La SNIM rétrécit ses ailes pour décoller (2).Par Mohamed Mahmoud Bakar

14 April, 2022 - 03:56

« Le navire PS Palios transportant une cargaison de 180.000 tonnes de minerai de fer a quitté le port minéralier le 22 Février 2022 », informe un communiqué de la SNIM en date du 5 Mars 2022, avant de préciser : « cela marque le coup d'envoi de notre nouveau canal maritime dans sa nouvelle capacité, réalisé dans le cadre du projet de curetage du canal du port minéralier de Nouadhibou ». Cet événement  est passé inaperçu en dépit de son importance et de ses nombreuses significations.

Il s'agit d'abord de la réussite d'un des trois investissements d'une enveloppe globale de deux cent soixante millions de dollars portant sur le développement du port, dont cent dix consacrés à son approfondissement afin qu'il puisse accueillir des méga-navires. Le deuxième message signale l'entrée de la SNIM dans une nouvelle dynamique d'exportation intégrée au sein des projets et programmes de développement de la production, tout en lui donnant plus de valeur ajoutée. Cette hausse de la production est rendue possible grâce à l'adoption, à la fin de l’année dernière, d'un nouveau plan d'actions. Cette dynamique atteindra son point culminant dès que le projet Guelb 2 attendra ses objectifs de quatre millions de tonnes. Elle sera renforcée par l'exploitation de la réserve stratégique de la mine de F'derick, de très forte teneur en fer et d’une capacité annuelle d'environ trois millions de tonnes. Avec un potentiel de soixante-dix millions de tonnes, cette mine a échappé à un hold-up certain, cédée qu’elle aurait été à une société fictive quelques mois avant la fin du dernier mandat d’Ould Abdel Aziz.

Autre bouée de sauvetage, l’initiative du président de la République Mohamed ould Cheikh El Ghazouani qui a encouragé les promotions internes comme la nomination des DG de la douane, des hydrocarbures, des établissements des media publics, et récemment l'ADG de la SNIM. Cette initiative revêt un caractère particulier pour les ouvriers, même si l’on en a peu parlé, tant au niveau des politiques que de celui des media. L'actuel ADG de la SNIM, Mohamed Vall Tleïmidi, est un pur produit de la société industrielle et minière. Il a vécu parmi ses travailleurs et enduré tout ce qu'ils ont enduré. Après avoir gravi tous les échelons, il est nommé administrateur directeur général en reconnaissance aux loyaux services rendus, à sa compétence et à son dévouement mais aussi en guise d'encouragement de la promotion interne, comme l’avaient souhaité les cadres et employés de la société, ceux-là même qui constituent sa locomotive et y sont liés par des rapports émotionnels.

Cette nomination a été perçue comme un signe de confiance, engendrant un nouveau regain d'activité qui s'est matérialisé par une hausse de la production atteignant 12,7 millions de tonnes. L'effort fourni les derniers mois de l'année dernière fut déterminant en l'absence de gros investissements de nature à booster le moral des travailleurs et accompagner la nouvelle réforme prenant en compte l'état des lieux de la société et de ses ressources humaines. La nouvelle restructuration a été soutenue par un choix judicieux de compétences à même d'assurer sa réussite, avec des cadres s'appropriant la dynamique de changement et la bonne gouvernance de la société.

L'expertise et le savoir-faire de la vieille garde des employés ont été placés au centre de la prise de décisions, de la conception et du conseil, témoignent les travailleurs, relayés par la presse locale, particulièrement à Zouératt. Les succursales de la SNIM ont également été intégrées dans la nouvelle dynamique par la nomination, en interne, de leurs premiers responsables, alors qu'ils étaient, auparavant, le plus souvent « parachutés » de l'extérieur. D'un commun accord et dans un esprit de parfaite entente, les aînés ont cédé la place aux cadets, fondant ainsi une dynamique inédite.

