Où veut-on embarquer le pays ? Les nous, nous sommes toujours les mêmes, comme disait l’autre. Max Planck et sa fameuse tectonique des plaques n’est heureusement pas passé par là ! C’est qui, ces gens autoproclamés qui ont l’imbécile plaisir de s’entendre parler au nom de gens ? Rien que pour dire des insanités grossières – bonjour le pléonasme ! – au nom de personnes qui ignorent totalement leur existence. Moi, moi qui suis moi du temps où j’étais encore dans mon terroir. Bon, c’est-à-dire : il y a longtemps, ma famille de harratines, comme la famille de mon ami beïdane, pour reprendre un peu les expressions de ces Eric Zemmour mauvaise copie et version locale. Je disais donc que de ce temps, il m’est resté le concept de « diadiéguèye » qui signifie celui chez qui nous descendons quand on vient. Nous en avions comme tous les autres en avaient. Des familles peules entières descendaient chez des familles harratines ou beïdanes quand elles venaient en ville pour écouler lait, veaux, vaches ou toutes autres marchandises avant de retourner dans leurs « guemnis » (villages peuls) alentours où elles recevaient avec la plus grande hospitalité leurs frères « maures blancs et maures noirs », pour reprendre l’expression de Boydiel (ça fait rien de se rappeler de lui en ce moment précis). Les chercheurs de bêtes égarées, les promeneurs solitaires et les aventuriers indolents étaient aussi bien à l’aise dans les vrigs que dans les adwabas ou les geumnis. Ni animosité. Ni défiance. Ni provocation. Feue ma maman parlait couramment le pulaar. Feu ma tante, le pulaar et le wolof. Dans ma ville, c’était le cosmopolitisme intégral. Au moins deux familles de Haute-Volta dont les enfants ne parlaient pas un traître mot d’aucune autre langue que le hassanya. Juste des gens de Kiffa, d’Aleg, de Rosso, de Tidjikdja ou de toute autre ville du pays. Quelqu’un de Nouadhibou est quelqu’un de Nouadhibou. Tout juste. Ni blanc. Ni noir. Ni multicolore. Les gens du Ksar, c’étaient les gens du Ksar. Tout simplement. Des Ould. Des Keïta. Des Mahmoud, M’Barek, Salem ou Abdallahi, Hawa, Vatimetou, Zahra ou Antar, Diawara, Ndiobo, Dieng, Diop, Kane ou Sow. Je suis du Ksar. Wtowv. De la Médina 3, de la BMD, de l’un des îlots C ou D ou H. Rien de plus. C’était la seule étiquette. La seule qui vaille. La seule qui compte. Nous étions des enfants de quartiers, pas ceux d’une quelconque communauté. Nous étions les pensionnaires des mêmes écoles publiques. Ensemble, nous mangions du thiéboudiène, du Yassa, du couscous ou du riz à la viande, dans les mêmes foyers. Nous portions les mêmes habits et écoutions les mêmes musiques. Nous ne comprenions pas en quoi nous étions différents. Les vocaux de maintenant, les imbécilités – Ah oui, je dis ça comme ça, je n’ai rien d’autre et excusez du peu ! – d’aujourd’hui, les velléités déclarées de diviser, soustraire, additionner et même multiplier diaboliquement sont dans l’air du temps des nageurs en eaux troubles autoproclamés bêtisiers communautaires. Salut !
Sneïba El Kory