Le discours, le lundi 31 janvier 2022, du Président de l’Assemblée nationale, l’Honorable Cheikh Ould Baya, à l’occasion de la clôture de la première session parlementaire ordinaire 2021-2022, restera sans doute dans l’histoire, tant par sa profondeur, sa clarté et sa pertinence à aborder des sujets, certes hérités du passé, mais hélas toujours actuels et encore bien ancrés.
Plus qu’un discours de rupture avec les soliloques soporifiques de certains tenants des pouvoirs, toujours prompts à décliner des lieux communs de crainte de toucher à l’ordre établi ou heurter la sensibilité du Prince, celui de l’Honorable Cheikh Ould Baya a eu le mérite, non seulement de solder les comptes avec les élites aussi bien politique, religieuse, scientifique que culturelle, mais surtout de pointer un doigt accusateur sur la démission de tous. Démission face aux tares qui gangrènent la société : l’esclavage et ses séquelles, le tribalisme, les privilèges liés à la naissance, la stratification sociale et autres discriminations d’ordre « castal ».
A écouter l’Honorable Cheikh Ould Baya, on croirait entendre un leader de l’opposition, la sortie vigoureuse, empreinte de vérités crues et d’apostrophes sans concession, ne sort jamais ici de la bouche d’un responsable du pouvoir, en tout cas jusqu’au discours de Ouadane qui a énuméré les thèmes en question. Ce en quoi la prise de position du Président de l’Assemblée Nationale, tout en montrant la voie, montre aussi les dessous peu pudiques d’une société qui craint la rupture, encourage l’ordre ancien et peine à entrer dans un monde où la République s’affranchit de tout ce qui ne relève pas de la règle propre à la citoyenneté.
Les points sur les i de l’Honorable Cheikh Ould Baya, à grand renfort de principes citoyens et rappel des injonctions du Livre Saint (le Coran), sonnent comme une invite impérative à la déconstruction d’une société bâtie sur le faux, le non-dit, le manque de courage à dire la vérité, en tout lieu et en tout temps, quel qu’en soit le sacrifice.
En fustigeant le comportement de l’élite dans sa démission à combattre les maux de la société, le Président de l’Assemblée Nationale s’adresse aussi à tous, sans exception ; le double langage, le discours convenu, la crainte de mettre le doigt là où ça fait mal, la propension de tous à éviter de voir la face hideuse de la société étant les traits communs à tous les Mauritaniens.
Espérons que le brillant prêche dans l’hémicycle de l’Honorable Cheikh Ould Baya marquera le début d’une prise de conscience collective pour que désormais tous les points de discorde qui minent la nation ne continuent plus d’être des sujets tabous et que chacun, en ce qui le concerne, fera sienne, comme il se doit, la devise du pays : « Honneur, Fraternité, Justice ».
Qu’Allah (SWT) fasse que le discours de Cheikh Ould Baya ne tombe pas dans les oreilles des sourds et qu’il ne se heurte pas au mutisme honteux de ceux qui n’excellent que dans le déni et la dénaturation des faits.
Maître Mine Abdoullah
Avocat