 

Un nouveau plan d'actions

Suivant une approche participative, une feuille de route pour l'exécution du nouveau plan d'actions a été tracée. Elle s'est fixée deux objectifs principaux: augmenter la réserve et donner de la valeur ajoutée au produit. Le premier objectif vise l'augmentation du potentiel géologique et la productivité de la société, à travers la modernisation de la recherche, l’élaboration de nouveaux projets et l'actualisation des ceux en stand-by ou à l’étude, à travers de multiples conventions et partenariats. Dans son édition spéciale sur la Mauritanie (Novembre 2021), la revue arabe ‘’Finances et Affaires’’ indique que la SNIM travaille depuis quelques années avec les sociétés SAPEC (saoudienne), GLENCORE et MINMETALS sur le développement d'importants projets miniers.

La société mauritano-saoudienne des mines et de l'acier (TEKAMUL) est le fruit d'un partenariat à parts égales avec la SAPEC, destiné à développer la mine de Guelb et-Toumaye. Elle vise la production de dix millions de tonnes avec un financement de 1,6 milliards de dollars. Le partenariat avec la société chinoise MINMETALS porte sur le projet Tazaditt, à l'arrêt depuis 2014, avec un pic de production de trois millions de tonnes de minerai très riche en fer et une enveloppe de deux cents millions de dollars; ainsi que sur l'étude du projet Tezerghaf, avec des prévisions de six millions de tonnes et un financement d'un milliard de dollars.

 S'agissant du deuxième objectif, des pourparlers sur des accords de partenariat ont été entamés avec des émiratis, une société turque opérant en Algérie et une société égyptienne opérant en Suisse. Ces projets seront de très grande valeur, avec surtout un coût de production très bas, notamment suite au transfert de la Mauritanie vers les énergies liées à l'hydrogène et au gaz. La proximité des usines limitera aussi le coût du transport. Ajoutons à ceci les projets autofinancés par la SNIM, comme les projets Guelb 2 et F'dérick. La modernisation de l'outil de production englobera la voie ferrée pour la rendre apte à transporter quarante millions de tonnes, triplant ainsi sa capacité actuelle limitée à treize millions de tonnes. Par ailleurs, les moyens et équipements de la SNIM, comme la voie ferrée et le port minéralier feront l'objet de contrat de location dès le lancement de ces projets, ce qui constituera une source de revenus supplémentaire à la société.

 

 

 

Société citoyenne

La vision de la nouvelle administration met l'accent sur la formation continue, contrairement à ce qui se passait il y a quelques années, tout comme elle accorde un intérêt particulier à la dimension sociale : santé et habitat ; en sus de sa politique de diversification de la production par l'extraction d'autres minerais, comme le nickel et l'or. Au cours de l'année dernière, la SNIM a été on ne peut plus généreuse, tant avec ses employés qu'avec l'État. Elle a versé au Trésor public cent trente-sept milliards d'anciennes ouguiyas, dont sept destinés à la riposte contre le Covid-19.

L'État a consacré une enveloppe de quatre milliards de ce montant au financement de l'étude d'exploration hydraulique au Nord du pays. Un accord a été conclu avec une société américaine relevant du Pentagone pour un montant de moins de trois milliards et scellé au début de cette année entre l'ancien ministre de l'Hydraulique et de l'assainissement et l'ambassadrice des USA en Mauritanie.

La SNIM a procédé à une augmentation des salaires de 10% et au paiement de salaires gratuits : six mois au personnel subalterne et quatre aux cadres. Pour fêter la hausse de sa production à 12,7 millions de tonnes par an, elle a offert trois autres mois de salaire à l'ensemble de ses employés. La nouvelle administration se penche actuellement sur une étude structurelle pour améliorer le développement professionnel et la gestion des avancements (carrière).

Mais au moment où elle met en place son ambitieux plan de décollage visant à moderniser la production, la SNIM demeure plombée par un certain nombre de difficultés. On en citera ici quatre : pléthore de main d'œuvre non qualifiée, facture énergétique très élevée, éloignement des usines d'approvisionnement, transport des travailleurs et réparation des véhicules. En dépit de tout cela, la SNIM est aujourd’hui souveraine dans sa gestion. Elle est à l'écart de la politique et, mieux encore, les plus hautes autorités de l'État sont conscientes de la nécessité de sa modernisation, en lui accordant tout le soutien nécessaire à l'atteinte des objectifs qu'elle s'est fixés. C’est dire combien la nouvelle administration de la SNIM assume aujourd'hui une lourde responsabilité qui l'oblige à aller de l'avant pour réaliser son nouveau plan d'actions.