Des sources concordantes renseignent que les missions politiques que l’Union Pour la République (UPR), principal parti de la majorité présidentielle, envisageait de déployer à l’intérieur du pays auprès de ses structures locales ont été reportées. Lors de la dernière réunion du Conseil National du parti, il avait été en effet proposé d’envoyer de telles missions pour partager, avec les militants, diverses décisions prises par le parti, depuis le « Congrès de la Référence » fin Décembre 2019.
Celui-ci avait acté la « dévotion » de l’UPR au nouveau président de la République élu en Juin 2019. On se rappelle que cette position avait ouvert – ou, plutôt, accentué – la crise qui couvait entre « les deux alter ego » Ould Abdel Aziz et Ould Ghazwani depuis la fête de l’Indépendance, célébrée à Akjoujt le 28 Novembre 2019. L’ancien président avait été suspecté, on s’en souvient, d’avoir tenté de renverser le nouveau lors de ces festivités. Il s’en suivit le congrès de la « clarification » ou de « référence », avant la mise en place, un mois plus tard, de la commission d’enquête parlementaire sur le régime de l’ex- président. Beaucoup de membres du parti et de ses militants, dont certains des plus farouches supporters du troisième mandat, se mirent à critiquer Ould Abdel Aziz.
Comme dit tantôt, on y décida donc de dépêcher des missions à l’intérieur du pays ; les délégations furent mêmes constituées mais la pandémie de la COVID intervint entre temps, stoppant tout le processus. Le parti n’en continua pas moins à travailler, organisant colloques, ateliers et autres rencontres. Ses travaux ont porté principalement sur comment renforcer l’unité nationale et la cohésion sociale.
Car la présidentielle de Juin 2019, avec la candidature de la Coalition Vivre Ensemble (CVE), la vive contestation des résultats, le déploiement de forces de l’ordre lourdement armées et équipées même de chars en certains quartiers de Nouakchott, pour mater les velléités de révolte, avaient fini de montrer combien le tissu social était fragile. Il fallait s’atteler à faire baisser la tension. C’est à cette fin qu’Ould Ghazwani s’était engagé, dès sa déclaration de candidature à la présidentielle, à rétablir dans leurs droits toutes les victimes d’injustice. Un an plus tard, l’UPR se lançait donc dans des journées de réflexion autour de la thématique de l’unité nationale et de la bonne gouvernance. Puis l’ampleur du scandale de détournement de deniers publics, révélé par la Commission d’Enquête parlementaire (CEP) de l’Assemblée Nationale servit de déclic.
Guéguerres
C’est d’ailleurs dans ce cadre que l’UPR accepta de former, avec certains, une coalition des partis représentés au Parlement. Un consensus se dégageait en outre autour de la lutte contre le COVID, prolongeant, du coup, le délai de grâce du président Ghazwani. Cette coalition travailla à mijoter un dialogue national qui finit par se dénommer « Concertations Nationales », avant devoir ces laborieux préparatifs stoppés net, à l’insu de l’opposition. Diverses sources s’accordent à dire que l’UPR ne fut que très peu informée de cette dernière décision.
Il faut rappeler ici que l’UPR a toujours souffert de son incapacité à peser sur le gouvernement qu’il soutient par majorité « mécanique » à l’Assemblée nationale. Rares sont les cadres de ce parti nommés sur proposition de sa direction, aussi beaucoup d’entre eux recourent-ils à d’autres canaux, notamment les généraux et autres ministres influents. Il n’a que très peu défendu le gouvernement. Pour preuve, personne n’a entendu l’UPR après la virulente sortie du président de la République, déplorant les lenteurs dans l’exécution de son programme électoral. Le parti attend toujours comme des ordres pour sortir de sa torpeur. On peut rappeler ici son méga-meeting à l’ancien aéroport de Nouakchott. Cette manifestation n’est intervenue qu’après le discours qu’il qualifia de « fondateur », prononcé par le président Ghazwani à Ouadane, en Décembre 2021.
Le report des missions de l’UPR est en soi une bonne chose pour le parti. En effet et comme chacun le sait, elles ont toujours été des moments de grande tension, déballages, querelles de positionnement et donc déchirements que la fameuse commission des conflits peina toujours à régler. Il s’y ajoute aujourd’hui que le contexte n’est pas propice à la réouverture des guéguerres et des plaies pas complétement cicatrisées. À quelques mois des prochaines échéances électorales, l’UPR doit resserrer les rangs. D’autant plus qu’à en croire certaines sources, des divergences seraient apparues entre ceux qui poussent à l’envoi des missions et d’autres qui le jugent inopportun. De la contestation en l’air donc. Enfin, la récente polémique qu’a suscitée les accusations portées, à tort ou à raison, contre le président du parti, nommé ministre de l’Hydraulique lors du dernier remaniement ministériel, risquent de servir de prétextes à croiser le fer. Le parti attend la désignation de son successeur. Les missions en régions ne sont probablement pas pour demain…
Dalay Lam