C’est au pas de charge que le député Biram Dah Abeïd a effectué, les 10 et 11 Février, une tournée dans la Chemama, se rendant en plusieurs localités du département de Tékane et de Lexeïba 2 (Trarza)frappées de plein fouet par la spoliation et l’esclavage foncier, la pauvreté et le déficit de structures sanitaires, éducatives et autres services sociaux de base. Abandonnées à elles-mêmes, ces populations – «véritable bétail électoral » – n’ont que leurs yeux pour pleurer leur triste sort, en ces temps hors campagne électorale. Mais, en dépit des défections, le leader abolitionniste n’a pas perdu de sa popularité, de sa stature et de sa capacité à mobiliser les foules. L’accueil chaleureux et populaire fut une nouvelle fois de mise. Occasion mise à profit par les populations pour exposer leurs difficultés de tout ordre, aussi bien en public que lors des multiples audiences que Biram leur a accordées.
À Bezoula, Mbegnick et Oumoul Ghoura, les paysans l’ont ainsi informé de l’état des lieux de la tenure des terres. Celle-ci a évolué négativement ces dernières années, au détriment des paysans haratines, halpulaars et wolofs. Propriétaires terriens depuis quatre générations, ils ont vu leur situation se dégrader avec la mise en œuvre du fleuve Sénégal, les événements de 1989 et la dérive ethnique de l’État mauritanien. Conjuguées à l’hostilité de l’administration territoriale, les velléités des féodalités tribalo-confrériques d’étendre leurs jougs ont eu le vent en poupe. « Des actes administratifs et juridiques expropriant les propriétaires ont été posés, suivis de titres fonciers et affectations de la terre – en centaines d’hectares ! – à des officiers supérieurs et des fonctionnaires. Les paysans n’ont cessé de se plaindre de l’administration », rappelle Biram. Selon les estimations des paysans, trois familles sont détentrices de la majeure partie des terres agricoles à Lexeïba, ne laissant que la portion congrue aux populations des quatre-vingt localités que compte le secteur.
Les paysans haratines, halpulaars et wolofs de Mbarwadji, Ganki, Medina et Sanaa ne détiennent ainsi que vingt des mille hectares cultivables. « Des actes inégaux ont été posés par l’État, via des fonctionnaires de l’administration territoriale », affirme Biram. Face à ces expropriations et discriminations, « les seules réponses publiques, c’est le recours aux services sécuritaires, la répression et l’emprisonnement », déplorent les villageois. Nombre de paysans contestataires ont ainsi connu la case-prison. Conscient de cette situation, le président de IRA-Mauritanie incite à une résistance pacifique : ne pas céder à l’intimidation mais refuser de se plier aux procédés des présidents de tribunaux et autres juges consistant à imposer aux personnes arrêtées la signature, en contrepartie de leur élargissement, d’un engagement à ne plus revendiquer leurs terres : « Refusez et restez en prison. Soyez solidaires et refusez de quitter vos terres ».
Et de rappeler à tous que « dans sa démarche de pacification de la scène politique, le président Ghazwani a dénoncé les inégalités, en privé et en public, notamment dans ses discours, et appelé à leur éradication. Mais il n’est pas écouté par ceux qui sont chargés d’appliquer sa politique ». Puis, après avoir dénoncé ces injustices foncières, Biram a invité les paysans à adhérer à son programme pour les élections régionales, municipales et législatives de 2023 et la présidentielle de 2024. « Nous allons abolir cette tenure injuste de la terre en révoquant les actes administratifs et juridiques abusifs »,a-t-il promis. Dans la foulée, le leader abolitionniste s’engage à indemniser les personnes dotées d’actes de propriété dûment signés. « On va redonner prioritairement la terre aux paysans. C’est leur seul moyen de survie et d’épanouissement ».Et de dénoncer le détournement du crédit agricole à des gens étrangers au milieu des agriculteurs.
