La maîtrise des joutes oratoires est un élément contribuant à l’excellence académique et forme le leadership chez les jeunes, tout en aiguisant le goût de la lecture et de la parole. Cette vérité est à l’origine d’une activité spécifique de l’association culturelle «Traversées Mauritanides ». L’organisation des rencontres littéraires internationales en Mauritanie depuis dix ans a en effet ajouté à son actif, en 2018, en partenariat avec le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF), un Concours d’éloquence ouvert à tout jeune de moins de trente ans : élève, étudiant ou déjà dans la vie active.
Dans son concept, l’exercice permet aux jeunes garçons et filles de vaincre le tract devant un auditoire. Mieux, il permet un dialogue fécond, en toute liberté de parole et dans une élégance respectueuse. « Cette manifestation repose sur un principe d’exercice dans l’humilité et l’émulation de l’esprit. En amont des joutes oratoires, il y a une vraie culture. Les candidats et candidates sont d’abord repérés en fonction de leur goût de la lecture et leur curiosité intellectuelle. La culture est essentielle », explique Bios Diallo, concepteur, directeur des Traversées Mauritanides.
La diversité en fil rouge
Le bouquet de cette année a été précédé par d’intenses préparatifs, dans le souci de la plus large diversité possible. La cuvée 2022 a ainsi connu un énorme engouement avec une centaine de participants, grâce à une approche ouverte et inclusive, multipliant les missions du comité d’organisation en plusieurs régions du pays et à Nouakchott. On trouvait notamment parmi les finalistes un réfugié malien du camp de M’Bera (à mille quatre cents kilomètres au Sud-est de Nouakchott). A l’issue de la phase éliminatoire, quatorze candidats en langues arabe et française bénéficièrent de plusieurs jours de coaching à Nouakchott. Un encadrement qui leur permit de bien affûter leurs armes.
En conformité avec la tradition, la troisième édition du concours s’est tenue dans la soirée du samedi 27 Février, dans une enceinte qui abritait encore, il y a quelques mois, l’auguste institution de l’Assemblée nationale. Et ses locaux se sont retrouvés pleins à craquer ! Pour le thème de cette année, les organisateurs n’ont pas cherché loin, en interrogeant simplement le quotidien qui accable l’Humanité depuis le début de l’année 2020 : « Sans COVID-19, quelle vie après ? ». Un sujet d’une actualité brûlante.
Le jury était placé sous la présidence de madame Hindou mint Aïnina, conseillère à la Primature, ex- ministre de la Culture et femme de media. À ses côtés, maître El Id ould Mohameden, avocat et député à l’Assemblée nationale, Hacen ould Lebatt, journaliste-consultant, le docteur Mahmoud Ely Mahmoud, directeur général de la Santé, Aïssata Lam, directrice générale de l’Agence pour la Promotion des Investissements en Mauritanie (APIM) et Bernard Rubi, conseiller Coopération et Action Culturelle à l’ambassade de France.
Filles et femmes toujours aux premiers rangs
Devant de brillantes prestations toutes plus envoûtantes les unes que les autres, les membres du jury ont reconnu avoir eu du mal à départager les candidats : « cela été vraiment difficile. Le niveau était bon et l’éloquence au rendez-vous. Mais il fallait bien attribuer des rangs, conformément aux règles de l’exercice. Alors, nous nous sommes fait violence pour arriver à un verdict classant la cuvée 2022 du Concours de l’Éloquence », confesse madame Hindou mint Aïnina.
Au final, six prix dans les catégories arabophone et francophone, avec une véritable razzia des filles, qui ont raflé cinq couronnes. Le premier francophone est revenu à Fatou Marega, 19 ans, élève au groupe scolaire « Cheikh Moussa ». Tacko Soumaré, 24 ans, étudiante en informatique, s’est emparée du premier prix arabophone. Fatou et Tacko emboîtent ainsi les pas à Mouna mint Khelifa et Djielulbé Bâ (respectivement pour le français et l’arabe), qui avaient séduit 2021 à l’occasion d’une édition organisée sous le thème « La Mauritanie que nous voulons ». Une manifestation dont les vidéos sont devenues virales grâce à une jeunesse en quête d’unité nationale.
Dans l’euphorie de la victoire, Fatou Marega, premier francophone, reconnait « la vive émotion ressentie au cours d’un exercice qui contribue au développement des aptitudes oratoires et de leadership. Une distinction qui renforce également la confiance en soi, indispensable à la réussite dans tous les domaines de la vie ». Même fierté du côté de Tacko Soumaré, lauréate dans la catégorie arabophone : « Je remercie du fond du cœur tous les acteurs ayant contribué à l’éclatant succès de cette manifestation. Elle m’a permis d’aller, à bien des égards, au-delà de certaines limites. Une nouvelle confiance est née en moi ».
Des témoignages qui répondent parfaitement à la philosophie de l’UNICEF. « Nous sommes très heureux de voir des jeunes à l’aise devant tous les sujets de débat qu’ils traitent avec talent. Année après année, on découvre la présence brillante des jeunes filles et des femmes. C’est un excellent plus », note Jean-Marc Lucet, représentant l’agence onusienne à l’occasion de la soirée finale. Se tournant vers le staff en charge de la communication, il remercie chaudement « Traversées Mauritanides », qualifiée « d’association sérieuse, engagée pour les bonnes causes ».
Échos identiques de satisfaction de la part de tous ceux et celles qui ont eu le privilège d’assister à ces envolées du Verbe et de la Parole, à travers de beaux lyrismes sur un sujet dramatique. Un contexte de dépression pandémique grâce auquel les États et, au-delà, les peuples ont beaucoup appris, développant une attitude de résilience nécessaire à la survie, suite à la réduction – et même parfois l’arrêt sec – de nombreuses activités du secteur informel. Une résilience où toute la société, notamment les media, ajoué un rôle de premier plan.
Exit donc l’édition 2022 du Concours de l’Éloquence ! Les yeux sont désormais tournés vers 2023 et le prochain sujet.
Seck Amadou