Dans un article paru Chezvlane, l'auteur peint un Ghazwani déçu, désintéressé voire très peu poreux au souffle d'un second mandat. Certes le propre d'un journaliste ou d'un écrivain, c'est de peindre la réalité, ou de provoquer chez son protagoniste des suppositions, çà et là avec le vœu secret que celles-ci seraient proches de la vérité ou tout moins symboliques de celle-là. Or la créature la plus difficile à cerner, c'est justement l'être pensant. Au moment où j'écris cet article, personne, je dis bien personne, en dehors de mon démiurge, ne peut savoir ce à quoi je pense. Ainsi, il est très difficile de "cum-naître" ou de "cum- prendre" un être humain, nanti de tous ses facteurs innés ou acquis, surtout s'il prétend être sain d'esprit. Pourquoi "sain d'esprit"? Parce que la psychologie des profondeurs stipule de nos jours que "l'Homme est un malade qui s'ignore" et que nous "n'agissons" pas en "cum- science" mais que nous sommes plutôt poussés par des pulsions accumulées depuis notre enfance et qui en définitive, déterminent nos traits de caractères. Ainsi une enfance heureuse sans traumatismes peut accoucher d'un adulte "normal", par contre une enfance chaotique débouche le plus souvent sur des cas de "névroses" où l'individu peut faire l'objet de plusieurs cas d'interprétation psychique ou somatique. De la naissance à l'adolescence, il y a un "trou noir" qui aura secrété un magma dont l'ébullition commencera dès que les mauvais souvenirs auront fait surface de l'inconscient à la conscience claire.
Et voilà qu'une simple observation de notre microcosme politique ces dix dernières années peut nous permettre de plonger aussitôt dans le vif du sujet, et de se demander pourquoi certains dirigeants font mal à leurs peuples et d'autres pas.
A/ Ghazwani certes déçu, mais sa mission en vaut la peine.
Pour tous ceux qui l'ont connu depuis qu'il a commencé à exercer comme fonctionnaire de l'Etat, en 1981 à sa sortie de l'Académie militaire de Meknès, Mohamed Ould Mohamed Cheikh El Ghazwani a toujours fait l'unanimité autour de sa personne. C'est un homme bien, qui veut du bien à tous. Or la première qualité chez un être humain et qui le distingue de la bestialité, est de ne pas vouloir du mal à son prochain. En 2019 lorsqu'il a pris le pouvoir, il a voulu pacifier l'arène politique car c'est cette expression d'homme de dialogue, de consensus qu'il porte réellement sur le cœur, au sommet de la gloire.
En 2020, en pleine pandémie de la Covid 19, j'ai rencontré le président Ghazwani lors d'une de ses visites à Paris. Le premier cas que je lui ai posé était à propos de l'ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz. Il n'était pas étonné dès l'évocation du nom de notre ami commun, mais surpris au fur et à mesure que j'étalais mon argumentaire. En résumé je lui disais ceci : "Aziz a un caractère particulier, vous le savez mieux que moi, son cas est devant les instances juridiques malheureusement et désormais c'est le peuple mauritanien qui réclame justice. Ce peuple n'a pas besoin de voir Aziz en prison, mais veut plutôt la restitution des biens mal acquis. Mettre Aziz en prison ne vous servira pas." Tout au long de mon monologue, je sentais une gêne chez mon vis à vis, d'ailleurs peut-il en être autrement? Et le président Ghazwani de me répondre: "Ely c'est la première fois qu'on me parle comme ça à propos de Mohamed". J'ai compris à la fin que tous ceux qui trouvent Ghazwani enfoncent probablement Aziz, croyant que cela donnerait satisfaction à notre actuel président. Au contraire, Ghazwani pour ceux qui ne le connaissent pas, est un homme intelligent, éduqué, de bonne moralité et surtout sait décoder l'intention soit-elle sublime ou fangeuse de son interlocuteur. Je suis d'accord avec Chezvlane, que notre président ait été déçu par l'attitude de son ami Mohamed Abdel Aziz. Mais de là à se soustraire à ses obligations professionnelles, il y a un fossé qu'on doit, qu'on peut ne pas franchir.
B/ Ghazwani et l'impératif catégorique: tu dois donc tu peux
Ghazwani est nanti de toutes les valeurs cardinales de l'homme normal. Son éducation ne lui confère pas de verser dans les méandres d'une médiocrité obscène. Il bénéficie encore de circonstances atténuantes car son prédécesseur lui a filé des patates chaudes et pour cela, son premier quinquennat consiste à trouver les voies et moyens qui permettent de redresser le pays. Vous répliquerez que le président n'y va pas de main forte, que les mauritaniens n'ont peur que du chef qui châtie, qui blâme ou qui emprisonne. Les mauritaniens ont besoin d'abord d'un président qui ne détourne pas les deniers publics au vu et au su de tout le monde. Les mauritaniens ont besoin d'un président qui réhabilite la justice, ajuste l'économie, fixe des objectifs à atteindre. Est-ce trop demander à l'exécutif d'endiguer tous les circuits de la corruption endémique qui sévit dans notre pays, de juguler la gabegie, les détournements de fonds publics qui empêchent la restructuration de nos infrastructures routières, portuaires, alimentaires etc...? Si Ghazwani est devenu président de la Mauritanie, c'est le destin qui l'a voulu. C'est ce même destin, malgré les déceptions, les coups fourrés, les invectives, les trahisons etc., qui doit pousser le chef de l'Etat à sortir son peuple de la misère. Pour répondre explicitement à Chezvlane, je dirais qu'un chef ne quitte pas le commandement parce que son navire tangue. Au contraire, son devoir est de sauver son équipage et de rester le dernier sur le "rostre ensanglanté".
Il reste encore plus de deux ans au premier mandat de Ghazwani, pendant lesquels il peut redresser la barre et orienter le pays dans la bonne direction. Pour cela il faut un premier ministre fort, des walis issus de la 2éme section de généraux (à la retraite) que l'Etat paye pendant 5 ans alors même qu'il peut les employer à bon escient. Si j'étais président de la République, j'aurais mis des généraux (2éme section) gouverneurs à Néma, Zoueratt et Nouadhibou; des colonels anciens (armée, Garde, Gendarmerie) comme préfets de Bassiknou, Amourj, Vassalé, Boulenoir, Choum et enfin des sous-officiers de gendarmeries (officiers de police judiciaire) comme chefs d'arrondissements au niveau de toutes nos frontières. Beaucoup de pays limitrophes le font.
Enfin ceux qui prétendent que le pays n'est pas bien tenu, doivent raison garder. On s'est plaint ces dix dernières années lorsque la scène politique revêtait une atmosphère délétère ou agitée. Maintenant que la sérénité règne, on croit que cela est dû à la déception du premier citoyen. Le président Ghazwani va à son rythme, c'est un homme qui va lentement mais sûrement. Les insatisfaits risquent de dire un jour, bien sûr dans quelques années: "Ah mon Dieu qu'il faisait bon vivre du temps du président Mohamed Ould Ghazwani". Encore une fois Chezvlane, on ne peut remettre en cause l'admiration que tu portes au président Ghazwani et ton doute est ...sans doute un doute méthodique, cartésien, mais personne ne peut connaître les motivations profondes d'un homme peu expansif, calme et mesuré./.
Ely Ould Sid’Ahmed Krombelé, France