Quel divorce en vue ?

6 July, 2022 - 17:33

Les frasques de son époux ne cessent de lui porter tort. Ce n’est pas nouveau mais cela empire. En viendrait-elle à envisager un divorce retentissant ? À l’heure de l’émancipation féminine universelle, ce n’est plus une question anodine et la série (1) du professeur Boubacar Ndiaye en signale l’actualité : le torchon brûle plus que jamais entre monsieur l’État français et madame la Francophonie. Celle-ci claironnait publiquement, voici une quinzaine d’années encore, que ses efforts à diffuser la culture française lui permettraient, en 2050, de se hisser, grâce à ses amabilités africaines, au moins au niveau de sa rivale anglaise. Las ! L’appétit pantagruélique de son mari – cette fois au Mali, plus largement au Sahel – porte un nouveau coup à ses espérances et là voilà obligée à baisser d’un ton son caquet. Sinon de deux ou trois.

Certes et comme le rappelle si bien le professeur Ndiaye, « les États n'ont pas d'amis, ils n'ont que des intérêts » ; mais la France – qui n’est certes pas, elle, réductible à son administration – a-t-elle vraiment intérêt à laisser se poursuivre la déglingue de ses amis ? De quels intérêts Bernard-Henry Lévy était-il mandataire, dans sa croisade libyenne en 2011, prélude comme chacun sait, au grand bazar saharo-sahélien (2) ?  Serait-ce à dire que la France n’a plus, aujourd’hui, de valeurs spirituelles spécifiques mais seulement des contingences agrippées à l’étal des marchands ? On comprend dès lors l’attrait, pour nos si courtisés États africains, de plus accommodantes vitrines, turques, russes ou chinoises notamment.

Mais le français n’a déjà plus cour en Mauritanie. Le retrait de celle-ci, en 2000, de la CEDEAO y fut pour beaucoup et un fossé s’est creusé, en vingt ans, entre les générations francophones du siècle dernier et celles beaucoup plus souvent et exclusivement arabophones de ce début de troisième millénaire. Certes les voix qui s’élèvent, au Mali, pour réclamer une telle attitude n’auront probablement pas gain de cause, d’autant moins, d’ailleurs, que la Mauritanie elle-même s’évertue, depuis 2017, à réintégrer l’institution ouest-africaine (3). Sauf bouleversement majeur – déflagration mondiale ? – l’organisation mondiale de la Sainte Marchandise devrait donc se satisfaire encore longtemps du « pré carré » français. Et les Africains s’en accommoder. À ceci près que les calculatrices n’ont que faire des subtilités idiomatiques. Aux oubliettes donc le dialogue des cultures ?

Et avec lui la connaissance mutualisée à laquelle Le Seigneur des mondes nous a assignés, en nous séparant en différents peuples et nations (4) ? Le recul de l’étude approfondie et diversifiée des langues témoigne d’unplus grave divorce en vue – il estde fait largement en cours – entre les cultures, insensiblementlaminées par la société mondialisée du spectacle marchand. Tout commeles jeunes Chinois n'entendent quasiment plus rien des idéogrammes deleurs ancêtres, les jeunes Français n’ont plus guère conscience desvaleurs spirituelles des leurs et il est fort à craindre qu’il en soitde même pour les dernières générations arabisantes, notamment enMauritanie…

feylili

 

NOTES

(1) : « Le Mali, la France et Nous », quatre articles en voie de publication au journal « Le Calame ».  

(2) :https://www.lefigaro.fr/international/2011/03/18/01003-20110318ARTFIG00671-la-campagne-libyenne-de-bernard-henri-levy.php Et la récente tentative (Juillet 2020) de réédition de son « exploit » donne à méditer sur le résultat de la course... Voirwww.jeuneafrique.com/1020827/politique/libye-les-coulisses-de-la-visite-...

(3) : https://www.dw.com/fr/mali-cédéao-une-situation-embarrassante-pour-la-mauritanie/a-60385190

(4) : Saint Coran, 49 – 13.