
Il y a quelques jours, un groupe de mes connaissances proches voire familières et familiales m’a demandé de rédiger, en guise d’hommage, une préface pour un florilège d’articles de presse qui renseignent sur la brillante
carrière journalistique ainsi que sur l’immensité de l’œuvre de notre frère et ami commun le regretté journaliste–écrivain et intellectuel distingué Abdoulaye Ciré Ba.
A vrai dire, au risque de surprendre, je n’ai, réellement, connu l’illustre disparu qu’à travers sa belle plume mais je savais bien ce que je disais quant au lendemain de sa disparition, j’aiécrit, quelque part, que l’élite progressiste de la Mauritanie avait toutes les raisons de pleurer un intellectuel engagé qui avait, politiquement parlant, le don de fasciner ses adversaires avant d’épater ses alliés. De ce point de vue, je garde de lui, sur la foi de ses écrits, l’idée du modèle assez rare (mais qui existe, quoi qu’on en dise) du politicien sincère. A ce sujet , je conserve en tête le souvenir d’une piquante formule par laquelle il qualifia les comportements versatiles des politiciens de chez nous. en écrivant, à l’occasion d’un énième changement de régime , que ‘’ les Mauritaniens sont sincères mais changent de sincérité.’’
Ainsi, en s’inscrivant, ironiquement, en faux contre cette conception de la politique
politicienne qui consiste à justifier les changements de vestes les plus spectaculaires, ACB était égal à lui-même car il ne faisait que confirmer sa constante manière d’exprimer son opinion avec une sincérité
qui saute aux yeux et qui conquiert les cœurs.
C’est, précisément, cette impression que j’ai eue en lisant ou, plutôt en relisant avec délectation ce fabuleux recueil d’articles qui m’a redonné le goût de ses belles lectures, pour la plupart, à tort, oubliées.
Un intellectuel engagé
En effet, les articles que j'ai eu le plaisir de lire reflètent au total, le parcours d'un brillant intellectuel qui incarne, par sa belle plume alerte, outre le profil du vrai journaliste-écrivain, un cours magistral d'histoire des idées politiques.
Dans ce recueil captivant, le lecteur est invité avec l'élégance des formules qui forcent le respect à voyager dans une riche expérience racontée, au gré des sujets traités.
Le narrateur qui avait vu, au lendemain de l’indépendance, la partie dans sa prime nudité, livre, à travers ses écrits un " arrache- cœurs " dans lequel se mêlent l'histoire, la culture, la politique etc.
Lu et perçu comme un ensemble structuré, ce florilège d’articles signés par le regretté ACB est un album multicolore dans lequel la Mauritanie apparaît à travers toutes ses contradictions, ses espoirs, ses déceptions, les combats de sa jeunesse et les désillusions de ses vétérans, les aspirations unitaires de son élite et les déchirements de celle-ci.
Venu de Dakar à l'âge de 11 ans pour s'installer dans la capitale en construction du " pays rêvé’’, l'enfant originaire de Bababė (au sud de la Mauritanie) a grandi avec la République qui a surgi des sables.
Il fut le témoin de ses premiers pas et après avoir été la voix qui enthousiasma, à travers Radio Mauritanie, une certaine jeunesse, il se distingua, surtout par son envoûtante plume.
Pour moi, il était et il est à travers le florilège d’articles exposé dans cet ouvrage, celui qui pouvait en une chronique exciter ma passion de lire et, d'ailleurs, je me suis habitué à lire tout ce qu'il écrit d'un trait.
Aussi, je parie que le lecteur ne sera jamais au rendez-vous avec la déception en parcourant ces pages qui racontent, talentueusement, une belle histoire des idées et qui se lisent comme un récit des événements du passé.
Bien au contraire, il aura l'occasion de savourer le goût d'une lecture variée par laquelle l'auteur exprime ses idées, parfois, avec une fougue émotionnelle mais souvent, sinon toujours, avec une conviction raisonnée.
Il aura, surtout, l’occasion, de découvrir un vocabulaire aussi riche qu'original par lequel le brillant écrivain fait passer ses opinions sur les sujets qui fâchent.
En tout cas, tout au long de cette lecture qui m'a capté du début jusqu'à à la fin, j'ai eu, malgré mon désaccord avec certaines positions de l’auteur, le sentiment d'être en symbiose avec lui.
Dans ce sens, je peux même affirmer que le côté esthétique de ses écrits, que je considère comme un chef-d'œuvre littéraire,exerce, outre la séduction inhérente à la beauté de l'écriture, une influence certaine sur le contradicteur des opinions exprimées par le brillant écrivain.
Enfin, je crois que pour bien écrire en français, ACB avait appliqué à la lettre la fameuse citation prêtée à Nicolas Boileau selon laquelle "ce que l'on conçoit bien s'annonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément ". Cela dit j'éprouve l'envie de lui demander de me prêter sa belle plume pour écrire l'hommage qu'il mérite.
Abdel Kader Ould Mohamed