des mauritaniens dont les pièces ont expiré. L’ARPTS dispose-t-elle du temps et des moyens nécessaires pour en confectionner de nouvelles ? Le gouvernement optera-t-il plutôt pour une prolongation de la validité desdites cartes ?
Le gouvernement s’est dit disposé, n’a pas manqué de souligner le président de la CENI, à examiner avec l’ensemble des acteurs tous les dossiers relatifs à l’organisation des prochaines élections. Mais le temps est compté : la loi stipule en effet que le renouvellement des institutions élues en 2018 doit commencer soixante jours avant la date du scrutin.
A y regarder de près, la décision du gouvernement d’engager unilatéralement le processus de préparation des élections pourrait viser à mettre l’opposition devant un fait accompli, à exercer de la pression sur elle pour l’amener à intégrer les commissions techniques qu’iil a mises en place. Une espèce de diversion pour faire oublier sa faute d’avoir interrompu unilatéralement le processus de dialogue. Une sorte de piège qu’un des leaders de l’opposition a fleuré avant d’averti que celle-ci ne se fera pas prendre au jeu. Dans ce contexte actuel, l’opposition risquerait un boycott des élections ou une défaite cuisante en allant au scrutin sans avoir pris part aux préparatifs ? Et le gouvernement sera-t-il bien avisé pour réussir une élection inclusive et donc crédible ? Faute de quoi, la décrispation politique dont le président de la République est porteur serait fortement ébranlée.
Dalay Lam