Le Calame : Après mout attentes et hésitations, les acteurs politiques de l’opposition ont tenu leur première rencontre en vue de préparer les concertations politiques. Une décision intervenue après la désignation par Ghazwani d’OuldWaghf pour présider le comité préparatoire. Pensez-vous que le dialogue va enfin démarrer ?
-Bâ Mamadou Bocar : En effet il y a eu déjà des rencontres du comité préparatoire des concertations nationales ou du dialogue national.
Au stade où nous en sommes, il est difficile de dire si le dialogue va vraiment avoir lieu.
Par contre ce qui est sûr, c'est que la commission préparatoire est à pied d'œuvre pour permettre la tenue des assises.
J'espère que dans les tous prochains jours une fois que la commission préparatoire aura balisé le chemin, les concertations nationales pourront effectivement commencer.
Comme on dit, croisons les doigts.
-Parmi les thèmes retenus dans la feuille de route des acteurs politiques, le(s)quels vous semblent urgents à régler ? Avez-vous le sentiment que ces concertations seront différentes des dialogues d’Ould Abdel Aziz ? Que les acteurs politiques sont animés de bonne volonté pour trouver des solutions aux questions dites nationales surtout et de la gouvernance ?
-La commission préparatoire ne s'est pas encore accordée sur les thèmes retenus. Pour ma part, je pense que tous les thèmes qui seront retenus sont urgents du fait que notre pays est enfoncé dans une crise profonde.
Néanmoins, je pense que pour hiérarchiser, on pourra dire que les plus urgents à discuter sont ceux relatifs à l'unité nationale et à la cohésion sociale.
La solution des problèmes liés à cet aspect de notre vie nous permettra de vivre une cohabitation plus harmonieuse.
En effet, seule une cohabitation harmonieuse permettra à notre pays d'affronter avec succès tous les défis de l'heure.
On ne peut présager de rien. Mais vous avez raison de vous interroger sur le devenir de ce dialogue car nous avons tellement dialogué pour rien jusqu'à présent.
Mais espérons que cette fois soit la bonne et que ces assises nous permettent de poser l'ensemble de nos problèmes et leur trouver des solutions les plus adéquates qui soient.
-Pendant qu’on prépare ce dialogue, le gouvernement tente de trouver des solutions au passif humanitaire et à la question des langues nationales (officialisation du Pulaar, Soniké et Ouolof) alors que ces thèmes figurent dans la feuille de route du dialogue. Qu’en pensez-vous ?
-Effectivement le gouvernement est en train de chercher parallèlement au dialogue des solutions à un certain de problèmes qui se posaient à notre pays depuis longtemps.
Nous sommes bien avertis de la situation et nous déplorons cette attitude.
A partir du moment où tous les acteurs politiques se sont entendus pour la tenue de ces assises en vue de préparer le dialogue, le président de la République et son gouvernement devaient s'abstenir de telles pratiques qui risquent de compromettre les chances de succès de cette entreprise.
-On vous a aperçu au sit-in de l’organisation pour l’officialisation des langues nationale (OLAN), le vendredi dernier. Cette organisation entendait protester contre le projet de loi d’orientation sur la réforme de l’éducation qui, à son avis, marginalise une fois de plus le Pulaar, le Soninke et le Ouolof. Partagez-vous leur inquiétude ? Les assises nationales de la réforme de l’éducation n’avaient-elles trouvé un consensus autour de cette question ?
-Avant toute chose, je salue la naissance de cette organisation (OLAN) qui entend prendre en charge un aspect très important de la vie d'une partie très importante de notre pays.
Bien sûr je partage leur inquiétude car de tout temps les tenants du pouvoir chez nous ont cherché à marginaliser et à exclure la communauté noire dans tous les aspects de la vie publique du pays.
Selon des experts des Nations Unies que l’on ne peut pas suspecter de parti pris, l'expérience mauritanienne dans le domaine des langues nationales est des mieux réussies au monde.
Si on veut tuer un peuple, il suffit de tuer sa langue.
Toutes les manœuvres du pouvoir aujourd'hui visent simplement à tuer les langues nationales pour tenter d'assimiler les négro-africains.
La revendication légitime des populations wolof, soninke et poular, c'est de réintroduire les langues nationales dans le système éducatif mais comme des langues d’enseignement.
C'est à dire que toutes les disciplines doivent être dispensées dans ces langues.
Autrement dit, ces langues doivent jouir des mêmes prérogatives que l'arabe.
C'est pourquoi l'une des premières mesures à prendre c'est tout simplement leur officialisation.
Tout le monde pensait que les assises sur la réforme de l'éducation avait trouvé un consensus acceptable pour les langues nationales poular, soninké et wolof.
Malheureusement on constate avec regret que le ministre fait fi de tout ça et veut passer en force pour imposer les vues des tenants de la marginalisation et de l'exclusion.
C'est pourquoi je félicite les membres de "OLAN" pour leur mobilisation et exhorte tous les mauritaniens épris de paix et de justice à toujours répondre nombreux lorsque cette organisation appellera à une quelconque manifestation.
- Quelle évaluation vous faites de la gouvernance du président Ghazwani, bientôt 3 ans à la tête du pays ? Que vous a inspiré ses critiques acerbes de l’administration mauritanienne ? Pensez-vous que les mesures qu’il a entreprises depuis le dernier remaniement de son gouvernement sont de nature à changer les pratiques et comportements ?
-Sincèrement c'est regrettable car bientôt 3 ans que le président est à la tête du pays sans vraiment que rien ne change dans le quotidien des ménages.
Si ce n'est que le quotidien des populations s'est vraiment dégradé. La cherté de la vie fait que beaucoup de ménages n'assurent plus les 3 repas quotidiens.
Le gouvernement laisse les commerçants pratiquer des prix à leur guise et ce sont les populations qui en payent le prix fort.
Toutes les critiques du président de l'administration et du gouvernement sont avérées mais pour ma part je pense qu'il a vraiment tardé à s'en apercevoir.
En plus, de telles critiques aurait dû amener le Président à un remaniement beaucoup plus en profondeur pour espérer une certaine amélioration.
Mais je pense que le président a pris des demi-mesures dont le résultat ne peut être que désastreux
Propos recueillis par Dalay Lam