Santé et éducation, aux abonnés absents
.Avant son départ à Oumoul Ghoura, les intervenants de Mbegnick et de Bezoula ont également abordé les problèmes criants de leurs localités : la non-couverture des besoins sanitaires et éducatifs, l’accès problématique aux pièces d’état-civil. À Khayla et Basra, les complaintes des populations ont trait à la décision des autorités de réunir en une seule entité les différents établissements scolaires épars. Les responsables locaux contestent le choix jugé « complaisant » du lieu – Koundy 3 – devant abriter ledit établissement scolaire, une « décision inique », selon eux, dont sont victimes, depuis 2017, deux cent soixante-dix enfants en âge de scolarisation. « Est-ce le but de cette mesure que de laisser en marge une bonne partie de nos jeunes ? », s’interroge Biram, « Absurde, en tout cas ! ».Les populations ont exigé la réouverture de leur établissement respectif. L’ex-candidat à la présidentielle a profité de l’occasion pour dénoncer « l’activisme débordant, effréné et exacerbé » des populations de Khayla et Basra au profit d’Ould Abdel Aziz en 2014.Il désavoue les dirigeants de ces deux localités pour leur « incohérence », tant dans leur démarche que leurs prises de position au profit du pouvoir.
À Oumoul Ghoura, les populations ont fait part du déficit en enseignants, de l’ouverture d’un poste de santé équipé et inauguré mais aussitôt fermé, l’accès difficile au crédit agricole, la disponibilité aléatoire de l’eau, l’inaccessibilité à l’électricité. Le vol de bétail – trois cents ovins en trois ans ! – se pose avec acuité. Biram a demandé aux populations de le soutenir et de l’aider à « abréger leurs souffrances, en adhérant à son projet de société. […] Arrivés au pouvoir, nous pourrons régler vos problèmes » leur promet-il, projetant de les accompagner au règlement de ces multiples problèmes. Enfin, Biram entend s’investir dans le règlement du contentieux opposant les populations d’Amara et de Ngawlé. « Je compte revenir le 4 Mars prochain pour sceller leur réconciliation qui permettra d’élargir les jeunes détenus lourdement condamnés » (voir encadré).
THIAM Mamadou
Encadré – Ngawlé: Lourdes condamnations
Mercredi 9 Février, le tribunal de Rosso a lourdement condamné à deux ans de prison, assortis d’une amende de 20 millions MRO – aux titres de dédommagements de frais médicaux, réparation du préjudice subi… – quatre personnes natives du village de Ngawlé. Youssouf Fall, Aliou Wade, Mamoudou Seck et Kalidou Seck ont été reconnus coupables« d’agression physique et non- assistance à personne en danger » à l’encontre de trois villageois de la localité d’Amara (Lexeïba 2). Accusés d’être à la solde de l’homme d’affaires qui tente d’exproprier des exploitants de Ngawlé de leurs terres agricoles, les trois paysans haratines, qui étaient, selon eux, à la recherche d’un des leurs, avaient été gravement blessés lors d’une bagarre. Pour leur défense, les condamnés ont réfuté l’accusation, invoquant la légitime défense et les intimidations de gens manipulés et disposant d'une arme.
Pour essayer de désamorcer la bombe, le député et président d’IRA-Mauritanie, Biram Dah Abeïd, s’est rendu, vendredi 11 Février, à Amara et Ngawlé, pour entamer une médiation. Les représentants et dirigeants locaux d’Amara ont affiché leurs dispositions à des retrouvailles et se disent prêts à faire des concessions. Mais ils ont déploré le fait qu’aucun dignitaire de Ngawlé ne soit venu s’enquérir de l’état des blessés et demander pardon. Ils se disent ouverts à toute discussion avec leurs voisins et ont assuré Biram de« leur volonté de régler entre eux leurs problèmes ».
Après sa rencontre avec les notables d’Amara, Biram s’est rendu à Ngawlé où il a été snobé par les responsables locaux. Mécontents de n’avoir pas été visités en premier, les dirigeants locaux ont préféré « se barricader et bouder » la rencontre. Mais le député compte revenir à la charge le 4 Mars prochain, projetant de retourner à Ngawlé et Amara pour sceller la réconciliation. Ce qui pourrait permettre un retrait de la plainte et un élargissement des détenus.
« Je serai en ordre de bataille pour soutenir pleinement les propriétaires agricoles de Ngawlé contre la spoliation de leurs terres », a affirmé Biram Dah Abeïd. Et de rappeler que dix-huit activistes des droits humains arrêtés depuis Décembre dernier pour « trouble à l’ordre public et participation à un sit-in non autorisé, suite à des actions de protestation à Ngawlé contre ladite tentative d’expropriation, avaient été acquittés.